Le rapport de la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale (CPC) sur le « schéma directeur global des formations sociales », à partir duquel vont se poursuivre les travaux sur la réforme des diplômes(1), commence à faire réagir les associations de professionnels. Dans une prise de position datée du 31 octobre, le conseil d’administrationde l’ANAS (Association nationale des assistants de service social) se félicite ainsi d’un rapport « beaucoup plus consensuel » que ne l’était celui de 2014, préconisant notamment le maintien des diplômes actuels et portant l’idée d’une spécialisation progressive. Considérant néanmoins que la CPC « s’est focalisée sur les aspects communs aux différents diplômes et pas sur leurs spécificités », l’association réaffirme son souhait de préserver les différents cœurs de métier du travail social, et de ne pas gommer ces derniers par la valorisation d’une culture partagée. « Le socle commun de formation doit permettre une analyse et une réflexion communes sur les situations rencontrées, défend-elle. Il doit contribuer à une prise en compte diversifiée des besoins des publics et à une approche complémentaire des modalités d’intervention. » D’où la nécessité pour les étudiants de pouvoir mettre les enseignements « en perspective de leurs modes d’intervention différenciés » pour éviter un « appauvrissement » de la pratique. En outre, les compétences techniques décrites dans le socle commun « renvoient davantage aux missions et fonctions telles que définies par les employeurs plutôt qu’aux besoins des populations », critique l’ANAS.
Tandis que les actuels diplômes de niveau III doivent être hissés au grade licence, la poursuite des études en master étant une possibilité qu’il est « nécessaire de garantir », insiste l’ANAS, la perspective d’un nouveau diplôme d’« encadrement de proximité » de niveau III dans l’aide à domicile est, selon elle, source de confusions : « C’est à nouveau réintroduire une multiplication des métiers. » Par ailleurs, « les diplômes de niveau II risquent fort d’être mis en concurrence avec des formations dont le niveau d’accès est moindre et surtout sans processus de professionnalisation », ajoute-t-elle. Autre réserve : « L’organisation des formations en travail social en trois filières (éducative, sociale, famille-petite enfance) réintroduit l’idée de fusion des diplômes AS [assistant de service social]-CESF [conseiller en économie sociale et familiale] et ES [éducateur spécialisé]-ETS [éducateur technique spécialisé]. » Ce qui « interroge sur le maintien du titre d’assistant de service social jusqu’ici protégé », s’inquiète l’ANAS.
Pour l’association, qui appelle à la création d’un fonds dédié à la gratification des stagiaires (autrement dit plus efficace que le fonds de transition créé en 2014) comme à la reconnaissance des tuteurs, la diversification des modes de professionnalisation ne doit pas amener à « abandonner le processus de maturation professionnelle ». L’adaptation des diplômes hissés au niveau II au cahier des charges des licences ne doit pas se faire au détriment du temps de stage, souligne l’ANAS. Elle préconise en conséquence de « se rapprocher des centres de formation qui ont pratiqué le double cursus diplôme d’Etat-licence et d’autres pays européens où la formation des assistants de service social est universitaire, et de modéliser leur expérience ».
Des positions partagées par la FNEJE (Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants), qui se prononce tout particulièrement sur les perspectives d’évolution de ces professionnels. Et rappelle que ses membres n’ont « eu de cesse de demander à être entendus et reçus » lors des travaux de la CPC. Le rehaussement du niveau de diplôme des EJE ne doit pas conduire à des économies au sein des structures, qui pourraient recruter des professionnels moins qualifiés, redoute-t-elle. La fédération demande donc de modifier l’article du code de la santé publique relatif aux conditions d’accueil des enfants de moins de 6 ans en garantissant au moins un poste d’EJE à temps plein pour 25 enfants dans les établissements d’accueil du jeune enfant, hors temps de direction, contre 0,5 poste aujourd’hui.
Par ailleurs, la FNEJE est favorable à la création d’une filière « famille-petite enfance » proposée par la CPC, y voyant « la juste reconnaissance de l’importance [du] métier, à la frontière entre l’éducatif et le social ». Jugeant néanmoins que « le travail de l’EJE et de l’ensemble des professions exerçant dans le champ de la petite enfance s’inscrit dans une approche socio-éducative complétée par une approche sanitaire et sociale », elle souhaite que les infirmières-puéricultrices soient aussi intégrées dans cette filière. Elle préconise que les exigences imposées aux EJE pour accéder aux postes de direction s’appliquent à ces dernières, réaffirmant qu’« on ne peut pas devenir directeur d’établissement d’accueil du jeune enfant sans avoir l’un de ces deux diplômes et justifier a minima de trois années d’expérience comme le précise le code de la santé publique ». La FNEJE propose que, avant de prendre un poste de direction, « les EJE comme les infirmières-puéricultrices bénéficient d’un complément de formation, notamment par la voie de la formation continue et/ou du compte personnel de formation, afin d’être armés pour assurer cette nouvelle mission ». Elle préconise en outre de revoir le contenu du Caferuis « afin de le rendre attractif et utile auprès des EJE ». La proposition d’associer une licence universitaire spécifique à chaque diplôme lui paraît enfin trop limitative. Les étudiants doivent au contraire « avoir le choix de cette licence afin de garantir un parcours individualisé » à chacun, défend-elle. En tout état de cause, l’ANAS et la FNEJE espèrent être bientôt associées aux groupes de travail qui doivent désormais plancher sur les contenus de formation, selon la méthode validée par la CPC.