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Expulsions : le Conseil constitutionnel valide l’exception de l’« urgence absolue »

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Répondant à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel a, dans une décision rendue le 5 octobre, déclaré conforme à la Constitution l’exception de l’« urgence absolue » prévue à l’article L. 522-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), qui dispense l’autorité administrative – avant le prononcé d’une expulsion – d’aviser préalablement l’étranger et de le convoquer devant la commission d’expulsion.

A l’origine de l’affaire : un arrêté du ministre de l’Intérieur prononçant l’expulsion d’un ressortissant algérien au motif qu’il était susceptible à tout moment de fomenter, commettre ou apporter un soutien logistique à une action terroriste en France. Après s’être vu notifier la mesure d’expulsion, l’intéressé a été immédiatement placé à bord d’un vol commercial au départ de Paris. Il a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de suspendre l’exécution de l’arrêté mais ce dernier a rejeté sa requête. Puis l’appel qu’il a formé contre cette décision a lui-même été rejeté par le juge des référés du Conseil d’Etat.

Le requérant a encore formé un recours pour excès de pouvoir assorti d’un référé-suspension contre l’arrêté d’expulsion. Une demande également rejetée par le juge des référés du tribunal administratif de Paris. L’étranger s’est alors pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat, assortissant sa demande d’une QPC dirigée contre l’article L. 522-1 du Ceseda. QPC que les sages ont renvoyée au Conseil constitutionnel.

L’article attaqué dispose que, « sauf en cas d’urgence absolue », l’expulsion d’un étranger ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes :

→ l’intéressé doit être préalablement avisé ;

→ il doit être convoqué pour être entendu par une commission d’expulsion, réunie à la demande de l’autorité administrative.

Soutenu par la Cimade et la Ligue des droits de l’Homme, le requérant estimait que, en permettant l’expulsion d’un étranger en urgence absolue, sans lui laisser la possibilité matérielle de saisir un juge avant l’exécution de la mesure, l’article portait une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif résultant de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, ainsi qu’au droit au respect de la vie privée reconnu par ce même texte. En n’ayant ni défini la notion d’urgence absolue, ni prévu de garantie faisant obstacle à la mise en œuvre immédiate d’une décision d’expulsion, le législateur aurait en outre, à ses yeux, méconnu sa compétence dans des conditions affectant ces deux droits. Mais le Conseil constitutionnel n’a pas suivi cette argumentation.

Les sages de la rue Montpensier estiment, en premier lieu, que la notion d’urgence absolue répond à la nécessité de pouvoir, en cas de menace immédiate, éloigner du territoire national un étranger au nom d’exigences impérieuses de l’ordre public. Ce faisant, ils ont implicitement jugé qu’il n’incombait pas au législateur de définir davantage la notion d’urgence absolue.

Le Conseil constitutionnel souligne, par ailleurs, que les dispositions contestées ne privent pas l’intéressé de la possibilité d’exercer un recours contre la décision d’expulsion devant le juge administratif, notamment devant le juge des référés qui peut suspendre l’exécution de la mesure d’expulsion ou ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale. Tel était d’ailleurs le cas du requérant, qui avait pu, en dépit de la rapidité d’exécution de la décision d’expulsion, présenter un référé-liberté, un appel de la décision de rejet puis un référé-suspension, un pourvoi en cassation et une question prioritaire de constitutionnalité.

En dernier lieu, la Haute Juridiction a relevé que, « si le requérant critiquait l’absence de tout délai entre, d’une part, la notification à l’étranger de la mesure d’expulsion et, d’autre part, l’exécution d’office de cette mesure, cette absence ne résulte pas des dispositions contestées ». L’article contesté s’applique en amont de la procédure d’expulsion, se bornant à dispenser l’autorité administrative, avant le prononcé de l’expulsion, d’aviser préalablement l’étranger et de le convoquer devant la commission d’expulsion. Au passage, le Conseil constitutionnel rappelle que, en cas de contestation de la décision déterminant le pays de renvoi – laquelle fait l’objet d’une décision distincte de celle prononçant l’expulsion –, il appartient au juge administratif de veiller au respect de l’interdiction de renvoyer un étranger à destination d’un pays « s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ».

[Décision du Conseil constitutionnel n° 2016-580 QPC du 5 octobre 2016, J.O. du 7-10-16]

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