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Santé mentale : le rapport « Laforcade » place le maintien dans le logement au cœur de la prise en charge

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Quelques mois après la promulgation de la loi de modernisation de notre système de santé(1), Michel Laforcade, directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, a remis son rapport relatif à la santé mentale à la ministre des Affaires sociales le 10 octobre(2). Dans ce rapport, commandé en novembre 2014 dans le cadre de la préparation de la loi « santé », et qui avait « pour objet d’élaborer des réponses concrètes permettant d’accompagner la mise en œuvre » de ce texte en matière de santé mentale, la « question n’est pas tant de redire dans quel sens doit évoluer le système de santé que de proposer des solutions, des leviers, des alliances, des coopérations entre acteurs, des méthodes et des moyens pour y parvenir », explique en avant-propos Michel Laforcade. S’appuyant sur de nombreux autres travaux, le directeur général d’ARS revient notamment sur des propositions convergentes comme la continuité des soins, la création d’un service territorial de psychiatrie ou une plus grande intégration des malades dans la société via le maintien dans le logement. Et formule une multitude de recommandations censées alimenter les travaux du nouveau Conseil national de la santé mentale(3), dont il préconisait d’ailleurs la création.

Des innovations « remarquables » mais souvent confidentielles

« Une personne sur cinq sera un jour atteinte d’une maladie psychique », rappelle le rapport, qui salue des « innovations remarquables » de prise en charge, mais regrette que les meilleures solutions restent souvent confidentielles. « L’enjeu consiste à passer d’une politique d’expériences multiples et souvent probantes à une politique de santé plus homogène  », estime Michel Laforcade. Il décrit par ailleurs une profession inégalement répartie sur le territoire, avec une offre plus abondante dans le sud et l’Ile-de-France et un profond déséquilibre de la pyramide des âges qui va se traduire par un départ massif de psychiatres à la retraite jusqu’en 2025(4).

Le maintien dans le logement, « première clé du succès »

Dans la perspective d’assurer aux malades des parcours de santé et de vie sans rupture, la « question du logement et du maintien dans [le] logement est la première clé du succès », l’hôpital devant rester l’exception et le domicile le « centre de gravité » du dispositif de prise en charge, estime Michel Laforcade. Il préconise ainsi de généraliser le programme « un chez-soi d’abord » – dont l’expérimentation doit être prochainement pérennisée et étendue(5) – et, parmi plusieurs innovations, soutient le projet de structures « clubhouse », qui existe en un seul exemplaire à Paris(6) et qui a « fait ses preuves dans le monde » grâce à son « esprit communautaire et d’entraide [qui] en fait un modèle très intéressant de lutte concrète contre la disqualification sociale et la stigmatisation ».

Le maintien dans le logement « devra s’accompagner d’un suivi diligent orchestré si possible par le médecin généraliste, l’assistant[e] de service social et les professionnels du centre médico-psychologique, incluant les professionnels susceptibles d’intervenir à domicile » tels que les services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah), estime Michel Laforcade. Il faut, dans ce cadre, faire du Samsahle pivot de la prise en charge des personnes handicapées psychiques. Pour celles en situation de précarité, le rapport recommande aussi de multiplier les équipes mobiles psychiatrie-précarité.

Par ailleurs, concernant les enfants, le directeur d’ARS défend le diagnostic précoce de l’autisme et préconise de mettre en œuvre « partout » le troisième plan « autisme » (7). Il est « évident que notre pays manque de structures adaptées pour les enfants et plus encore pour les adultes touchés par l’autisme ».

Une plus grande collaboration socio-sanitaire

Rappelant l’« hétérogénéité de pratiques et de moyens » et soulignant la nécessité d’assurer la continuité de la prise en charge – les ruptures de parcours étant « multiples » –, Michel Laforcade suggère d’améliorer l’articulation entre soins somatiques et psychiatriques. Il préconise aussi de développer les relations entre médecin traitant et psychiatrie, de mettre en place une prise en charge plus précoce, de renforcer la diversité des soins et de l’accompagnement en facilitant les techniques cognitivo-comportementales et en laissant « aux acteurs des possibilités d’action et d’innovation ». Il soutient également une plus grande collaboration entre tous les acteurs des secteurs sanitaire, social et médico-social, notamment au sein des conseils locaux de santé mentale, car « la coordination socio-sanitaire est primordiale mais présente de vraies difficultés entre professionnels et institutions juridiquement indépendants ».

Michel Laforcade prône en outre le renforcement et l’élargissement de la formation des professionnels. Il suggère, notamment, de créer un master « santé mentale » ouvert à tous les professionnels du sanitaire et du social (éducateurs, infirmiers, psychologues, gestionnaires de tutelle…) ou encore d’organiser des modules communs de formation interprofessionnels dans les instituts de travail social et les instituts de formation en soins infirmiers.

Pour la multiplication des GEM

Même s’ils ont connu des progrès dans les années passées, les droits des usagers, leur citoyenneté et la déstigmatisation de la maladie mentale restent des préoccupations importantes, souligne le rapport. La « maladie mentale et la psychiatrie sont encore très stigmatisées de nos jours », rappelle-t-il. Les pratiques diffèrent et ne sont pas cohérentes d’un service à l’autre, les « solutions les moins respectueuses des droits des patients » étant « constatées dans les institutions où il n’y a pas eu de réflexion collective organisée ».

Par ailleurs, la représentation des usagers dans les établissements de santé mentale n’est pas toujours aisée en raison du fait que ces derniers sont éclatés « en de nombreuses structures hospitalières et extra-hospitalières ». Michel Laforcade suggère donc de créer des associations d’anciens usagers sur le principe de l’entraide des pairs et de développer encore plus les groupes d’entraide mutuelle (GEM). Le bilan « très positif » des GEM incitant à leur généralisation et à leur multiplication, « il faudra déterminer comment [ils] pourront s’ouvrir vers l’entraide par les pairs pour le maintien ou l’accès au milieu ordinaire de travail ».

Enfin, Michel Laforcade est favorable à la publication d’un « texte » (décret, arrêté ou circulaire) qui fixe les axes de la politique nationale de santé mentale, en déterminant « des objectifs de santé publique en lien avec le Haut Conseil de la santé publique » et en s’assurant « que la population dispose d’un “panier de services disponibles” sur l’ensemble du territoire en termes d’accès aux soins de proximité, de méthodes éprouvées, de continuité de prise en charge sans rupture et d’accès à des soins plus spécialisés… ». Une politique dont le pilotage et le suivi doivent être assurés, selon le rapport, par le nouveau Conseil national de la santé mentale.

Notes

(1) Pour une présentation synthétique de la loi, voir ASH n° 2951 du 11-03-16, p. 47.

(2) Rapport relatif à la santé mentale – Octobre 2016 – Disponible sur http://social-sante.gouv.fr.

(3) Voir ASH n° 2979 du 14-10-16, p. 5.

(4) En « dix ans, entre 2003 et 2016, l’âge moyen des psychiatres est passé de 49,7 ans à 52,8 ans », indique le rapport.

(5) Voir ASH n° 2966 du 24-06-16, p. 10.

(6) Sur le clubhouse de Paris, voir ASH n° 2751 du 16-03-12, p. 24.

(7) Voir ASH n° 2809 du 10-05-13, p. 5.

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