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Protection juridique des majeurs : la Cour des comptes propose de nommer un délégué interministériel

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Dans un rapport sur la protection juridique des majeurs, sous-titré « Une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante », rendu public le 4 octobre(1), la Cour des comptes propose de créer un poste de délégué interministériel pour piloter une véritable politique publique en la matière, arguant du fait que, aujourd’hui, cette politique « n’est pas incarnée ». Répondant à une demande d’enquête de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Haute Juridiction financière dresse le bilan de la réforme opérée par la loi du 5 mars 2007 qui visait à adapter ce régime pour le rendre plus respectueux des droits des personnes et pour en maîtriser les coûts. Or, tout en estimant que le cadre légal actuel conforte les droits des majeurs vulnérables, la cour souligne que son application n’est « pas assez structurée et souffre d’une sous-administration manifeste ». La mission de ce délégué interministériel, nommé « pour une durée de cinq ans », serait « de structurer les moyens dont l’Etat et les différents acteurs disposent », plaide-t-elle.

A l’instar du défenseur des droits, qui a lui aussi publié très récemment un rapport sur la protection juridique des majeurs(2), la Cour des comptes rappelle d’emblée que ce dispositif concerne une « population croissante aux contours mal définis », faute de statistiques fiables : soit environ 700 000 personnes (dont 350 000 en tutelle et 280 000 en curatelle renforcée), la volonté du législateur en 2007 de freiner la croissance du nombre de mesures ayant échoué.

Des progrès insuffisants

Pour les magistrats financiers de la rue Cambon, les services de l’Etat et les départements doivent mieux prendre « la mesure de leurs responsabilités envers les majeurs vulnérables qui sont de plus en plus nombreux et méritent de faire l’objet d’une véritable politique publique, aujourd’hui introuvable ». Ils recommandent notamment de mettre en place un observatoire, de « concrétiser les objectifs de déjudiciarisation et de priorité familiale », en amplifiant les dispositifs de soutien aux tuteurs familiaux(3), ou encore de « renforcer la professionnalisation et le contrôle des acteurs ».

Par ailleurs, si la loi a marqué des progrès sur le plan des droits des personnes – par exemple, « le principe de la révision obligatoire a permis que toutes les mesures existantes [soient] réexaminées par le juge dans le délai quinquennal fixé » –, c’est au prix d’une charge de travail très élevée pour les tribunaux d’instance, qui n’ont pu se livrer qu’à un réexamen minimal. De plus, le contrôle de gestion par les tribunaux eux-mêmes reste « très faible ». En cause, l’inadaptation des outils dont disposent les juridictions et le fait que, en 2015, les juges des tutelles étaient chargés de 3 500 dossiers en moyenne, « ce qui ne permet pas d’assurer un suivi efficace », déplore la Cour des comptes. A défaut d’augmenter les moyens des tribunaux d’instance, elle suggère de recentrer l’office du juge sur le prononcé et la surveillance générale des mesures privatives de libertés, et celui des greffes sur un contrôle de second niveau.

Les objectifs initiaux n’ont pas, non plus, été atteints en ce qui concerne le nombre de curatelles et de tutelles, qui a crû plus vite qu’avant la réforme. « Depuis 2013, ce sont ainsi plus de 70 000 nouveaux majeurs qui sont placés sous tutelle ou curatelle chaque année », en contradiction avec la volonté du législateur. En outre, la protection familiale, une des principales ambitions de la réforme, « reste à développer », estime la cour qui salue, à cet égard, l’introduction, en 2016, « d’une nouvelle mesure d’“habilitation intrafamiliale” […] qui limite l’intervention du juge et pourrait se révéler un puissant vecteur de “déjudiciarisation” »(4).

Par ailleurs, le volet social du dispositif de protection – qui s’appuie sur les mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP) – n’a pas prospéré. « Dans les faits, on ne comptait que 3 173 MASP en 2009 dans 68 départements. » En 2012, le nombre de ces mesures atteignait 9 514 et progresse peu depuis, alors que la loi tablait sur 20 000 MASP environ. « Les risques sont élevés pour le respect concret des droits et du patrimoine des personnes protégées », conclut la cour.

Un coût budgétaire loin d’être maîtrisé

D’un point de vue budgétaire, enfin, « le coût global du régime est loin d’avoir été maîtrisé » : il a augmenté de 6,3 % par an en moyenne depuis 2008, passant de 508 millions d’euros à 780 millions d’euros en 2015, dont 637 millions de financement public, le reste étant à la charge des majeurs protégés. Une augmentation – déjà dénoncée en 2014 par l’inspection générale des affaires sociales(5) – qui découle de la croissance du nombre de mesures confiées à des mandataires professionnels (+ 2,9 % par an en moyenne) mais aussi de l’augmentation du coût annuel moyen d’une mesure : 1 852 € en 2015 contre 1 476 € en 2009 (+ 3,3 % par an en moyenne). La part du financement public n’a pas été réduite mais répartie différemment, les organismes de sécurité sociale n’y participant plus depuis 2016, c’est l’Etat qui prend en charge plus de 99 % du financement.

Notes

(1) Disp. sur www.ccomptes.fr.

(2) Voir ASH n° 2978 du 7-10-16, p. 5.

(3) Sur les moyens récemment débloqués en faveur des services d’information et de soutien aux tuteurs familiaux, voir ASH n° 2978 du 7-10-16, p. 19.

(4) Sur l’habilitation familiale, voir ASH n° 2964 du 10-06-16, p. 53.

(5) Voir ASH n° 2881 du 31-10-14, p. 6.

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