« Le modèle social français est robuste », s’est félicité Matignon en rendant public, le 20 octobre, son deuxième rapport annuel au Parlement sur les nouveaux « indicateurs de richesse » retenus en 2015 pour mesurer « la soutenabilité économique, sociale et environnementale de la croissance »(1). Un document qui met « en évidence les progrès réalisés depuis 2012 et l’impact des réformes en cours » et souligne, en particulier, que « le taux de pauvreté en conditions de vie, les inégalités de revenus et les sorties précoces du système scolaire sont en diminution ».
Pour mémoire, c’est la loi du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques qui a prévu que le gouvernement devait désormais remettre chaque année au Parlement un rapport d’évaluation de ses politiques publiques au regard de ces nouveaux indicateurs, autres que le produit intérieur brut (PIB), jugé insuffisant(2).
Globalement, en 2015, « pour six indicateurs sur dix (effort de recherche, espérance de vie en bonne santé, inégalités de revenus, pauvreté en conditions de vie, sorties précoces du système scolaire, empreinte carbone), la France fait nettement mieux que la moyenne européenne », affirment les services du Premier ministre. Un satisfecit toutefois nuancé par Manuel Valls lui-même, qui estime, en préambule du rapport, qu’« il reste encore beaucoup à faire en matière d’égalité et pour moderniser notre modèle social ».
Pour chacun des indicateurs – taux d’emploi, effort de recherche, endettement, espérance de vie en bonne santé, satisfaction dans la vie, inégalités de revenus, pauvreté en conditions de vie, sorties précoces du système scolaire, empreinte carbone et artificialisation des sols –, le rapport adopte la même trame de lecture : il le définit, explique pourquoi il a été retenu, en détaille l’évolution récente, le compare aux moyennes européennes et, enfin, vante l’action du gouvernement en la matière.
Pour ce qui est du taux d’emploi au sens du Bureau international du travail, il se situait en 2015 à 64,3 % pour les personnes de 15 à 64 ans, sans changement par rapport à l’année précédente, en restant « à son plus haut niveau depuis près de 30 ans ». Un constat qui « n’est pas incompatible avec un niveau de chômage qui reste élevé », explique le rapport, cette tendance de fond depuis le milieu des années 1990 étant liée à « une meilleure participation des femmes au marché du travail ». Par ailleurs, il ne masque pas « un très fort développement des contrats à durée déterminée (CDD) de très courte durée depuis une quinzaine d’années (+ 61 % entre 2000 et 2014 sur les embauches en CDD de moins d’un mois) ».
Sur l’endettement des ménages – qui n’est que l’un des éléments examinés dans le rapport, surtout consacré à l’endettement public –, les données font état d’une très légère augmentation (de 55 à 55,8 % du PIB), soit « une quasi-stabilisation » en comparaison avec « la très forte progression des encours bancaires des ménages au début des années 2000 (le taux d’endettement des ménages n’était que de 33 % en 2000) ». Et si, « depuis 2010, l’endettement des ménages croît à un rythme plus modéré », c’est, pour le gouvernement, « en raison notamment de l’ajustement du marché immobilier entre 2011 et 2015 ».
En 2015, l’espérance de vie en bonne santé est relativement stable, à 62,6 ans pour les hommes (– 0,3 an par rapport à 2013, dernière année disponible dans le précédent rapport) et 64,4 ans pour les femmes (– 0,2 an), alors que l’espérance de vie globale s’établissait à 78,9 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes, avec une croissance ralentie par rapport aux années précédentes qui « s’explique essentiellement par l’épisode grippal de l’hiver 2014-2015, qui a accru la mortalité chez les personnes âgées ». Sur les inégalités de l’espérance de vie selon la catégorie socioprofessionnelle, les dernières données datant de 2003, « une actualisation est en cours », mentionne le rapport.
Du côté des inégalités de revenus, les chiffres remontent à 2014 et montrent une quasi-stabilité du ratio entre les 20 % de ménages les plus modestes et les 20 % les plus aisés, les premiers détenant 8,7 % de la masse totale des revenus et les seconds 38,3 %, soit 4,4 fois plus (avec des fluctuations sur la période observée : + 0,5 point entre 2002 et 2012, – 0,3 point en 2013 et + 0,1 point en 2014).
Quant au « taux de pauvreté en conditions de vie », ou « privation matérielle » – indicateur préféré à celui de la pauvreté monétaire, jugé insuffisant pour refléter la réalité concrète du phénomène –, il a atteint, en 2015, « un plancher historique » puisque « seuls 11 % des individus vivant en France métropolitaine subissent des privations matérielles », se réjouit le rapport. Comme les années précédentes, ce sont les plus jeunes qui présentent le taux de privation matérielle le plus élevé (14,9 % pour les 16-24 ans, contre 6,7 % des plus de 65 ans).
Le dernier indicateur intéressant sous l’angle social concerne les sorties précoces du système scolaire, et mesure la proportion de « jeunes de 18-24 ans qui ne poursuivent plus ni études ni formation et n’ont pas de diplôme supérieur au brevet ». Il s’élevait, en 2015, à 8,9 % de cette tranche d’âge en France métropolitaine, et à 9,3 % sur la France entière. « Quasiment stable par rapport à 2014, ce taux correspond à 494 000 jeunes de 18 à 24 ans actuellement sans diplôme et sans formation, contre 620 000 il y a cinq ans », détaille le rapport, qui se félicite enfin que, « en termes de flux, en 2015, on compte 110 000 jeunes sortant du système éducatif sans diplôme contre 136 000 cinq ans auparavant ».
Enfin, comme l’année dernière, le document évalue succinctement quelques projets gouvernementaux, tels que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, la loi « travail » du 8 août 2016, le projet de loi « égalité et citoyenneté » ou les premières étapes de la réforme des minima sociaux.
(1) Les nouveaux indicateurs de richesse 2016, disponible sur