Elle laisse toujours la porte de son bureau ouverte… Directrice et fondatrice de Logivitae, une société parisienne d’aide à domicile pour les personnes âgées, Dafna Mouchenik, 40 ans, tient au lien social. Toujours prête à intervenir en cas d’urgence, toujours attentive aux cas particuliers, elle reste à la disposition de ses clients – qu’elle considère comme des usagers – et de ses salariés. La directrice a, par exemple, sensibilisé ses auxiliaires de vie sociale à la détresse et à l’isolement auxquels font face les survivants de la Shoah. Une cause qui lui tient à cœur du fait de son histoire familiale. « Elle m’a réconciliée avec le monde des entreprises, en me prouvant qu’elles pouvaient avoir un objectif humain », s’exclame Clémence Minet, ancienne chargée d’accueil au pôle « vie quotidienne », là où arrivent tous les appels.
Grâce à sa volonté et à sa persévérance, Dafna Mouchenik a réussi à faire accepter son entreprise dans le monde social – Logivitae bénéficie de l’agrément du conseil départemental –, et son parcours dans le secteur se révèle aussi singulier que son allure, avec sa cascade de cheveux auburn et ses talons hauts. En 1998, elle a décroché un DUT en carrière sociales, option « animation socioculturelle ». « Mais je me suis toujours positionnée comme une travailleuse sociale », précise-t-elle. Elle a d’ailleurs été animatrice dans un centre de prévention pour enfants, une structure alternative au placement, avant d’en partir au bout d’un an – « parce que j’avais envie de travailler en amont de leur situation ». Ensuite, de 2000 à 2005, elle s’est réellement épanouie en tant qu’adjointe du service éducation à la mairie de Champs-sur-Marne, sur un dispositif « jeunesse et sports » en faveur de l’égalité des chances (avec notamment le repérage des enfants en difficulté et la mise en place d’ateliers périscolaires pour les aider à surmonter leur retard). C’est là qu’elle validera son DEFA (diplôme d’Etat relatif aux fonctions d’animation).
Puis lui vient l’envie de se renouveler. Elle se souvient alors d’un stage dans une maison de retraite, où elle avait trouvé « violent le fait, pour des personnes qui n’en avaient pas fait le choix, de vivre en collectivité ». Le cheval de bataille est vite enfourché : « Je voulais aider les gens à rester à leur domicile, quels que soient leurs moyens financiers. C’était un peu utopique », sourit-elle. En 2007, elle décide de fonder sa propre structure, Logivitae, « une entreprise à vocation sociale pour un public fragile », définit-elle. Elle l’installe dans le XIIe arrondissement de Paris – « pour être à côté de chez moi, pour mes filles », souligne-t-elle. Dafna Mouchenik refuse de devoir choisir entre sa carrière et ses enfants. De toute façon, son entreprise, c’est un peu sa seconde famille. Elle a opté pour le privé justement dans l’idée de garder la main sur son bébé, sans le contrôle d’un conseil d’administration, obligatoire dans l’associatif.
Aujourd’hui, sa PME pèse 3,2 millions d’euros de chiffre d’affaires, emploie 148 personnes en CDI, dont 130 auxiliaires de vie sociale, et aide 600 personnes par an. « C’est d’ailleurs ce qui lui fait peur, pointe Clémence Minet : que son entreprise grossisse et qu’elle perde le lien avec les personnes. » Mais la nécessité économique pèse. « Seul le volume peut nous sauver, mais sans perdre notre âme, et en passant le maximum de temps avec les gens », souligne la chef d’entreprise. Dans une profession généralement précaire, Dafna Mouchenik veille à ce que ses salariées soient en CDI et à optimiser leurs plannings, afin de leur éviter de longs déplacements. Pour les qualifier, Logivitae a aussi mis en place un dispositif de formation interne et les pousse à passer des validations des acquis de l’expérience.