Secrète et volontaire… Catherine Bonnet ne laisse rien percer des ressorts intimes qui l’ont amenée à travailler dans la protection de l’enfance et à y gravir les échelons, jusqu’à prendre en 2016 les rênes de la direction Enfance-Famille du département de la Drôme. Mais elle revendique haut et fort d’être du sérail, autant pour la légitimité que cela lui apporte que pour sa connaissance du secteur et les compétences qu’elle en retire. « Je pense que les directeurs de l’enfance et de la famille devraient être des techniciens, connaître le métier et l’aide sociale à l’enfance, car c’est très long d’apprendre tout cela », confie-t-elle. Suivez son regard : ces purs gestionnaires, qui ne savent rien du travail social et imposent des organisations à des équipes dont beaucoup ont souffert…
Elle, en effet, est du métier. Educatrice spécialisée, née à Grenoble, elle a « expérimenté tous les types d’accueil et d’accompagnement ». Parmi les souvenirs marquants de cette adepte de la voile et des grands voyages, ses deux années à La Cordée, à Chambéry, un foyer pour adolescentes délinquantes. « Elles arrivaient, mettaient tout à sac, elles avaient des armes, se souvient-elle. Mais si on engageait une relation, si on s’intéressait à elles, elles s’en sortaient. » Elle en a tiré des enseignements sur la force d’un collectif qui s’investit dans une relation éducative, mais pas seulement. « L’autre sait pour lui-même, on l’écoute, on accompagne son chemin. Il faut le respecter, ne pas vouloir à sa place, et l’aider à trouver sa solution. » C’est l’un des fondements de la psychanalyse, une démarche pour laquelle elle a « de l’appétence ». « J’ai travaillé dans des établissements où des psychologues conduisaient des séances d’analyse de la pratique. J’ai lu beaucoup de livres dans ce domaine. » Au point qu’elle a eu envie d’en faire son métier. Alors qu’elle était éducatrice spécialisée à l’aide sociale à l’enfance (ASE) de la Drôme, elle a entamé des études de psychologie clinique à l’université Lyon-2. Mais elle a renoncé au début des années 1990, quand elle a eu l’opportunité de prendre un premier poste d’encadrant en tant que responsable d’équipe au sein de l’ASE de l’Isère. Et elle regrette aujourd’hui que l’étiquette « psy » lui colle à la peau alors qu’elle s’est ouverte à d’autres approches, par exemple systémique.
En 1995, Catherine Bonnet prend la responsabilité d’une unité de placement familial dans la Drôme. « C’était nouveau, quelque chose d’unique dans l’aide sociale à l’enfance, se souvient-elle. L’important, c’est d’accompagner l’éducateur et la famille d’accueil, de les aider à ressentir ce qui se passe, à mettre des mots sur les difficultés, leurs émotions, amenant l’enfant à parler sa violence plutôt qu’à la manifester. »
Quand le directeur du service de placement familial du département part, en 2002, Catherine Bonnet assure l’intérim, puis est nommée à ce poste. Elle se retrouve à la tête de cinq unités ayant en charge le suivi de 500 enfants et de 300 familles d’accueil. Et prend goût au pilotage. Chef de service à la Maison départementale de l’enfant, Nicolas Michel l’atteste : « Elle est engagée et attentive aux besoins des enfants, des parents, des professionnels. Elle est dans la proximité, dans l’échange, elle est dynamique et tenace. » En 2010, cette Drômoise devient directrice adjointe Enfance-Famille. Elle participe à la refonte complète de l’ASE, achevée en avril 2015, au service du « projet pour l’enfant ». « Le responsable territorial est en charge du parcours de l’enfant, il co-construit le projet avec lui, ses parents et les partenaires. Les chefs de service “domicile” ou “accueil” encadrent les professionnels qui le mettent en œuvre », détaille Catherine Bonnet. Elle s’est fait l’avocate de ce changement, toujours déterminée et convaincue.