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Echapper aux stigmates

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Diagnostiqués malades psychiatriques et en situation de handicap, les jeunes accueillis en institut thérapeutique, éducatif et pédagogique s’efforcent d’échapper à ce double étiquetage. Selon l’âge et/ou le moment de leur prise en charge, ils développent différentes stratégies à cet effet.

« L’orientation en ITEP est vécue par les jeunes comme une obligation de s’identifier à un groupe qu’ils n’ont pas choisi et dont ils rejettent pour eux la pertinence », explique Hugo Dupont. Oui, leurs pairs sont en général « fous » et « gogols » – mais pas eux. Tout en refusant ces étiquettes, certains jeunes, surtout des enfants de 6 à 12 ans, se soumettent à l’institution et à ses règles. « Cela ne veut pas dire qu’il n’y a jamais de disputes avec les éducateurs ou de moments de remise en cause de l’autorité et de l’organisation quotidienne. » Toutefois, cette catégorie de jeunes semble globalement se résigner à accepter son sort comme une sorte de fatalité. « Si je suis là, c’est parce que j’ai fait le con et maintenant j’ai plus le choix », affirme l’un. « T’as bien vu, on fait rien en classe, c’est toujours le bordel. Je sais à peine lire, je peux pas retourner à l’école maintenant, c’est trop tard », estime un autre. « De toute façon, ils disent que je peux pas rentrer chez moi à cause de mon père. Alors, je reste là, je ne sais pas pour combien de temps », déclare un troisième.

Deux autres types de jeunes récusent avec véhémence le fait d’être assimilés à des « tarés », mais ils ne mettent pas en place les mêmes stratégies de défense. Les uns se rebellent contre l’institution dans son ensemble, aussi bien contre les autres jeunes que contre les professionnels quels qu’ils soient. Ils fuguent, frappent leurs camarades, peuvent s’en prendre – souvent verbalement, plus rarement physiquement – aux éducateurs ou aux enseignants, refusent souvent les activités proposées et ont une tendance à s’isoler. « Ces jeunes expriment un fort sentiment d’injustice à la fois envers l’institution scolaire et ses acteurs, qu’ils tiennent pour responsables de leurs comportements violents et de leur orientation en ITEP, et envers l’ITEP qui les traite, pensent-ils, comme des fous et des gogols », commente le sociologue. Les rebelles posent problème à l’institution et sont souvent le centre des préoccupations lors des réunions entre éducateurs et thérapeutes.

Enfin, la dernière catégorie refuse, elle aussi, les stigmates, cependant elle cherche à s’en détacher en adhérant aux attentes exprimées par les professionnels. « Ces adolescents semblent avoir bien compris, inconsciemment sans doute, un fait que nous avons observé : tout comportement déviant remettant en cause l’institution est immédiatement interprété sur le plan psychologique, voire psychiatrique, et est utilisé par les professionnels comme une preuve que l’orientation est plus que jamais indiquée, souligne le chercheur. Aussi, pour convaincre qu’ils ne sont ni fous, ni handicapés, montrent-ils que leur comportement est absolument conforme à ce qui est attendu. » Toutefois, à la différence des enfants résignés, ces jeunes sont actifs, même s’ils se soumettent. Ils n’attendent pas que les professionnels leur proposent un changement de classe, une intégration dans un atelier ou une réintégration en collège ordinaire : ils prennent souvent les devants et demandent ces évolutions de parcours. Donner des gages aux professionnels, telle est la logique de cette stratégie mise en place pour parvenir à ses fins : sortir de l’institution le plus rapidement possible. « Certains parviennent ainsi à devenir acteurs de leur délabellisation, alors que d’autres ne font que renforcer leurs stigmates. » Ces trois stratégies ne sont pas figées, chaque jeune pouvant passer de l’une à l’autre selon des moments-clés de sa prise en charge. C’est d’ailleurs le refus des professionnels de souscrire à une de leurs demandes qui parfois amène les « soumis actifs » à trouver à nouveau refuge dans la figure du rebelle, constate Hugo Dupont.

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