L’âge de l’attente

« Ce recueil est une invitation au voyage », souligne d’emblée l’auteur pour présenter Fragments d’adolescence. Le psychiatre Robert Brès nous convie en effet à une véritable exploration de la planète « ado », à travers cet ouvrage qui reprend de nombreuses conférences et interventions réalisées sur ce thème au cours de ces trente-cinq dernières années. « Paysages adolescents » entame le périple en parcourant les grandes manifestations de cette « crise maturante » qu’est l’adolescence, une période qui s’apparente à « un moratoire, un temps suspendu », dont les acteurs, nous dit Robert Brès, « sont pour beaucoup invalides de la parole, dans une non-rencontre et une non-demande ». Crises, passages à l’acte, soins, structures adaptées, parentalité, addictions… Responsable médical d’une unité de soins pour adolescents au CHU de Montpellier, Robert Brès scrute avec simplicité et humour les différents aspects de l’adolescence et ses difficultés. Il évoque ainsi cette « incapacité à dire et à entendre et l’incompétence à se mettre en lien » qui débouche parfois sur la violence, ou encore la déprime qui peut survenir et dont « le risque majeur […] n’est pas de se détruire par le suicide, mais d’être dans l’incapacité à se construire dans une histoire ». Un chapitre entier est également consacré à l’addiction chez les adolescents, à cette culture de la drogue qui « n’ouvre sur aucun lendemain, n’ouvre que sur elle-même […], est une fin en soi ». Il s’agit donc de développer une clinique de l’adolescent axée sur la rencontre, laquelle « inscrit un tempo dans la prise en charge ouvrant à une dynamique et une temporalité avec mémoire et anticipation ». Tout au long de ces conférences se dégage finalement l’image d’un adolescent en attente, en attente d’un devenir, souffrant de ne pas pouvoir se projeter et de répondre ainsi aux attentes parfois trop pressantes des adultes. Si la crise est une chance à saisir pour l’adolescent, encore faut-il en sortir. Pour cela, explique Robert Brès, il doit « devenir propriétaire de sa parole et de son histoire, ne plus être objet de la parole parentale, de propos de psy ou d’éducateur, ne plus être immergé dans des histoires qui ne sont pas ou ne sont plus les siennes ».