Entre les syndicats représentant les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et le ministère de la Justice, les relations ne sont toujours pas au beau fixe. Présenté par Jean-Jacques Urvoas le 25 octobre, le plan sur la sécurité pénitentiaire et l’action contre la radicalisation violente (voir ce numéro, page 16) a aussitôt suscité la protestation des organisations syndicales. Sans nier l’importance du sujet, elles jugent que cette priorité affichée chancellerie, et surtout les procédures qui en découlent, met en péril la cohérence et l’organisation des missions des SPIP. La création d’une « sous-direction de la sécurité pénitentiaire », qui englobera l’actuelle « direction de projet lutte anti-terrorisme », « fragilise grandement l’équilibre entre les objectifs de sécurité et de prévention de la récidive via la politique de réinsertion des publics placés sous main de justice », estime le Snepap (Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire)-FSU. La spécialisation de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) dans le suivi de personnes placées sous main de justice pour des infractions à caractère terroriste ou repérées comme radicalisées, en contrepartie d’une décharge de la moitié de leur activité, est, selon l’organisation, une « réponse de courte vue ». En effet, explique-t-elle, le dispositif orientera les efforts de formation sur un nombre réduit de personnels, au détriment de la capacité de l’ensemble du service à assurer ces prises en charge et donc au risque de compromettre la continuité des suivis. Et d’épuiser les quelques professionnels concernés. Alors que le ministre veut recruter 40 binômes supplémentaires formés par des éducateurs et des psychologues, le Snepap rappelle l’opposition des syndicats à ce fonctionnement, notamment en raison de l’absence de « doctrine d’emploi » pour leurs missions et du manque « d’harmonisation quant au rattachement fonctionnel de ces binômes ». En outre, la création de six quartiers d’évaluation de la radicalisation, pour remplacer l’expérimentation contestée des unités dédiées, revient à créer « un dispositif similaire », commente le collectif CGT Insertion-probation, dénonçant une « surenchère sécuritaire ». Lors du comité technique des SPIP du 18 octobre, les organisations syndicales se sont unanimement opposées à un projet de note relative au repérage et au suivi des personnes suspectées de radicalisation. Laquelle prévoit justement la désignation de CPIP référents. Ses dispositions permettent en outre, ajoute le collectif CGT Insertion-probation, « de faire en sorte que notre travail basé sur un lien de confiance serve à récupérer des informations pour alimenter le renseignement », ce en portant « atteinte à notre secret professionnel ».
A l’occasion de la présentation du plan d’action ministériel,le Snepap, le collectif CGT Insertion-probation et la CFDT Interco Justice ont rappelé au ministre un autre sujet qui fâche : le retard pris dans l’application du protocole prévoyant une revalorisation statutaire de la filière insertion-probation, conformément au relevé de conclusions de juillet dernier(1). Le 18 octobre, les syndicats ont quitté la séance du comité technique après que le directeur de l’administration pénitentiaire a indiqué, rapportent-ils, que « la mise en œuvre du protocole sera décalée dans le temps ». La déclaration a été d’autant plus mal accueillie que la revalorisation des grilles indiciaires, dans le cadre de l’accord « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) pour la fonction publique, pourrait prendre plus de temps que prévu pour la filière. « Elle ne pourrait pas intervenir avant le courant d’année 2017 au lieu du 1er janvier, explique Olivier Caquineau, secrétaire général du Snepap-FSU. Or l’accord PPCR acté pour tous les fonctionnaires est à distinguer de la réforme que nous avons obtenue pour nos deux corps [conseillers et directeurs] ». Remportée de haute lutte, celle-ci doit notamment permettre aux CPIP d’accéder à la catégorie A en 2018. « Il nous semble urgent de clarifier la situation et que chacun soit rappelé à ses engagements », ont écrit le Snepap, la CGT Insertion-probation et la CFDT Interco Justice dans un courrier au garde des Sceaux.
(1) Voir ASH n° 2972 du 26-08-16, p. 5.