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Jeunes délinquants de Marseille : « Confronter la réalité aux discours »

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Dans un rapport de recherche inédit de l’Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux (ORDCS), Daphné Bibard a étudié(1) le parcours de 500 mineurs suivis par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) à Marseille. Plusieurs facteurs communs aux dossiers apparaissent, dont l’instabilité affective et matérielle et la désaffiliation scolaire, explique la sociologue, doctorante à l’université d’Aix-Marseille.
Quel était l’objectif de cette enquête ?

Nous l’avons lancée à la suite d’une commande de la ville de Marseille, faite dans le cadre de son diagnostic local de sécurité publique. Alors que la jeunesse de la cité phocéenne est stigmatisée par l’opinion, nous avons voulu étudier les profils des mineurs pris en charge au pénal dans les cinq unités éducatives de milieu ouvert de la PJJ, pour confronter la réalité des chiffres aux discours politico-médiatiques. J’ai pu lire les plus de 1 000 dossiers suivis en 2014, les mesures prononcées ayant le plus souvent une durée de deux à quatre ans, et en exploiter près de 500. La recherche rend ainsi compte de la situation familiale, scolaire, de l’environnement économique et social et de la prise en charge judiciaire de la moitié des jeunes concernés.

Que montrent les résultats ?

Ces jeunes sont en majorité des garçons, âgés entre 15 et 17 ans – très peu ont commis un délit avant 13 ans –, principalement nés en France. Dans plus d’un quart des cas, le père est absent du quotidien. Les situations financières des parents sont majoritairement précaires. Des données inédites sur les fratries montrent que 47 % ont au moins un frère ou une sœur qui a déjà été ou est suivi par la PJJ.Les jeunes de l’échantillon sont pour 44 % en mauvaise santé, en raison de problèmes d’addiction, principalement au cannabis, ou d’un manque d’hygiène lié à un habitat insalubre. Ils sont 7 % à présenter un handicap – une dyslexie grave, une maladie orpheline mal traitée faute de recours aux soins ou une paralysie à la suite d’un accident. S’ils sont peu (16 %) à avoir déjà été suivis au pénal, 41 % ont déjà été suivis dans le cadre d’une prise en charge au civil, par l’aide sociale à l’enfance ou la PJJ. La plupart connaissent en effet un climat familial et affectif détérioré. Les relations entre les parents sont dans plus de 30 % des cas marquées par des conflits et pour 12 % délictuelles, ce qui signifie que le père a commis des violences envers la mère. Les jeunes sont près de 40 % à avoir subi des violences physiques dans le cadre familial. A cela s’ajoutent des problèmes de scolarité, pouvant être liés à des difficultés d’apprentissage, mais les lacunes repérées, la plupart du temps à l’école primaire, n’ont pas forcément donné lieu à un suivi spécifique. Une majorité des jeunes suivis en 2014 (72 %) ont été ou sont déscolarisés, ce qui a contribué à leur marginalisation.

Le profil des filles se distingue-t-il ?

Elles représentent 10 % de l’échantillon et sont plus nombreuses (63 %) à avoir déjà été prises en charge au civil antérieurement, à avoir été victimes de violences, dans 12 % des cas de violences sexuelles. Cet environnement familial encore plus tendu a sans doute joué un rôle dans le type de délits commis : elles sont surreprésentées dans les cas d’atteintes aux personnes.

Les typologies diffèrent-elles selon les infractions ?

Les variables communes les plus discriminantes sont familiales, économiques, sociales ou résidentielles, ce qui souligne notamment l’importance du repérage et de l’accompagnement des violences intrafamiliales, mais aussi de la prévention précoce de l’échec scolaire. Sans qu’il existe des profils pour chaque type de délit, les jeunes ayant commis des atteintes aux personnes (26 %) sont les plus nombreux à avoir vécu dans un environnement insécurisant et violent. Chez ceux qui ont commis des atteintes aux biens, les plus nombreux (42 %), le cadre familial est caractérisé par la précarité économique, mais aussi par les conflits au sens large. Ceux qui ont commis une infraction à la législation sur les stupéfiants, le plus souvent pour subvenir à leurs besoins de consommation, ont également un rapport encore plus difficile à l’école. Ils sont aussi les plus nombreux à récidiver, parce que pris dans des réseaux, sachant que 62 % des jeunes étudiés ont commis un nouveau délit durant leur prise en charge. Ce qui n’est pas synonyme d’échec de la PJJ, puisque plus de la moitié ont amélioré leur comportement – par leur investissement dans la relation avec les éducateurs, la prise en main de leur projet scolaire, professionnel… – avec, là aussi, des différences selon les profils.

Notes

(1) Avec Célia Borrelli, Laurent Mucchielli et Valérie Raffin – Rapport disponible sur http://ordcs.mmsh.univ-aix.fr.

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