Afin de la sécuriser juridiquement, la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a donné une base légale à la pratique consistant à confier un enfant pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE), sur un autre fondement que l’assistance éducative, à un tiers qui le connaît déjà ou appartient à sa famille, « dans le cadre d’un accueil durable et bénévole »(1). Quelles en sont les finalités ? Quelles sont les précautions à prendre avant d’y recourir ? Quelles sont les modalités d’accompagnement, de suivi et de contrôle du tiers ? Un décret précise aujourd’hui les conditions de cet accueil.
L’accueil s’exerce au domicile du tiers. Il peut être permanent ou non, en fonction des besoins du mineur et doit s’inscrire dans le cadre du « projet pour l’enfant » établi par l’ASE(2). Avant de décider de confier un enfant à un tiers, le président du conseil départemental doit procéder à une évaluation de la situation du mineur, afin de s’assurer que cet accueil est conforme à son intérêt.
Le tiers doit être recherchédans l’environnement de l’enfant, parmi les personnes qu’il connaît déjà ou parmi d’autres personnes susceptibles de l’accueillir durablement et de répondre de manière adaptée à ses besoins. « Les liens d’attachement que l’enfant a pu nouer avec d’autres personnes que ses parents doivent être pris en compte », indique le décret.
Sur la base de l’évaluation qu’il a menée et préalablement à toute décision, le président du conseil départemental doit délivrer à l’enfant, aux titulaires de l’autorité parentale, au tuteur, au délégataire de l’exercice de l’autorité parentale ainsi qu’au tiers auquel il envisage de confier l’enfant, l’information nécessaire à la compréhension de ce type d’accueil. « A ce titre, précise le décret, il leur présente le rôle du tiers à l’égard de l’enfant. » Il doit par ailleurs informer le tiers de ses obligations à l’égard de l’enfant, de l’accompagnement dont il pourra bénéficier à sa demande lors de cet accueil, ainsi que des modalités de contrôle dont il fera l’objet.
Dès lors que le tiers, ainsi informé, accepte de se voir confier l’enfant, le président du conseil départemental doit procéder à uneévaluation de la situation du tiers lui-même. Au moins un entretien entre le service de l’ASE et le tiers doit être organisé à cette fin au domicile de ce dernier, précise le décret. L’idée étant, par ce biais, de s’assurer que l’individu est en capacité de veiller à garantir le développement physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant et notamment à préserver sa santé, sa sécurité et sa moralité. A ce stade, le tiers doit informer le président du conseil départemental de l’ensemble des personnes vivant à son domicile.
Par ailleurs, préalablement à la décision de confier l’enfant au tiers, le président du conseil départemental doit s’assurer que ce dernier, ainsi que les majeurs vivant à son domicile, n’ont pas fait l’objet d’une condamnation pour un certain nombre d’infractions, listées par le décret(3).
Le président du conseil départemental doit aussi recueillir :
→ l’accord écrit du ou des parents titulaires de l’exercice de l’autorité parentale ou du délégataire, à la mise en place de cet accueil(4) ;
→ l’accord écrit du tiers, en lui précisant les modalités d’accueil de l’enfant ;
→ l’avis de l’enfant lui-même, « dans des conditions appropriées à son âge et son discernement ». A charge pour le président du conseil départemental de « s’assurer que l’enfant a compris le sens de ce projet », insiste le décret.
Ce n’est qu’après avoir évalué la situation de l’enfant et du tiers et recueilli les accords nécessaires que le président du conseil départemental peut prendre, par écrit, la décision de confier l’enfant à un tiers.
Le cas échéant, il doit mettre en place un accompagnement et un suivi du tiers, par un service du conseil départemental ou un organisme habilité par celui-ci. « Cet accompagnement vise à s’assurer de la bonne prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant par le tiers et que cet accueil contribue au développement physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant », indique le décret. « Il permet de vérifier l’adéquation de l’accueil avec le projet pour l’enfant. » Il vise également à « apporter aide et soutien au tiers ». A charge pour le président du conseil départemental de déterminer les modalités selon lesquelles le tiers peut joindre à tout moment le service de l’ASE en cas d’urgence.
Concrètement, l’accompagnement prend la forme d’entretiens et de visites au domicile du tiers. Un référent désigné par le service départemental ou l’organisme habilité doit rencontrer le tiers ainsi que l’enfant régulièrement et autant que de besoin. Cet accompagnement est renforcé pour les enfants de moins de 2 ans. « L’accompagnement peut prendre appui sur un réseau de partenaires de proximité », précise encore le décret.
Au-delà de l’accompagnement, le tiers fait par ailleurs l’objet de contrôles. Des évaluations régulières de l’accueil chez le tiers sont ainsi réalisées par le service de l’ASE. Si elles font apparaître que l’expérience n’est plus en adéquation avec les besoins fondamentaux de l’enfant, il y sera mis fin et un nouveau projet sera alors formé pour l’enfant. Des contrôles sur la personne même du tiers sont aussi réalisés. S’ils font apparaître que lui ou un majeur vivant à son domicile fait l’objet d’une condamnation pour une des infractions listées par le décret (voir ci-dessus) ou bien encore que les besoins fondamentaux de l’enfant sont insuffisamment pris en compte, le président du conseil départemental retirera l’enfant.
(2) Sur le référentiel fixant le contenu du projet pour l’enfant, voir ASH n° 2978 du 7-10-16, p. 44.
(3) Agressions sexuelles, atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, enlèvement et séquestration, recours à la prostitution d’une personne mineure, délaissement de mineur, mise en péril de mineurs…
(4) Si l’enfant est pupille de l’Etat, l’accord du tuteur et celui du conseil de famille sont recueillis selon les modalités prévues aux articles L. 112-3 et L. 223-4 du code de l’action sociale et des familles.