A la veille de la clôture de son congrès, le 7 octobre à Poitiers, l’Assemblée des départements de France (ADF) a adopté une motion dans laquelle elle « exige, pour 2016, un fonds d’aide pour les départements faisant face à des difficultés financières qui ne soit pas une aumône », c’est-à-dire doté au minimum de 400 millions d’euros. L’association d’élus a aussi rendu public son rapport sur « L’avenir des politiques sociales des départements », élaboré par le président de sa commission « solidarité et affaires sociales », Frédéric Bierry (LR, Bas-Rhin), qui recommande notamment de fusionner les dix minima sociaux en deux prestations.
Débattu par les congressistes, ce document n’a cependant été validé que par les élus de la droite et du centre. Le groupe de gauche de l’ADF a fait savoir par la voix de son président, André Viola (PS, Aude), qu’il refusait de prendre part au vote des plateformes de propositions soumises par la majorité, en soulignant « l’importance des différences entre les visions [des deux groupes] concernant le renouvellement des politiques de solidarité et l’avenir des départements ». Le groupe de gauche a ainsi l’intention de présenter, « dans les semaines à venir, une plateforme globale », qu’il défendra auprès des candidats à l’élection présidentielle.
Seul point de consensus affiché au cours de ce 86e congrès : le rejet par l’ensemble des départements d’une disposition prévue dans le projet de loi de finances pour 2017, les privant de 400 millions d’euros supplémentaires (article 14 relatif à la fixation pour 2017 de la dotation globale de fonctionnement et des allocations compensatrices d’exonérations d’impôts directs locaux). Cette mesure a été qualifiée de « scandaleux hold-up » par l’ADF, qui demande qu’elle « soit immédiatement abandonnée », et jugée « inacceptable » par son groupe de gauche. Un sujet que le ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet, a, en clôture du congrès, renvoyé au débat parlementaire, en espérant « qu’il puisse aboutir à un compromis équilibré », selon l’AFP.
Seul représentant du gouvernement à avoir fait le déplacement, le ministre a en outre voulu rejeter les « visions alarmistes » sur la situation financière des départements, avant de confirmer que le fonds d’aide à ceux qui sont le plus en difficulté pour financer le RSA (revenu de solidarité active) serait porté à 200 millions d’euros dans le projet de loi de finances rectificative pour 2016. Un montant jugé insuffisant à droite comme à gauche. « Vous ne nous avez pas entendus. Nous le regrettons ! », a vivement réagi le président de l’ADF, Dominique Bussereau (LR, Charente-Maritime). Jean-Michel Baylet a, par ailleurs, annoncé la création, en 2018, d’un « projet de loi de financement spécifique des collectivités locales pour plus de transparence dans les relations entre l’Etat et les collectivités ». L’annonce a été accueillie favorablement par le groupe de gauche de l’ADF.
L’Assemblée des départements de France a appelé à reprendre le travail avec l’Etat « sans délai », après l’échec des discussions sur la recentralisation du RSA, « afin de redonner aux départements une véritable autonomie financière s’inspirant de la proposition des présidents Dagbert et Lecerf adoptée unanimement par les commissions “ruralité”, “affaires sociales” et “finances”de l’ADF ». Dans leur proposition conjointe « pour un nouveau pacte financier avec l’Etat », Jean-René Lecerf (Nord) et Michel Dagbert (PS, Pas-de-Calais) plaident pour élargir la réflexion aux trois allocations individuelles de solidarité (revenu de solidarité active, allocation personnalisé d’autonomie, prestation compensatoire du handicap) en créant « une dotation versée par l’Etat aux départements dont le reste à charge est supérieur à la moyenne nationale ». D’après leurs simulations, réalisées sur la base des chiffres de 2015, « cette dotation atteindrait 951 millions d’euros et serait répartie entre 84 départements bénéficiaires ».
Cette proposition a été reprise par Frédéric Bierry dans son rapport sur l’avenir des politiques sociales, dont il avait dévoilé les grandes lignes le 4 octobre devant la presse sociale. Il avait alors indiqué que ce travail venait répondre à « la prise de conscience que notre modèle est à bout de souffle », en fournissant un corpus de propositions « pour une nouvelle organisation des politiques de solidarité » destinées à être soumises aux candidats au scrutin présidentiel. « On achète la paix sociale avec des allocations », sans « réel projet politique autour de la solidarité », avait-il lâché au cours de la rencontre organisée par l’Association des journalistes de l’information sociale (AJIS). « Nous avons mené un travail de fond pour que les départements soient force de propositions et non [en position] de réaction comme ils l’ont toujours été », avait poursuivi l’élu alsacien. Et ce, avec pour ambition de « redonner confiance au système social », visé par des critiques venues de toutes parts sur son coût ou son inefficacité. Pour le moderniser, il faut le simplifier, avait-il expliqué en substance, et réinventer « un modèle social équilibré entre les droits et les devoirs », qui ne maintienne pas les bénéficiaires des politiques sociales en situation de précarité ni d’« assistanat », et qui permette de régler la question prégnante de son financement.
A partir de ce postulat, Frédéric Bierry recommande notamment de fusionner les dix minima sociaux en deux prestations. L’une, en direction des personnes pouvant travailler, aurait pour objectif de « favoriser l’insertion avec des actes contractualisés de recherche d’emploi, dont la dénomination pourrait être “Tremplin vers l’emploi” » et qui comprendrait un accompagnement, un parcours de formation, la mise en relation avec des entreprises. L’autre, pour les personnes ne pouvant pas travailler ou en situation de chômage de longue durée, consisterait « en une aide de subsistance assortie d’actes d’engagements citoyens pour le bénéficiaire, dont la dénomination pourrait être “contrat d’engagement civique” ». Le rapport souligne explicitement que, « pour toute personne reconnue dans l’incapacité, pour des raisons mentales, psychiques ou intellectuelles, d’exercer un emploi ou une activité non rémunérée, la solidarité nationale doit prévaloir ». Parallèlement à la fusion des minima sociaux, il préconise aussi de fiscaliser les aides sociales et de créer une « prestation autonomie » qui remplacerait l’APA et la PCH, « au nom d’un principe de convergence ».
Sur les stratégies à mener pour favoriser l’accès à l’emploi, Frédéric Bierry préconise d’obliger « tout allocataire du RSA ou de l’ASS [allocation de solidarité spécifique] pouvant reprendre une activité [à] être inscrit comme demandeur d’emploi » et de « sanctionner toute rupture des obligations liées au parcours d’insertion ». Il souhaite par ailleurs consolider le rôle des départements « en charge des parcours de vie », en partant du principe que « toutes les compétences liées aux aides à la personne doivent relever de la compétence des départements », dans un souci « de simplification et de lisibilité pour nos concitoyens », qui auraient affaire à un « guichet unique ». Concernant la protection de l’enfance, dont le système actuel « doit être globalement réinterrogé », sa réforme doit permettre de « prévenir le placement et les éventuels échecs de placement », préconise le rapport de Frédéric Bierry.