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Régime juridique des SAAD : des effets à retardement

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Un an après son entrée en vigueur, l’uniformisation du régime juridique des SAAD n’a pas encore produit tous ses effets. Son application apparaît surtout fluctuante d’un département à l’autre, ravivant la principale préoccupation des structures : leur équilibre financier.

Une réforme « essentielle », permettant de « mieux structurer des services de qualité », dans une logique de « protection sociale des publics fragiles ». Depuis sa promulgation le 28 décembre 2015, le gouvernement ne perd pas une occasion de promouvoir la loi d’adaptation de la société au vieillissement, dite loi « ASV », et notamment son volet sur la simplification du régime juridique des SAAD (services d’aide et d’accompagnement à domicile) (voir encadré), censé contribuer à la modernisation du secteur. Sur le principe, les fédérations avaient accueilli la réforme avec bienveillance, la coexistence de deux systèmes – l’agrément et l’autorisation – apparaissant préjudiciable à la consolidation de l’offre. Dans les faits, l’appréciation est plus mitigée.

Une réalité qui « contredit les beaux discours »

« C’est une vaste mascarade, tranche le directeur d’un SAAD en milieu rural, particulièrement remonté. Entre le cadre national et la mise en œuvre départementale, la réalité contredit les beaux discours politiques. » En 2004, sa structure était « entrée tête baissée dans le médico-social ». Avec le recul, elle n’a récolté « que les contraintes de la loi 2002-2 », estime-t-il : « Nous subissons l’obligation de rendre des comptes sur la qualité à une autorité de financement qui ne veut pas financer. » Après dix ans de cantonnement du tarif horaire en dessous du prix de revient, seule la diversification des activités – principalement dans le domaine de la formation – lui permet d’atteindre péniblement l’équilibre. A tel point que le conseil d’administration avait envisagé de renoncer à l’autorisation, afin de pouvoir surfacturer les prestations.

« Aujourd’hui, nos adhérents sont davantage préoccupés par le financement et l’activité que par leur régime juridique », confirme Vincent Vincentelli, responsable « réglementation secteurs d’activité » à l’UNA (Union nationale de l’aide, des soins et des services à domicile). Dans les départements dans lesquels prévalait un dialogue de qualité, peu de changements sont à prévoir. « Nous sommes autorisés et tarifés depuis 2006, dans le cadre d’un schéma départemental interinstitutionnel avec le conseil départemental, la caisse d’allocations familiales et la Mutualité sociale agricole, témoigne ainsi Isabelle Lafaye, directrice de l’AFAD (Association familiale d’aide à domicile) Gironde, qui accompagne des familles en difficulté. Nous avons mis en place peu à peu les outils de la loi 2002-2, nous avons réalisé une évaluation interne et budgété une évaluation externe pour 2017, le dialogue budgétaire avec nos financeurs est fluide… Sur le fond, je n’ai aucune inquiétude. » Ailleurs, les difficultés demeureront à l’identique, regrette Didier Duplan, directeur général adjoint de la Fédération Adessadomicile. « Le déplafonnement des plans d’aide et la revalorisation de l’APA [allocation personnalisée d’autonomie] vont certes donner un peu d’oxygène aux bénéficiaires, mais cela n’aura aucun effet sur les structures », prédit-il. « La question du juste tarif est essentielle », affirmait pourtant en juin dernier Pascale Boistard, la secrétaire d’Etat chargée des personnes âgées et de l’autonomie, devant l’assemblée générale de l’UNA, évoquant « un danger de fragilisation des services et de perte d’emploi ».

Autant d’interprétations que de territoires…

Dans ce contexte, la signature de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, solution pourtant préconisée par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), ne suscite pas un enthousiasme débridé. « Si c’est pour se retrouver pieds et poings liés pendant cinq ans, je ne vois pas l’intérêt ! », balaie le directeur du SAAD rural, qui souhaite rester anonyme. « Dans notre secteur, l’activité est fluctuante, ajoute une directrice générale. Comment savoir ce qu’elle représentera dans trois ou quatre ans ? » Plus séduisante, l’idée d’un forfait global reste encore à mettre à l’épreuve des faits. « Cela permettrait de moduler les interventions en fonction des besoins d’aide de chaque personne, qui peuvent varier d’une semaine à l’autre », remarque Didier Duplan.

Près d’un an après l’entrée en vigueur de la réforme, les effets sont encore difficiles à mesurer. « Le ciel n’est tombé sur la tête de personne, mais la réorganisation du paysage est loin d’être achevée », résume Vincent Vincentelli. « Sachant qu’il y a autant d’interprétations que de territoires », observe Didier Duplan. Et que la tâche est immense pour les départements, explique Edith Moncoucut, vice-présidente du conseil départemental de la Gironde, chargée de l’autonomie : « Les gestionnaires des 175 SAAD ex-agréés du département sont encore en attente d’éclaircissements pour se positionner sur l’habilitation ou la tarification. Et de notre côté, le transfert de compétences ne s’est pas accompagné d’un transfert de moyens. » Pour l’élue, la réforme constitue pourtant une occasion de restructurer l’offre et de « conforter sa diversité », afin de permettre aux usagers « d’exercer un libre choix entre différentes structures ». 2017 devrait donc constituer une année de mise en place. Reportant à l’horizon d’un an les véritables effets de la recomposition.

Cadre juridique

En supprimant le droit d’option et en inscrivant l’ensemble des SAAD dans un régime unique d’autorisation à partir du 30 décembre 2015, l’article 47 de la loi « ASV » a soumis tous les services aux mêmes dispositions et garanties. Ceux autrefois agréés sont désormais réputés autorisés. Cette autorisation est valable quinze ans à compter de la délivrance du dernier agrément. L’autorisation automatique n’entraîne pas, pour autant, une tarification administrée ou une habilitation à l’aide sociale, qui doivent faire l’objet d’une demande spécifique. Les outils de la loi 2002-2 comme les obligations liées à l’évaluation sont désormais applicables à tous les SAAD.

Témoignage : Geoffroy Verdier directeur général de l’association Aide à domicile pour tous (Loire-Atlantique et Vendée)

« L’association ADT (ou Aide à domicile pour tous) est implantée dans deux départements voisins : la Vendée et la Loire-Atlantique. Les 580 salariés y accompagnent des publics fragiles (familles, personnes âgées ou handicapées, aidants familiaux), à raison de 450 000 heures par an. Bien que la loi “ASV” donne en principe un cadre national, les deux conseils départementaux ont effectué des choix très différents.

En Loire-Atlantique, la loi n’a rien changé. Les services autorisés et habilités le sont restés, et le tarif n’a pas bougé. Les opérateurs agréés sont désormais autorisés, et leurs clients sont toujours remboursés sur la base d’un tarif départemental, autour de 17,55 €. En Vendée, en revanche, le département a considéré que l’uniformisation du cadre juridique devait entraîner, sous couvert d’équité, une uniformisation du financement. Le conseil départemental a donc encouragé les acteurs locaux historiques à sortir de l’habilitation à l’aide sociale et de la tarification, afin que tous les services s’alignent sur le même tarif : 20,50 € pour les bénéficiaires de l’aide sociale, et 19,85 € pour le reste de la population. En contrepartie, les structures peuvent surfacturer les prestations.

Sur les cinq associations concernées par cette proposition, nous sommes la seule à avoir refusé. Nous estimons notamment que celle-ci contrevient au code de l’action sociale et des familles, qui prévoit que le tarif horaire tienne compte des rémunérations des intervenants. Avec, pour nous, des conséquences très directes. En effet, nos quarante années d’activité constituent un gage de qualité, mais entraînent aussi un coût plus élevé : nos salariés ont acquis de l’ancienneté, valorisée par la convention collective, le glissement vieillesse-technicité est important… Bref, pour atteindre l’équilibre, nous devrions surfacturer au moins 2,50 € de l’heure dès 2016, puis davantage encore chaque année.

Au risque, à terme, de perdre des bénéficiaires qui opteraient pour des opérateurs moins chers, ce qui pourrait compromettre la viabilité du service.

Comme nous avons refusé la déshabilitation, nous demeurons sous le régime de la tarification, avec un tarif proche du tarif départemental… mais sans possibilité de surfacturer. L’équation est intenable, et le dialogue de gestion très difficile.

C’est pourquoi nous avons décidé de porter le dossier devant le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale. »

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