La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a introduit dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile plusieurs dispositions instaurant un échange mutuel d’informations entre l’autorité judiciaire et les autorités en charge de l’asile(1). Le ministère de la Justice apporte son éclairage sur ces échanges d’informations dans une circulaire qui vient de paraître.
Ces échanges, résume la chancellerie, ont vocation à s’effectuer dans deux hypothèses inverses :
→ l’autorité judiciaire est saisie de faits graves commis par une personne à qui aurait été accordée une protection internationale (statut de réfugié, protection subsidiaire ou statut d’apatride) ou qui en solliciterait le bénéfice ;
→ les autorités en charge de l’asile rejettent une demande d’asile en raison de faits graves susceptibles d’avoir été commis par le demandeur de protection internationale.
De tels échanges existaient auparavant de manière informelle mais, explique le ministère, le législateur a souhaité les « institutionnaliser » et les « systématiser », afin de « préserver la crédibilité et l’intégrité du système de l’asile et de lutter contre l’impunité en cas de crimes graves ou de fraude à la demande d’asile ».
La loi du 29 juillet 2015 a fait obligation à l’autorité judiciaire de communiquer au directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et au président de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) tout élément dont elle a eu connaissance au cours d’une instance civile ou d’une information criminelle ou correctionnelle, qui serait susceptible de conduire à un refus de reconnaissance d’une protection internationale ou à la fin d’une protection. Les personnes susceptibles d’être concernées par cette mesure sont donc les demandeurs d’asile, les réfugiés, les apatrides ou les personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire.
Quelles sont les informations visées ? Il s’agit, indique la circulaire, d’éléments laissant suspecter que l’intéressé pourrait :
→ soit se voir opposer le caractère frauduleux de sa demande d’asile(2) ;
→ soit se voir appliquer l’un des motifs d’exclusion prévus par la loi, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que la personne aurait commis ou se serait rendue coupable de certains crimes.
Sur ce dernier point, dans les hypothèses prévues par le législateur figure celle où il existe des raisons sérieuses de penser que la personne aurait commis ou se serait rendue coupable d’agissements contraires aux buts et principes des Nations unies. Le ministère précise que les actes de terrorisme peuvent être considérés comme entrant dans cette catégorie.
Les informations relatives à une activité terroriste sont également « de première importance » lorsqu’il s’agit d’identifier « l’existence d’une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique et la sûreté de l’Etat », qui est un desmotifs spécifiques d’exclusion ou de fin donnée à une protection subsidiaire.
Enfin, l’existence d’une activité terroriste peut faire suspecter le caractère frauduleux d’une demande d’asile et dès lors entrer dans le champ d’application de l’obligation de transmission d’informations.
La circulaire détaille les modalités suivant lesquelles cette transmission doit s’organiser. « De préférence », précise-t-elle, elle doit se faire de manière spontanée par l’autorité judiciaire mais les autorités en charge de l’asile sont également en droit d’en faire la demande. « Dans ce cas, une réponse rapide devra être apportée. »
Le directeur de l’OFPRA a dorénavant l’obligation d’adresser au procureur de la République un signalement à la suite d’une décision faisant application d’une des clauses d’exclusion prévues par le législateur à l’égard d’un demandeur d’asile. Contrairement à la première hypothèse (voir ci-dessus), ce signalement ne concerne que les cas d’exclusion décidés du statut et non pas les décisions de fin de protection prises en raison de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité.
Le directeur de l’OFPRA doit ainsi informer « sans délai » le procureur de la République de l’exclusion d’un demandeur d’asile pour l’un des motifs prévus par la loi. Il doit, dans ce cadre, fournir tout renseignement ayant conduit l’office à exclure l’intéressé de la protection internationale et l’autorité judiciaire peut requérir des éléments d’informations complémentaires auprès de ses services. Le ministère considère comme « renseignement utile » la décision d’exclusion de l’OFPRA et l’éventuelle décision de rejet de la CNDA, ainsi que les pièces du dossier en lien direct avec le motif d’exclusion. Etant précisé que « ce dernier élément devra faire l’objet d’une appréciation au cas par cas en fonction des besoins de l’autorité judiciaire et dans le cadre d’un échange avec celle-ci ».
(2) Il s’agit de cas où la personne est soupçonnée d’avoir produit des documents ou des pièces frauduleux ou falsifiés détenus par l’autorité judiciaire, dans le but de tromper intentionnellement les autorités de l’asile sur la réalité de son besoin de protection internationale.