Au 1er octobre 2016, 28 départements seulement avaient communiqué leurs informations anonymes dans le cadre du dispositif de remontée des données en protection de l’enfance et 50 se trouvaient dans l’impossibilité de le faire, déplore l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) dans son 11e rapport annuel(1). Consacré cette année à une analyse des données, statistiques et autres sources d’information dans ce domaine, ce document a été remis à la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes le 25 octobre, et a été suivi dans la foulée d’un communiqué de Laurence Rossignol annonçant « le lancement d’un plan d’accompagnement des départements à la remontée des données qui sera piloté par la direction générale de la cohésion sociale en partenariat avec l’ONPE ». Ce plan permettra de réaliser un état des lieux des pratiques en cours et des besoins des départements, et de proposer des mesures d’accompagnement, comme le préconise d’ailleurs l’observatoire dans son rapport. L’observatoire pointe en outre l’hétérogénéité des informations reçues de ces collectivités, soulignant, par exemple, que « les bases départementales 2014 ne sont pas comparables en tous points », du fait notamment de différences de paramétrage des logiciels utilisés actuellement dans les départements.
Chaque année, l’ONPE présente son estimation annuelle du nombre de mineurs et de jeunes majeurs concernés par une mesure de protection de l’enfance (voir encadré). En l’occurrence, il se fonde sur la comparaison des données de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques et de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, avec le nombre de mineurs en assistance éducative issus des tableaux de bord des tribunaux pour enfants. « Ces données étant des estimations, elles doivent être analysées avec précaution », souligne-t-il.
Il rappelle qu’un grand nombre de données chiffrées sont par ailleurs disponibles, mais déplore qu’elles « ne portent […] pas toujours sur le même phénomène, sur les mêmes populations, dans la même temporalité […] et ne répondent pas toujours aux mêmes modes de calcul […] ». La multiplicité des méthodes utilisées conduit donc à une absence de mesure standardisée, ce qui rend difficile, voire impossible, l’agrégation de ces différentes sources de données. « C’est pourtant la complémentarité de ces indicateurs qui va permettre la bonne conduite des politiques publiques dans le domaine de la protection de l’enfance. » L’ONPE donne l’exemple de l’enquête « Contexte de la sexualité en France » menée en 2005-2006 auprès d’un échantillon de 12 364 personnes âgées de 18 à 69 ans, qui permet de montrer, notamment, que 59 % des femmes et 67 % des hommes ayant subi au cours de leur vie un rapport ou une tentative de rapport sexuel forcé ont vécu ces agressions avant l’âge de 18 ans. Ou encore l’Etude longitudinale française depuis l’enfance, première étude française de ce type consacrée au suivi des enfants de la naissance à l’âge adulte, qui « ne contient pas à proprement parler de variables sur les violences et la négligence » mais aborde la question des dispositifs de protection de l’enfance à travers des questions sur le lieu de vie de l’enfant… L’ONPE reçoit aussi les données sur les crimes et délits enregistrées par la police et la gendarmerie dont il ressort, en 2015, que 1,5 ‰ des filles de moins de 10 ans sont victimes de violences physiques, 2,1 ‰ concernant les garçons. Comparés aux enquêtes de victimisation, « ces chiffres peuvent paraître faibles mais ils portent sur une année d’enregistrement alors que les chiffres de victimisation rétrospectifs portent sur l’ensemble de la période de minorité », relève l’observatoire. Le Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger (Snated ou « 119 ») produit, quant à lui, des statistiques sur les suites apportées aux informations préoccupantes (IP) transmises : entre 2010 et 2014, le nombre d’enfants concernés par une IP et pour lesquels un danger est évoqué est passé de 19 108 à 25 729, soit une hausse de 33 % pour un total de 115 439 enfants. Parmi les données disponibles, celles sur les pupilles de l’Etat sont « les mieux connues » : au 31 décembre 2014, 2 435 enfants sont pupilles, soit 17 pour 100 000 mineurs(2).
Au 31 décembre 2013, environ 288 300 mineurs sont pris en charge par les services de la protection de l’enfance au niveau national, ce qui représente 19,7 ‰ des moins de 18 ans, précise l’ONPE dans son rapport annuel.
Près de 21 800 jeunes majeurs sont concernés par une mesure de prise en charge fin 2013, soit 9,5 ‰ des 18-20 ans. Le nombre de mesures en protection de l’enfance a augmenté de 1,5 % chez les mineurs et les jeunes majeurs entre 2012 et 2013. Les taux de prise en charge fin 2013 sont également en hausse par rapport à 2012.
Fin 2013, plus de la moitié des mesures pour les mineurs se déroulent à domicile. Pour les majeurs, sur la période 2007-2013, les mesures de placement ont très légèrement diminué (de moins de 1 %) tandis que les mesures à domicile ont fortement baissé (– 22 %). Fin 2013, 85 % des mesures pour les jeunes majeurs sont des mesures de placement. Selon l’observatoire, « les disparités départementales [de prise en charge] observées aussi bien pour les mineurs que pour les jeunes majeurs reflètent l’hétérogénéité des pratiques et des choix faits par les conseils départementaux entre placement et milieu ouvert, et celle de l’offre de services en protection de l’enfance dans les territoires ».
(1) Enfants en (risque de) danger, enfants protégés : quelles données chiffrées – Disponible sur