A Bobigny (Seine-Saint-Denis), deux immeubles sont récemment sortis de terre sur l’emplacement du premier foyer Sonacotra de la région parisienne. Il s’agissait de reloger les Chibanis tout en favorisant la mixité sociale et l’individualisation des modes de vie. Là où seuls des ouvriers immigrés partageaient hier encore leur quotidien, vivent désormais aussi des Français, des femmes, des jeunes, des réfugiés. Pour les anciens, qui ont gagné le confort – passés de chambres de 4,5 m2 à des espaces équipés de 16 m2 – en perdant l’entre-soi, il a fallu faire le deuil de la vie collective. Pour les autres, leurs nouveaux voisins, déshérités comme eux, cette résidence a permis de trouver un toit, les logements flambant neufs offrant une étape salvatrice. Une assistante sociale tient une permanence dans la résidence tous les mardis après-midi. Sylvia Zappi, journaliste au quotidien Le Monde, est venue rencontrer les occupants de cette Maison des vulnérables, pour recueillir leurs histoires. Elle a passé un mois à collecter des tranches de vie. « Les résidents en avaient été si étonnés : s’intéresser à eux et à leur petite existence, se remémore-t-elle. Qu’avaient-ils à raconter mis à part leurs soucis ? » Des « soucis » qu’elle a su, de sa belle plume, rendre romanesques. Ils sont 12 individus à être mis en avant dans ses pages, à commencer par André, le gardien de la résidence – « celui qui a toutes les clés, celles des portes de ses 259 locataires et de leurs bouts de vie éclatés ». « Un homme apprécié et un peu craint, comme un surveillant général », note Sylvia Zappi, qui décrit avec précision le « bureau des pleurs » qu’est devenue la loge d’André. Les chapitres suivants dressent les portraits intimes de Florence et Mathilde, deux mères célibataires qui, pour garder la tête hors de l’eau, se raccrochent à la religion (l’islam pour l’une, le catholicisme pour l’autre). On rencontre également César, jeune salarié précaire des cuisines du Moulin-Rouge, qui ne rêve que de partir vivre au Brésil, le pays qui l’a vu naître ; Swarna et Mohammed, réfugiés du Bangladesh envoyés à Bobigny, après un passage dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile de Champagne-Ardenne ; ou encore Kertis, grand gaillard de 22 ans, qui semble le seul vraiment heureux d’habiter dans ces murs…
La maison des vulnérables
Sylvia Zappi – Ed. Seuil, coll. « Raconter la vie » – 7,90 €