« Le service minimum. » C’est la manière dont le Snepap (Syndicat national des personnels de l’ensemble de l’administration pénitentiaire)-FSU qualifie le rapport du garde des Sceaux sur la mise en œuvre de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. Même s’il en partage certains constats, comme l’accompagnement tardif des professionnels pour mettre en œuvre la contrainte pénale et, de façon plus positive, le « profond questionnement des méthodologies d’intervention » entraîné par la mesure.
Sur le fond, le Snepap regrette que le ministre ne « tire aucune conclusion pratique » des difficultés observées dans la mise en œuvre de la contrainte pénale et de la libération sous contrainte (respectivement 2 287 mesures prononcées au 30 septembre 2016 et 6 492 depuis le 1er janvier 2015). L’un de ces enseignements aurait pu être la réévaluation des objectifs de recrutement dans les SPIP (services pénitentiaires d’insertion et de probation) et le renforcement des moyens des associations d’insertion. « Si le gouvernement est en capacité de dégager des sommes colossales pour un programme d’extension du parc immobilier, dont nous avons pour ce qui nous concerne la certitude qu’il sera voué à l’échec, il doit être en capacité d’en dégager ne serait-ce que le tiers pour un “plan Marshall” de la probation », plaide le Snepap.
Le développement du suivi « post-libération » préconisé dans le rapport viendrait, à ses yeux, inutilement emboliser les services. L’organisation syndicale recommande en revanche des modifications législatives sur les deux mesures phares créées par la loi. En premier lieu pour préserver le sens de la contrainte pénale. « Son premier objectif, en tout cas dans sa construction initiale, était de scinder la phase du prononcé de la peine de celle relative à la construction d’un parcours d’exécution de la peine individualisé », rappelle-t-elle. Ce qui devait permettre au tribunal de prononcer le cadre général de la peine (nature, durée, interdictions prioritaires), avant l’évaluation de la situation du condamné par le SPIP et le prononcé d’interdictions et obligations en conséquence par le juge de l’application des peines. Or la contrainte pénale « telle qu’elle existe », relève le Snepap, laisse « la possibilité au tribunal de définir toutes les interdictions et les obligations qu’il veut, avant même une évaluation du SPIP ». Ces dernières, « rarement révisées par un autre magistrat », et « pas toujours adaptées, vont constituer des obstacles au suivi ».
Autre difficulté à lever, selon l’organisation syndicale : « Les magistrats se dirigent de façon binaire soit vers la courte peine d’emprisonnement, en laissant le juge de l’application des peines se débrouiller avec son aménagement, soit vers le SME [sursis avec mise à l’épreuve], dont le cadre et le contenu sont figés dès le départ. » Pour clarifier l’architecture des peines, le Snepap demande « la suppression du SME, dont l’existence ne se justifie plus », et « la création d’une peine de probation dont les modalités d’exécution pourront être déclinées sur la base de peines existantes, qui n’auront plus d’existence autonome ». Enfin, revendique-t-il, « la peine de probation doit devenir la peine de référence pour les délits ».
La liberté sous contrainte, quant à elle, vise à limiter les « sorties sèches », reconnues comme des facteurs de récidive. Mais elle n’a, « sur le fond, rien amené de plus que les anciens dispositifs (procédure simplifiée d’aménagement de peine et surveillance électronique de fin de peine, abrogées). Si ce n’est un accroissement incroyable des charges de travail, par le passage systématique en commission d’application des peines [CAP], pour un résultat tout aussi famélique », selon le Snepap. Il souhaite donc voir instaurer une libération conditionnelle systématique. A tout le moins, propose-t-il, « le législateur pourrait commencer à s’engager sur cette voie en inversant le principe de la liberté sous contrainte ». Celle-ci pourrait ainsi être automatique, « avec examen de la situation en CAP ou en débat contradictoire en cas d’opposition de l’un des acteurs ».