Baptisé « Mes amours », ce projet a pour ambition d’évaluer un programme de formation sur la vie affective et sexuelle destiné à des personnes présentant une trisomie 21 et vivant en milieu ordinaire, avec l’appui d’un service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) ou d’un service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad). Il réunit l’université Lumière Lyon-2, le Centre ressources handicaps et sexualités (CeRHeS), la fédération Trisomie 21 France, des médecins généticiens du CHU de Saint-Etienne et un chercheur québécois ayant déjà procédé à l’évaluation d’un programme sur la sexualité(1). Son comité de pilotage intègre les personnes en situation de handicap.
Financée par trois organismes(2), cette recherche est menée depuis novembre 2015 jusqu’à novembre 2017. Lors de la première phase, des groupes de discussion ont été constitués avec les usagers, les professionnels et/ou les administrateurs de huit associations de la fédération Trisomie 21. Durant ces « focus groupes », images et photos ont été utilisées pour faciliter les échanges. Des personnes intervenant dans des groupes de parole sur la sexualité ont également été interrogées, et une recension des outils utilisés dans ce domaine en Europe est en cours d’achèvement.
Au total, huit binômes ont été constitués, réunissant à chaque fois une personne en situation de handicap et un professionnel ou un administrateur. Ces duos vont se former à Lyon de novembre à février. Au printemps, ils animeront eux-mêmes leurs propres sessions de formation. Une évaluation sera conduite avant la formation puis un an après, tandis qu’un groupe témoin n’ayant suivi aucune formation sera lui aussi évalué.
A mi-parcours, ce programme offre déjà son lot d’enseignements sur le vécu et les représentations des personnes trisomiques et de leur entourage. « L’aspiration qui revient systématiquement, c’est de rencontrer quelqu’un, se marier et fonder une famille, explique Jennifer Fournier, ingénieur d’études à l’université Lumière Lyon-2, formatrice en travail social et animatrice de groupes de parole sur la sexualité. C’est une vision très normative où la parentalité apparaît comme un thème crucial. » Autre vision très stéréotypée, celle des rencontres amoureuses, qui doivent se dérouler selon un scénario bien précis : boire un verre, puis dîner au restaurant… « C’est ce qu’il convient de faire à leurs yeux, explique Jennifer Fournier. Mais cela n’est pas pour autant relié à une expérience vécue. »
Les discussions autour du sentiment amoureux sont beaucoup plus « fines et incarnées », souligne-t-elle, évoquant « l’attirance pour plusieurs personnes en même temps » ou « embrasser quelqu’un sans être amoureux ». Les réflexions sur les pratiques amoureuses sont, quant à elles, souvent structurées autour de la question du droit de faire ou de ne pas faire, « non pas au sens législatif mais au sens des barrières familiales ou personnelles ». Enfin, la pornographie apparaît comme un média accessible et présent, tout comme les séries télévisées, « qui servent massivement de modèle ».
Du côté des parents, les échanges font état de craintes des abus sexuels ou des situations de maltraitance. « Ils ont peur que leurs enfants n’arrivent pas à dire non ou ne mesurent pas les conséquences de leurs actes », précise Jennifer Fournier. « Ces derniers enfants, qui sont leurs premiers interlocuteurs, ne peuvent pas ne pas en tenir compte… » Le rapport de recherche intermédiaire sera publié à la mi-novembre(3).
(1) Membre du centre de ressource CRDITED. Dans ce pays, les chercheurs sont installés au sein même des établissements médico-sociaux.
(2) La Fondation internationale de recherche appliquée sur le handicap (FIRAH), la Fondation de France et le Comité national coordination action handicap.
(3)