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Réforme des diplômes : la CPC s’apprête à entrer dans le vif du sujet

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Après un rapport plutôt consensuel, posant un cadre global pour la réforme des diplômes, la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale va devoir s’atteler au sujet délicat des contenus de formation.

Même si elle ne partait pas de zéro, c’est un travail à marche forcée que la commission professionnelle consultative (CPC) du travail social et de l’intervention sociale a mené durant huit mois avant de remettre à Ségolène Neuville, le 11 octobre après neuf séances de travail, son rapport sur un « schéma directeur global des formations sociales ». Conformément à la lettre de mission de la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, l’instance s’est notamment attachée à définir le contenu et la structure d’un corpus commun, ayant vocation à valoriser le travail social, à favoriser les passerelles et à tirer les conséquences d’un relèvement des actuels diplômes de niveau III au niveau II. Le plan d’action en faveur du travail social et du développement social, inspiré des recommandations de la députée (PS) du Pas-de-Calais Brigitte Bourguignon, désormais présidente du Haut Conseil du travail social, avait fixé la cadre : l’intitulé des diplômes actuels serait conservé, ce qui écartait de fait la piste polémique, émise en 2014 par la CPC, du diplôme unique assorti de spécialisations(1). Au cours d’un travail qualifié de « constructif » par la plupart de ses membres, la commission a dû, pour étudier les hypothèses restantes, composer avec les divergences – même en l’absence de la CGT et de FO, qui ont boycotté les séances, plusieurs fois rejoints dans la rue par des centaines de manifestants. En particulier, fallait-il recréer un nouveau diplôme de niveau III pour combler le vide laissé par ceux nouvellement hissés au niveau II, quitte à rendre ces derniers moins attractifs pour les employeurs ? Faire disparaître le Caferuis (certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale), également au niveau II ? Si le scepticisme a pu prévaloir au début des travaux, dont les débuts ont été difficiles, « il y avait parmi les membres présents une très grande volonté d’aboutir », indique Manuel Pélissié, président de la CPC (collège employeurs au titre de l’Unifed), soulignant que le rapport a été adopté à l’unanimité. Non sans relever « un déficit d’explication et de communication » tout au long des travaux. Ce qu’il n’a d’ailleurs pas manqué de souligner auprès de la secrétaire d’Etat, lors de la remise du rapport. Malgré un calendrier qui reste contraint avant la rentrée 2018, date prévue pour l’entrée en vigueur de la réforme, « nous voudrions éviter qu’il n’y ait pas de débat », assure-t-il. La suite, insiste pour sa part Laurent Terme, vice-président de la CPC (collège salariés, au titre de la CFDT), « va être construite avec les professionnels de terrain, à partir de ce que vivent les travailleurs sociaux », dans le cadre d’une méthode qui devait être discutée le 13 octobre, en séance plénière de la CPC.

Un cadre structurant

Le rapport, fruit d’un consensus et loin d’être révolutionnaire, propose de conserver tous les diplômes actuels et de hisser les cinq diplômes de niveau III au grade licence. Pour assurer la continuité des parcours du niveau V au niveau I, il préconise de créer trois filières professionnelles – « éducative », « sociale », « famille/petite enfance », cette dernière ayant vocation à mieux articuler des formations relevant de ministères différents, et une quatrième filière « management ». Il offre un « cadre structurant, avec des possibilités de passerelles pour réflechir à des parcours professionnels tout au long de la vie », considère Isabelle Léomant, conseillère technique à l’Uniopss.

Seul un nouveau diplôme d’encadrement de niveau III dans l’aide à domicile est envisagé dans le schéma proposé. « Depuis plusieurs années, nous avions fait part de notre souhait d’avoir un diplôme d’encadrement de proximité, qui correspond dans la branche au métier de responsable de secteur, dont la fonction est d’encadrer des équipes de terrain, alors que le Caferuis est un diplôme d’encadrement intermédiaire », précise Claire Perrault, secrétaire générale adjointe de la Fédération nationale des associations de l’aide familiale populaire/CSF. Dans l’idée d’une spécialisation progressive, la CPC émet des propositions sur le contenu d’un socle commun de connaissances, compétences et pratiques. Mais ce n’est qu’au cours d’une seconde phase – celle de la réingénierie des diplômes – que le volume accordé à ce socle, que certains voudraient le plus important possible, sera déterminé.

Le processus débouche au final « sur quelque chose de concret, que nous espérons voir inscrit dans le marbre d’ici la fin de l’année », commente Denis Vallance, président de l’Unaforis (Union nationale des acteurs de formation et de recherche en intervention sociale), tout en rappelant que ce rapport ne constitue qu’une première étape. Un aboutissement dont l’Unaforis se félicite, « alors que le risque, à chercher l’optimal, était que rien ne soit décidé avant la fin du quinquennat ». Si l’association représentant les établissements de formation soutenait en effet l’idée d’un diplôme par niveau, avec des spécialisations, l’essentiel des principes qu’elle défend est préservé : l’articulation des formations avec les grades universitaires, « sans s’arrêter à la licence, dans une logique de filière » – même si elle compte veiller à ce que la réingénierie ne fasse pas l’impasse sur le réexamen de tous les niveaux de diplômes –, la reconnaissance de l’alternance intégrative avec une ouverture de la logique de professionnalisation (ne passant pas seulement par des stages) et la construction de socles communs. Lesquels seront pensés sur les trois années et non organisés sur une année commune, précise Diane Bossière, délégué générale de l’Unaforis. « Nous avons évolué sur la question épineuse de la création d’un nouveau niveau III, ajoute-t-elle par ailleurs. Nous pensions qu’il fallait prévoir un nouveau diplôme, obtenu au bout de la deuxième année du parcours qui mène à la licence, pour éviter que les recrutements ne privilégient des BTS ou des DUT à la place des actuels diplômes de niveau III. Puis nous avons rejoint l’idée que c’était aux employeurs d’en décider, et seule la branche de l’aide à domicile a exprimé un besoin de certification en management de proximité. Nous avons néanmoins obtenu que la porte ne soit pas fermée, le rapport n’excluant pas que des besoins soient découverts. » Une option que la CFDT ne voit pas d’un bon œil. « Nous avons obtenu la modification de ce passage afin que la porte soit moins ouverte », souligne Michel Leclerc, secrétaire fédéral « travail social » à la CFDT-Interco. Dans la version finale de son document, la CPC a apporté une nuance, prévoyant que l’hypothèse de nouveaux diplômes à créer en niveau III soit étudiée « en fonction des besoins et des travaux à venir » de la commission. A la fin des travaux, la CFDT s’est réjouie de voir plusieurs de ses revendications aboutir, tel le maintien des 13 diplômes d’Etat comme des diplômes de « praticien et d’exercice de métiers au service des personnes en difficulté ».

Au-delà, estime Jean-Baptiste Plarier, vice-président de la fédération Santé-social de la CFE-CGC, les propositions de la commission ont l’intérêt de pouvoir « mettre en évidence des zones obscures et de les traiter, ce qui n’aurait pas été le cas en travaillant diplôme par diplôme ». De fait, le schéma proposé « crée un écart non négligeable entre les moniteurs éducateurs, de niveau IV, et les éducateurs spécialisés, qui seront de niveau II, alors qu’aujourd’hui ils exercent des fonctions quasi similaires dans certains établissements », sans avoir le même statut. La réarchitecture « va nous faire sortir d’une ambiguïté qui date de plusieurs décennies, mais va avoir des effets sur les organisations de terrain », prévient-il. L’ancien président de la CPC juge par ailleurs que le rôle de « coordination » attribué aux prochains travailleurs sociaux se prévalant de trois années d’études en ressort clarifié. « Avec une mission restant sur le registre clinique, ils sont amenés à coordonner des actions au bénéfice de l’usager, et non au regard des professionnels, ce qui relève du management d’équipes. »

La technicité valorisée ?

Parmi ceux qui regrettent l’abandon de l’idée du diplôme unique, Daniel Verba, enseignant à l’université de Paris-13, mandaté par la Conférence des présidents d’université pour participer aux travaux, juge que le rapport « bouge les lignes sans les bouleverser ». L’adaptation des formations aux « exigences » de l’université va-t-elle constituer le prochain sujet délicat au sein de la CPC ? « La présence du ministère de l’Enseignement supérieur aux travaux a été très constructive, dans un souci d’écoute et de conseil, et non d’ingérence », rapporte Daniel Verba. En clair, les universités auront à « exercer un droit de regard sur les maquettes de formation et sur qui enseigne », sans être dans une logique de concurrence ou de suprématie, assure-t-il. Ce qui ne suffira certainement pas à rassurer les opposants à la réforme, parmi lesquels la CGT, qui craint une « valorisation des savoirs académiques » au détriment du lien entre théorie et pratique, rappelle Christine Sovrano, membre du collectif « travail social » de la CGT. D’autant que la diversification de la professionnalisation, qui aboutirait à raccourcir certains temps de stage, « réduit la dimension de l’accompagnement au profit de la technicité », estime-t-elle. « Nous ne sommes pas convaincus que le socle commun composera l’identité du travail social, poursuit-elle. Une identité professionnelle est bien plus que la somme de compétences transférables, elle résulte d’une histoire, d’une construction auprès des pairs, dans une logique de métier. » Reste encore à savoir comment les associations professionnelles, qui ont pu se sentir exclues des travaux, vont accueillir la suite de la démarche, à laquelle elles devraient cette fois être associées.

Notes

(1) Voir ASH n° 2888 du 19-12-14, p. 5.

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