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Minima sociaux : et si le département devenait pilote de la lutte contre le non-recours ?

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Dans un rapport d’information sur l’évaluation des politiques publiques en faveur de l’accès aux droits sociaux(1), rédigé pour le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, les députés Gisèle Biémouret (PS) et Jean-Louis Costes (LR) listent une série de propositions qui visent à garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux en suggérant, en particulier, de faire du conseil départemental le chef de file de la lutte contre le non-recours aux minima sociaux.

Regrettant, à l’instar de l’inspection générale des affaires sociales dans son deuxième rapport d’évaluation de la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale de janvier 2013(2), qu’aucune « des institutions responsables ne fixe de réduction chiffrée de taux de non-recours », les deux élus préconisent notamment de mettre au point « des objectifs de diminution [de ce taux], assortis d’indicateurs précis ».

Une réalité encore méconnue

Issu de travaux engagés en octobre 2015, ce rapport se limite aux minima sociaux contribuant à soutenir le revenu – c’est-à-dire le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation aux adultes handicapés, l’allocation de solidarité aux personnes âgées et l’allocation spécifique de solidarité, qui regroupent 96 % des allocataires – et à favoriser l’accès aux soins, soit la couverture maladie universelle complémentaire et l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé. L’objectif des rapporteurs a été de « mesurer le chemin parcouru » depuis la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998, dont l’objectif premier était de « garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux », et au regard des mesures prises dans le cadre de la mise en œuvre du plan de lutte contre la pauvreté de 2013. Ce, dans un contexte où « la réalité du non-recours aux droits sociaux est encore méconnue et ses conséquences peu documentées », avec un taux évalué par les associations de solidarité à 30 % en moyenne pour les différents minima.

Des opinions divergentes

Plusieurs voies d’action sont ainsi avancées par les députés pour améliorer la gouvernance du dispositif de lutte contre le non-recours et le suivi du phénomène, pour mieux identifier les bénéficiaires potentiels et enfin pour rendre les prestations plus accessibles. Sur ce dernier point, leur rapport vient alimenter la réflexion en cours sur la simplification des minima sociaux, qui a donné lieu à la remise, en avril dernier, du rapport « Sirugue »(3), plus récemment, de celui du président de la commission « solidarité et affaires sociales » de l’Assemblée des départements de France, Frédéric Bierry(4), ou encore de celui du sénateur socialiste Daniel Percheron sur le revenu de base(5). Apportant leur soutien à Christophe Sirugue dans son ambition de revoir l’architecture des minima sociaux autour de grandes prestations universelles, Gisèle Biémouret et Jean-Louis Costes expriment cependant des opinions divergentes, la première proposant de « garantir le maintien du niveau des prestations pour permettre la faisabilité de la réforme » quand le second estime qu’il faudra « accepter [qu’elle] fasse des gagnants et des perdants ».

Structure d’accueil unique et référent de parcours

Afin de clarifier la gouvernance du dispositif de lutte contre l’exclusion et de lutter contre le non-recours face à la multiplicité des intervenants, les auteurs préconisent en particulier de « mieux définir les responsabilités », avec la formalisation d’une « compétence […] qui pour l’instant n’existe nulle part ailleurs que dans le plan gouvernemental de 2013 et ses circulaires d’accompagnement », et la désignation d’un chef de file territorial, en l’occurrence le département, bien que les rapporteurs n’ignorent pas la « controverse sur le bien-fondé du partage des compétences entre l’Etat et les départements en matière de financement du RSA » qui s’est développée durant leurs travaux(6). Précisément, la proposition des deux députés vise à « confier au conseil départemental, dans le cadre de son rôle de chef de file, le soin d’identifier une structure d’accueil unique et un référent de parcours, spécifiquement chargés de la lutte contre le non-recours aux droits sociaux ». Venant en complément de l’identification d’une structure d’accueil unique, « la notion de référent de parcours est empruntée au plan d’action en faveur du travail social et du développement social » d’octobre 2015(7), souligne le rapport.

Pour mieux identifier les personnes éligibles, notamment les plus fragiles, les parlementaires avancent plusieurs pistes comme une information mieux ciblée ou des « échanges de données entre les parties prenantes », notamment « en facilitant l’accès des organismes de protection sociale aux données relatives aux revenus détenues par la direction générale des finances publiques » ou en utilisant « les outils de lutte contre la fraude au service de la diminution du non-recours aux droits sociaux » (répertoire national commun de la protection sociale, plate-forme globale d’échanges à créer entre administrations…).

Et pour rendre les prestations plus accessibles, enfin, le rapport recommande en particulier de relancer l’élaboration des schémas départementaux de domiciliation(8), mais aussi de tirer parti du numérique, en supprimant par exemple « la production de justificatifs, via le coffre-fort numérique », dont l’expérimentation vient de commencer(9), tout en maintenant « le droit d’obtenir la transmission d’un dossier sur papier ».

Notes

(1) Rapport d’information n° 4158 – Octobre 2016 – Disponible sur www.assemblee-nationale.fr.

(2) Voir ASH n° 2794 du 25-01-13, p. 39.

(3) Voir ASH n° 2957 du 22-04-16, p. 5.

(4) Voir ASH n° 2979 du 14-10-16, p. 21.

(5) Voir ASH n° 2980 du 21-10-16, p. 5.

(6) Voir, en dernier lieu, ASH n° 2967 du 1-07-16, p. 14 et n° 2976 du 23-09-16, p. 7.

(7) Voir ASH n° 2932 du 6-11-15, p. 67. Ce plan prévoit en effet l’expérimentation, pendant un an, d’un référent de parcours pour les personnes en grande difficulté sociale et aux situations complexes. Cette expérimentation doit commencer début novembre (voir ASH n° 2981 du 28-10-16, p. 5).

(8) Une demande déjà formulée en début d’année par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale – Voir ASH n° 2949 du 26-02-16, p. 5.

(9) Voir ASH n° 2978 du 7-10-16, p. 9.

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