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La CPC, outil du dialogue social ?

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Après avoir défini le cadre de la réarchitecture des formations, la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale doit plancher sur les modalités du passage des diplômes de niveau III au niveau II. L’occasion de s’interroger sur le fonctionnement de cette assemblée paritaire placée auprès du ministre chargé des affaires sociales : instance démocratique ou chambre d’enregistrement ?

Depuis 2002, elle œuvrait dans l’ombre. La réforme des diplômes a mis sous le feu des projecteurs la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale (CPC), instance placée auprès du ministre chargé des affaires sociales dont la fonction principale est de donner des avis sur la création, l’actualisation ou la suppression des diplômes. « Un rôle technique et politique », précise Manuel Pélissié, président de la CPC au titre des employeurs (Unifed).

Cette arrivée sur le devant de la scène s’est faite d’abord assez brutalement. En décembre 2014, la CPC provoquait, en effet, l’ire d’une partie des professionnels en proposant, pourtant conformément à la lettre de mission du ministère, de créer un diplôme par niveau de qualification. Chargée de revoir sa copie dans le cadre d’une nouvelle feuille de route qui, s’inspirant des recommandations du rapport « Bourguignon », écartait désormais le sujet qui fâche, la CPC a rendu le 11 octobre un rapport sur un « schéma directeur global des formations sociales », cette fois plutôt consensuel(1). Plus question de big bang dans les formations, elle propose de conserver les diplômes actuels et de hisser les cinq diplômes de niveau III au grade de la licence. Il ne s’agit toutefois que de la définition d’un cadre global pour la réforme et d’une première étape. Le consensus pourrait être plus difficile à trouver maintenant que la commission va entrer dans le vif du sujet et examiner les modalités du passage des diplômes de niveau III au niveau II. Tout l’enjeu, en effet, sera d’adapter les formations aux exigences de l’université, tout en préservant leur dimension professionnalisante et en intégrant un socle commun de compétences. Une méthode a été approuvée afin d’associer largement les acteurs concernés (voir encadré, page 31), avec un calendrier serré puisque la mise en œuvre des nouveaux diplômes est prévue à la rentrée 2018.

Calendrier serré

De fait, le chantier de la réingénierie des diplômes a bousculé le mode de travail de cette assemblée de 40 membres élus pour quatre ans et répartis en quatre collèges (organisations syndicales des employeurs, des salariés, pouvoirs publics, personnalités qualifiées) de 10 personnes. Le calendrier particulièrement soutenu (huit mois) pour boucler le rapport de cadrage de la réforme n’a, en effet, pas permis à la CPC de s’appuyer sur la méthode qui avait fait ses preuves dans les dossiers précédents avec des réunions plénières et des groupes de travail temporaires « dans lesquels des experts extérieurs peuvent être conviés », explique Manuel Pélissié. « Il a fallu adopter de nouvelles façons de travailler, en réunissant la CPC en assemblée plénière chaque mois depuis le début de l’année ou en travaillant en atelier thématique sur une question spécifique comme celui du 25 août sur le socle commun de compétences. C’est ainsi qu’a pu se faire un travail collaboratif et collectif plus intense, afin d’obtenir un consensus large, le rapport ayant même été adopté à l’unanimité. » La CPC a aussi, selon lui, bénéficié plus largement de l’assiduité de ses membres avec un noyau dur de 20 à 25 personnes, de la « qualité des relations nouées au sein du binôme président-vice-président » (2) et du « dialogue constructif » avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), qui en assure le secrétariat.

La réforme des diplômes a néanmoins ravivé certaines critiques, notamment sur la marge de manœuvre de cette assemblée sous tutelle ministérielle, dont le quart des membres sont des représentants des pouvoirs publics. Instance démocratique ou « simple chambre d’enregistrement » aux ordres du ministère, comme le dénoncent certains syndicats ? Christine Sovrano, membre au titre de la CGT(3), s’interroge ainsi sur la présence de la DGCS. « Comment expliquer que celle-ci vote pour des résolutions qu’elle impose ? Pourquoi se déjugerait-elle ? », se demande-t-elle. « La feuille de route de la secrétaire d’Etat Ségolène Neuville laisse très peu de marge de manœuvre à la commission. Il est donc difficile de parler de fonctionnement démocratique à son propos – ce qui reflète l’état du dialogue social avec le ministère… – », estime également Cristel Choffel, qui représente la FSU au sein du Haut Conseil du travail social (HCTS)(4).

Libre, jusqu’ou ?

Une analyse tempérée par Isabelle Léomant, membre au titre de l’Uniopss, qui relève que « malgré des désaccords, tout le monde a la parole ». La CGT déplore toutefois que ses positions apparaissent dans les procès-verbaux « mais ne sont absolument pas prises en compte ». Elle avait d’ailleurs décidé en mai dernier avec FO de boycotter les séances et de ne pas prendre part au vote du rapport final(5). « On a le droit de ne pas être d’accord, cela fait même partie du jeu du paritarisme. En revanche, lorsqu’on quitte un dossier, on ne peut pas s’étonner ensuite de ne pas être entendu… », commente, pour sa part, Manuel Pélissié, reflétant un point de vue loin d’être isolé au sein de la CPC.

Si ce dernier admet avoir une latitude limitée du fait d’un ordre du jour fixé par le ministère, il insiste toutefois sur la capacité d’autosaisine de la commission, qui constitue un « gage de liberté ». En outre, ajoute-t-il, ses avis, bien que consultatifs, sont en général suivis. « La CPC est une instance représentative de l’ensemble du champ du travail social : les syndicats de salariés et d’employeurs y ont une place prépondérante, mais il est tout à fait légitime qu’elle intègre aussi des représentants des pouvoirs publics », affirme Didier Tronche, alternativement président et vice-président de la CPC de 2002 à 2014(6). Cela n’en fait pas, selon lui, un organisme « à la botte » du gouvernement. Il en veut pour preuve le fait qu’elle a contrecarré certaines initiatives ministérielles : « Par exemple, lorsque les Affaires sociales ont voulu créer un diplôme de niveau V pour l’accompagnement des élèves handicapés, la CPC, qui travaillait à la révision des diplômes de niveau V, a obtenu un délai, ce qui a permis d’aboutir à l’actuel diplôme d’Etat d’accompagnant éducatif et social. »

Par ailleurs, les débats sont-ils équilibrés alors que les membres n’ont pas le même niveau d’expertise ? « On peut parier que certains représentants ministériels sont assez peu au fait des questions sur l’avenir des métiers du travail social, avance Didier Bertrand, du collectif Avenir éducs(7). Sans compter que les représentants des salariés n’ont parfois communication des textes à discuter qu’au dernier moment, ce qui renforce la position de l’Unaforis et des syndicats d’employeurs. » Un reproche que nuance Diane Bossière, déléguée générale de l’Unaforis : « Nous avons peu à peu modifié notre discours pour être moins dans la protection de nos intérêts directs et plus dans un rôle d’expertise visant à faire évoluer les diplômes dans le sens des besoins des employeurs et des attentes exprimées lors des « états généraux du travail social ». »

Faudrait-il également ouvrir la CPC aux associations professionnelles comme celles-ci le réclament ? « Dans l’équilibre des forces, cette représentation manque », reconnaît Diane Bossière, qui précise toutefois qu’elles ont désormais leur place au Haut Conseil du travail social. « Des professionnels en exercice, non membres de la CPC, y sont régulièrement invités pour faire part de leurs réalités », rappelle en outre Laurent Terme, vice-président de la commission au titre des salariés (CFDT). Il ajoute que, parmi les représentants qui siègent à la CPC, on compte de nombreux professionnels de terrain – lui-même est salarié d’une association d’insertion sociale et professionnelle.

Enfin, une autre critique tient à l’opacité des travaux de l’assemblée. « Les décisions sont prétendument prises de façon ascendante, mais elle communique très peu et nous n’avons quasiment aucune indication sur ce qui s’y passe », constate Didier Bertrand. Les informations qui filtrent reposeraient surtout sur les liens personnels existant avec certains membres. « Une plus grande publicité serait pourtant nécessaire pour permettre aux travailleurs sociaux de mieux comprendre les enjeux », poursuit-il. Manuel Pélissié avait lui-même regretté, lors de la remise du rapport sur le « schéma directeur global des formations sociales », « le déficit d’explication et de communication » tout au long des travaux.

Reste une question : la CPC sera-t-elle pérennisée ? Après avoir été prorogée jusqu’à la fin 2016, elle devrait être prolongée sous sa forme actuelle en 2017 – sous réserve des conclusions de l’évaluation de l’ensemble des CPC(8), en cours depuis janvier 2016 dans le cadre du processus de modernisation de l’action publique. « Chaque nouveau gouvernement questionne l’existence de ces commissions », commente Laurent Terme, qui défend, pour sa part, une « instance indispensable à la démocratie sociale ».

Fiche d’identité

Créée par un arrêté du 11 septembre 2002, la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale a pour rôle de formuler des avis sur :

→ la création, l’actualisation ou la suppression des diplômes professionnels mentionnés au code de l’action sociale et des familles ;

→ l’élaboration des référentiels professionnels découlant de l’analyse des métiers existants ou émergents ;

→ la conception des référentiels de certification des compétences professionnelles ;

→ la mise en place de la validation des acquis de l’expérience ;

→ l’inscription des diplômes au répertoire national de la certification professionnelle ;

→ le développement des passerelles et des transversalités entre les diplômes, certificats et titres ;

→ l’accès aux certifications, notamment par l’apprentissage et la formation professionnelle continue, ainsi que l’amélioration de la mise en œuvre de l’alternance.

Participation élargie pour la seconde étape

Pour poursuivre la seconde étape de ses travaux sur la réforme des diplômes, une méthode a été proposée par le ministère(1). Cinq groupes de travail (un par diplôme de niveau III) vont être créés pour travailler sur les contenus de formation en lien avec un groupe de coordination coprésidé par la direction générale de la cohésion sociale et la direction générale de l’enseignement supérieur. Ils rassembleront des représentants des syndicats de salariés et d’employeurs, des professionnels au travers des associations et des établissements de formation. Les personnes « accompagnées » seront associées au sein d’un groupe miroir. La CPC va recevoir aussi l’appui de l’AFPA.

Notes

(1) Voir ASH n° 2979 du 14-10-16, p. 16 et 53.

(2) Alternativement issus du collège employeurs et du collège salariés avec une inversion à mi-mandat.

(3) La CGT compte trois représentants, comme la CFDT, et la CGT-FO deux représentants.

(4) La FSU n’est pas membre de la CPC.

(5) A la suite de la remise du rapport de la CPC sur le schéma directeur global des formations, la CGT a décidé de reprendre part aux discussions.

(6) Il siégeait au titre de l’Unifed en tant que représentant du Snasea, puis du Syneas à partir de 2010.

(7) Qui n’est pas membre de la CPC.

(8) Créées auprès de plusieurs ministères.

(1) Voir aussi l’interview de Ségolène Neuville, ASH n° 2979 du 14-10-16, p. 57.

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