Mon activité de psychologue clinicienne comporte deux dimensions : j’interviens au sein d’entreprises, d’une part, sur la question de la prévention des risques psychosociaux et, d’autre part, pour aider à l’insertion professionnelle de personnes en situation de handicap psychique. C’est dans ce cadre que je mène des activités de recherche et que j’ai préparé une thèse sur les ESAT de transition Messidor, dont l’objectif est d’orienter la personne vers le milieu ordinaire.
Celui de mieux comprendre, au sein du dispositif des ESAT de transition Messidor, ce qui peut contribuer à aider au rétablissement des personnes et à leur insertion en milieu ordinaire de travail, et ainsi identifier des leviers de performance et améliorer les pratiques existantes, pour tout type de structure médico-sociale, dans ce domaine.
Dans le cas de la majorité des maladies mentales, la personne ne va pas retrouver son état de santé antérieur à la maladie. En revanche, elle peut se rétablir : avoir encore quelques symptômes, mais en menant une vie satisfaisante pour elle. Ma thèse ne développe pas ce qu’est le rétablissement car cela a été fait par d’autres chercheurs, il s’agit plus de dire comment, dans le médico-social, on peut participer au rétablissement des personnes en situation de handicap psychique. Peu de recherches existent sur ces sujets en France, que ce soit pour analyser ou même simplement décrire ces phénomènes, bien que la question de l’emploi des personnes en situation de handicap psychique soit un enjeu majeur pour le pays, en termes économiques et aussi sociaux.
C’est une thèse en deux volets : le premier porte sur les bénéficiaires des structures. J’ai réalisé une étude longitudinale quantitative par questionnaire en recueillant la parole de 160 travailleurs, une première fois à huit mois d’ancienneté et une seconde neuf mois plus tard, afin d’évaluer leur perception du travail en ESAT. L’évaluation portait à la fois sur des aspects cliniques (symptômes, facultés cognitives), sur les perspectives d’insertion en milieu ordinaire, sur l’accompagnement… Le second volet, plus qualitatif, a consisté à décrire les deux métiers des accompagnants des travailleurs handicapés : les responsables d’unités de production, qui sont les accompagnants de proximité, et les conseillers d’insertion, qui aident les travailleurs d’ESAT à formaliser et à mettre en œuvre un projet d’insertion en milieu ordinaire.
L’enquête auprès des travailleurs montre qu’ils ont globalement une perception positive de leur vie au travail dans l’ESAT. Ce résultat va à l’encontre d’une idée reçue selon laquelle les personnes ayant des problèmes de santé mentale seraient mal au travail. Le volet qualitatif auprès des professionnels met quant à lui en lumière que l’accompagnement en binôme aide les personnes en situation de handicap à aller mieux : celles-ci reprennent confiance et ont une image plus positive d’elles-mêmes. La mise en situation de travail développe l’estime de soi en tant que travailleur, qui est un élément clé pour favoriser l’insertion en milieu ordinaire. Cela tient aussi au fait que les responsables d’unités de production, qui ne sont pas issus du médico-social — ce sont des artisans — ont une attitude normalisante en les traitant comme des travailleurs lambda. Cette mise en situation de travail « réel », conjointement à l’étayage des accompagnants, qui soutiennent sans assister, conduit le travailleur à retrouver progressivement une confiance dans ses capacités, et du « pouvoir d’agir » sur sa vie, aspects essentiels d’un processus de rétablissement.
(1) « Les ESAT de transition Messidor, une voie de rétablissement pour les personnes en situation de handicap psychique », qu’Inès de Pierrefeu soutiendra au printemps prochain à l’université Paris-Diderot.