Une circulaire du 1er novembre, signée par le garde des Sceaux, détaille les modalités de « mise en œuvre d’un dispositif spécifique et exceptionnel » d’accueil et d’orientation des mineurs non accompagnés dans le cadre des opérations de démantèlement de la lande de Calais, ainsi que de la fermeture du centre d’accueil provisoire (CAP) et du centre Jules-Ferry. Elle rappelle que le dispositif repose notamment « sur l’accueil des mineurs non accompagnés ou se présentant comme tels dans plusieurs centres d’accueil temporaires répartis sur le territoire national et dénommés “centre d’accueil et d’orientation des mineurs non accompagnés” (CAOMI) ».
Cette mise à l’abri exceptionnelle « est fondée sur le pouvoir de police générale de protection des personnes », souligne la chancellerie, en se référant à un arrêt du Conseil d’Etat rendu en juillet dernier. Dans cette décision, la Haute Juridiction administrative a jugé qu’un dispositif d’accueil saturé n’exonère pas un département de son obligation de prise en charge des mineurs isolés étrangers, mais que le juge des référés peut toutefois prononcer une injonction à l’égard de l’autorité titulaire du pouvoir de police générale (c’est-à-dire le préfet ou le maire) si les mesures de sauvegarde à prendre excèdent les capacités d’action du département(1). Une brèche dans laquelle s’engouffre la circulaire : « l’importance du nombre de mineurs non accompagnés concernés par le démantèlement de la lande de Calais dépasse les capacités du département du Pas-de-Calais ; en conséquence, l’Etat a la responsabilité d’organiser une prise en charge adaptée ».
D’une capacité d’accueil de 20 à 50 places, les CAOMI sont ouverts sur des sites identifiés par les préfets, sous l’autorité des ministères de l’Intérieur et du Logement et de l’Habitat durable, conjointement avec les ministères de la Justice et des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes. « Leur implantation a fait l’objet d’une consultation des collectivités locales (mairie et conseil départemental) », affirme encore l’instruction, dont le contenu reprend peu ou prou le cahier des charges proposé à plusieurs associations. Celui-ci avait d’ailleurs suscité l’inquiétude de certaines d’entre elles en octobre dernier(2).
Gérés par un ou plusieurs opérateurs partenaires, les centres accueillent les mineurs isolés, dans des locaux toujours distincts ou séparés de ceux des majeurs, « pour une durée estimée de trois mois, avant que ces derniers puissent être orientés soit vers le Royaume-Uni, soit vers le dispositif de protection de l’enfance de droit commun ». Ils doivent assurer l’hébergement et la sécurité des mineurs et veiller « à l’identification et à la prise en charge de leurs besoins, notamment médicaux et psychologiques ». Ils doivent en outre proposer aux mineurs de les accompagner dans leurs démarches administratives liées à leur dossier ou à leur projet, et solliciter, le cas échéant, la désignation d’un administrateur ad hoc.
« Les CAOMI proposent également, dans le cadre du fonctionnement quotidien, des animations éducatives, sportives et une sensibilisation à l’apprentissage du français », toutes ces missions étant assurées par « une équipe pluridisciplinaire composée de travailleurs sociaux (éducateurs spécialisés, assistants de service social), de psychologues et d’interprètes ». Il pourra aussi, poursuit la circulaire, « être fait appel à l’aide de bénévoles (pour l’apprentissage du français, la traduction, l’animation, l’aide juridique…). Des intérimaires ou des étudiants en recherche de stage (par exemple en provenance de l’institut régional du travail social ou d’un institut en formation en soins infirmiers) pourront aussi compléter les équipes éducatives. » Les centres pourront enfin « éventuellement recueillir le soutien ponctuel ou de courte durée d’agents du conseil départemental (notamment assistants de service social, éducateurs spécialisés…) ».
A leur arrivée dans le centre, après avoir fait l’objet d’un recensement et d’une « appréciation rapide » de leur situation, notamment sous l’angle sanitaire, les mineurs doivent bénéficier, « en priorité, de la continuité de l’instruction par les autorités britanniques de leur demande de rapprochement familial », dans le cas où elle « aurait été initiée à Calais », car « la probabilité que la plupart des mineurs souhaiteront rejoindre le Royaume-Uni étant très élevée, il leur a été garanti que leur dossier pourrait être traité dans chacun des CAOMI dans un délai de trois à six semaines », indique la circulaire.
La sortie du dispositif dérogatoire intervient soit après le départ du mineur au Royaume-Uni, soit après évaluation de sa minorité et de son isolement en vue de sa prise en charge par la protection de l’enfance, évaluation qui n’aura cependant lieu qu’une fois que « l’option d’accueil par le Royaume-Uni aura été définitivement écartée ». Dans ces conditions, souligne l’instruction, « il n’est pas utile ou pertinent que le conseil départemental ou l’association désignée commence l’évaluation des mineurs dès leur arrivée ».
C’est le président du conseil départemental qui est « seul responsable de l’évaluation de droit commun, mais l’ensemble des frais de celle-ci est pris en charge par l’Etat », confirme la circulaire, conformément à l’annonce faite par le Premier ministre le 2 novembre(3).
A l’issue de l’évaluation, « trois hypothèses sont à envisager », selon qu’elle conclut à la majorité, à la minorité sans isolement ou à la minorité avec isolement :
→ en cas de majorité, le jeune majeur est orienté vers un CAO pour majeurs, une attestation de refus de prise en charge lui étant remise pour lui permettre de faire valoir ses droits ;
→ en cas de minorité sans isolement, les jeunes peuvent, si cela est conforme à leur intérêt, être remis à un adulte responsable identifié et localisé sur le territoire national s’il dispose de l’autorité parentale ou être placés auprès de cet adulte, le cas échéant par décision du juge des enfants, après ouverture d’une procédure d’assistance éducative ;
→ en cas de minorité et d’isolement confirmés, le président du département doit signaler la situation au procureur de la République territorialement compétent, qui contacte la cellule nationale d’orientation et d’appui à la décision de placement judiciaire placée auprès de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Il prend une ordonnance de placement provisoire sur la base des informations reçues, le mineur pouvant être maintenu dans le département ou orienté vers un autre, selon la clé de répartition issue du décret du 24 juin 2016(4). « Le transport accompagné des jeunes vers leur lieu d’accueil sera assuré par le CAOMI et financé par l’Etat. » Afin de permettre l’entrée progressive de tous les mineurs accueillis en CAOMI dans les dispositifs d’aide sociale à l’enfance, « la cellule pourra être amenée à différer la date d’orientation de quelques jours », précise encore le texte, le procureur pouvant, s’il le juge utile, confier le mineur en placement direct au CAOMI, « dans l’attente de son orientation » qui, dès qu’elle sera connue et datée, nécessitera alors une nouvelle décision de placement.
Par exception, précise enfin la circulaire, une procédure d’assistance éducative peut ponctuellement être ouverte avant la réalisation de l’évaluation, en cas de situation de danger pour le mineur, avec ou sans ordonnance de placement provisoire du procureur de la République, selon la nature du danger.
(1) Sur cette décision du Conseil d’Etat, voir ASH n° 2975 du 16-09-16, p. 44.