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Revenu de base : un rapport sénatorial prône une expérimentation dans les territoires volontaires

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« Le revenu de base peut présenter une réponse théorique intéressante à certains défis de société », estime une mission d’information du Sénat qui a rendu ses conclusions, le 19 octobre, sur l’intérêt et les formes possibles de mise en place d’un revenu de base en France(1). Constituée en mai dernier, elle privilégie néanmoins la « voie du réalisme plutôt que celle de l’utopie » et préfère s’engager dans une démarche de « petits pas ». Le revenu de base consiste, selon le rapport rédigé par le sénateur (PS) Daniel Percheron, à « accorder de manière inconditionnelle à chaque membre de la société une dotation monétaire qui constituerait un socle de protection minimal ». Considérant que les conditions de son introduction dans notre pays ne sont pas réunies à ce jour, les sénateurs estiment que la mise en place d’un tel dispositif – question sur laquelle s’est aussi penchée une récente étude de la Fondation Jean-Jaurès(2) – nécessite au préalable une évaluation qui doit passer par une expérimentation territoriale.

Une expérimentation d’au moins trois ans

Afin de mesurer les effets potentiels économiques et sociaux de l’introduction d’un revenu de base, la mission préconise d’expérimenter ce dispositif, pour une durée d’au moins trois ans, sur plusieurs départements volontaires. Ne remettant pas en cause l’importance du rôle du travail et de l’activité dans l’insertion sociale, la mission estime que l’expérimentation devrait concerner, en premier lieu, les populations en grande difficulté, c’est-à-dire celles qui bénéficient aujourd’hui des minima sociaux. L’expérimentation devrait également concerner des publics qui ne reçoivent pas, actuellement, de minima sociaux, comme les jeunes de moins de 25 ans ou les potentiels bénéficiaires qui n’en font pas la demande.

En outre, l’expérimentation doit permettre de tester les effets concrets d’un revenu de base sur plusieurs segments de la société, en particulier les 18-25 ans et les 50-65 ans qui « connaissent aujourd’hui la situation sociale la plus difficile », selon le rapport. Pour autant, elle pourrait être également envisagée, sans que cela soit un objectif prioritaire, pour la catégorie des 25-50 ans, estime la mission. Le revenu de base pourrait en effet avoir aussi, sur ce segment, des effets favorables, notamment sur la situation des familles monoparentales ou des femmes en reprise d’activité après avoir élevé des enfants, ajoute-t-elle.

Dans tous les cas, le nombre de bénéficiaires doit être suffisant pour que les données récoltées soient signifiantes. La mission envisage une expérimentation sur environ 20 000 à 30 000 personnes. Son coût annuel maximal, pris en charge par l’Etat, avec un revenu de base de l’ordre de 500 €, représenterait un montant allant de 100 à 150 millions d’euros.

Une réforme des prestations sociales, un préalable à la généralisation

Si les résultats de cette expérimentation se révélaient favorables et que la mise en place d’un revenu de base devait être envisagée en France, la mission souhaite qu’il se concentre sur la lutte contre la grande pauvreté et l’exclusion. Dans cette perspective, le revenu de base, qui serait d’un montant proche de celui du revenu de solidarité active, pourrait être un « moyen pertinent pour simplifier et rendre plus efficiente la politique de solidarité de l’Etat », selon le rapport. En effet, face au système actuel, caractérisé par une « forte complexité » d’accès au droit, à l’incertitude quant aux montants versés et à l’insécurité juridique – dans la mesure où, en cas d’erreur dans la déclaration et de trop-perçus, les organismes gestionnaires sont tenus de récupérer les indus –, l’instauration d’un revenu de base aurait pour « avantage considérable de simplifier l’accès à l’aide sociale puisqu’il s’agirait d’un droit portable et non d’un droit quérable », estime la mission d’information. Ainsi, il serait versé automatiquement à l’ensemble des bénéficiaires sans que ceux-ci aient besoin d’entreprendre des démarches pour en bénéficier.

Pour mettre en place un tel dispositif, les sénateurs recommandent au préalable une réforme des prestations sociales afin d’« aller dans le sens d’une harmonisation et d’une simplification de l’accès au droit ». Ils souscrivent en ce sens aux préconisations du rapport sur les minima sociaux de Christophe Sirugue(3). En outre, ce revenu de base n’aurait pas pour vocation de remplacer l’ensemble des transferts sociaux existants et ne devrait se substituer qu’aux prestations qu’il remplacerait avantageusement, indique le rapport. La mission considère en effet que le revenu de base ne doit pas remplacer les prestations non contributives qui bénéficient à des populations fragiles, comme l’allocation personnalisée d’autonomie ou l’allocation aux adultes handicapés. Quant à son financement, les sénateurs estiment que « l’impôt constitue, à ce jour, l’option la plus réaliste ». Le principe d’un « impôt négatif »(4) doit être privilégié à terme mais sa mise en œuvre reste conditionnée à une vaste réforme du système fiscal, selon le rapport.

En contrepartie, la mission envisage d’encadrer ou de flécher l’utilisation de ce revenu. Il pourrait en être ainsi pour les 18-25 ans pour lesquels l’utilisation des sommes reçues au titre du revenu de base serait limitée à des objets précis, comme le financement d’une formation ou de frais d’apprentissage. Les élus suggèrent également d’élargir le compte personnel d’activité, créé par la loi « travail » du 8 août 2016(5), et d’en faire « le réceptacle des sommes ou des droits qui seraient versés au titre du revenu de base ». En tout état de cause, bien qu’inconditionnel dans son principe, le revenu de base n’aurait pas nécessairement vocation à être versé à l’ensemble de la population, mais uniquement aux individus de plus de 18 ans dont la résidence fiscale se situe en France, recommande le rapport.

Notes

(1) Rapport disponible sur www.senat.fr.

(2) Voir ASH n° 2968 du 8-07-16, p. 32.

(3) Voir ASH n° 2957 du 22-01-16, p. 5 et 13.

(4) L’impôt sur le revenu tel qu’on le connaît prélève un pourcentage du revenu perçu. A l’inverse, l’impôt négatif complète le revenu perçu à hauteur d’un certain pourcentage, dans la mesure où ce revenu est inférieur à un certain seuil. L’objectif est de permettre aux individus de combiner un emploi avec un revenu décent, tout en garantissant que les incitations au travail soient maintenues.

(5) Voir ASH n° 2972 du 26-08-16, p. 51.

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