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La Cour des comptes critique le coût élevé et le peu d’efficacité des aides à l’emploi des jeunes

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Dans un rapport sur l’accès des jeunes à l’emploi, publié le 5 octobre(1), la Cour des comptes dénonce le coût élevé – 10,5 milliards d’euros en 2015 – et croissant des aides publiques à destination des 15-25 ans, comparé au faible résultat obtenu, le taux de chômage de cette population étant deux fois plus élevé que celui de la population générale (23,4 % en 2014 selon l’INSEE, contre 10 % en moyenne).

Fondé sur une enquête portant sur la période 2010-2015, conduite par la Cour et les chambres régionales des comptes afin « d’examiner l’adaptation [des] dispositifs au contexte de la crise de 2008 », ce document préconise de « concentrer davantage les aides publiques sur les jeunes les plus éloignés de l’emploi et de privilégier les réponses rapides et les dispositifs intensifs » comme la garantie jeunes(2) ou les dispositifs de la deuxième chance, ainsi que les formations en alternance. « Moins d’un tiers des crédits d’accompagnement sont aujourd’hui orientés vers les modalités les plus intensives et les plus efficaces du point de vue de l’accès à l’emploi durable », déplore la Haute Juridiction financière.

Une situation de sous-emploi

Le constat est bien connu : les jeunes générations sont plus confrontées à la précarité dans l’emploi et au temps partiel subi que les autres catégories d’âge, et leur taux de pauvreté est plus élevé. Selon l’enquête « Génération 2010 » menée par le Centre d’études et de recherches sur les qualifications auprès des jeunes sortis du système éducatif cette année-là, « plus d’un jeune actif sur cinq est en recherche d’emploi trois ans après la fin de ses études, soit le plus haut niveau observé depuis le lancement de ce type d’enquête en 1998 », relève la cour. En outre, le cumul de certaines caractéristiques – être jeune, être une femme, ne pas avoir de qualification – augmente fortement le risque d’être en situation de sous-emploi subi (12 % des salariés de moins de 25 ans, contre 6 % tous âges confondus).

Comparée aux autres pays de l’OCDE, la France connaît un faible taux d’activité des jeunes. En Allemagne, en Suisse ou au Canada, notamment, l’apprentissage est plus développé et ils sont nombreux à étudier tout en travaillant, connaissant « des taux de chômage plus faibles et une transition moins heurtée de l’école à l’emploi », rappelle l’instance. « L’insuffisance de la formation initiale, son inadéquation aux besoins de l’appareil productif, l’absence de contact préalable suffisant avec le monde de l’entreprise expliquent aussi cette situation. » Plus inquiétant, ils sont 700 000 dans notre pays à se trouver sans emploi, ni études, ni formation professionnelle, soit 14,6 % des 18-24 ans contre 17 % dans toute l’Union européenne.

De multiples dispositifs aux finalités proches

Le rapport pointe en outre la coexistence de multiples dispositifs d’aide à l’accès des jeunes à l’emploi « aux finalités proches ». Sur les contrats aidés, il souligne qu’ils ont coûté à l’Etat 2 milliards d’euros en 2015 et que leur effet sur le niveau global du chômage « fait l’objet de débats ». C’est un dispositif aux « objectifs trop larges » avec « un ciblage insuffisant » et d’importants effets d’aubaine : dans le secteur marchand, 63 % des recrutements en contrat unique d’insertion-contrat initiative-emploi (CUI-CIE) et 47 % de ceux en emploi d’avenir auraient eu lieu même sans l’aide de l’Etat. La Cour appelle en outre à réduire la priorité accordée aux emplois aidés du secteur non marchand, en raison de « leur coût élevé, de leur trop faible contenu en formation et de leur médiocre efficacité en termes d’accès à l’emploi ». Selon elle, l’insertion des bénéficiaires des contrats aidés dans le secteur marchand est bien meilleure que dans le secteur non marchand. Dans ce dernier, « il faut réduire leur durée maximale, en particulier celle des emplois d’avenir qui pourrait être ramenée à celle des CUI de droit commun, ce qui permettrait, à effectifs constants de bénéficiaires, une économie budgétaire importante. » « Les contrats aidés, en particulier lorsqu’ils sont assortis de formations qualifiantes, sont […] une véritable opportunité professionnelle pour les jeunes qui ne sont pas prêts à reprendre des études », a tout de suite réagi la ministre du Travail, Myriam El Khomri, dans un communiqué le 5 octobre.

Quant à l’accompagnement par Pôle emploi, la Cour des comptes ne l’estime pas facilement quantifiable « faute d’information systématique ». Au final, « quels que soient le mode et la durée de l’accompagnement proposé par Pôle emploi, un jeune sur dix seulement accède chaque mois à un emploi d’une durée d’au moins un mois ».

Les magistrats financiers proposent par ailleurs d’« améliorer l’efficacité des missions locales en rationalisant et en professionnalisant leur gestion, [et] en particulier [de] mutualiser leurs fonctions administratives, financières et d’ingénierie des projets ». Si les missions locales ont des « atouts réels pour répondre aux besoins des jeunes de leurs territoires », leur efficacité est également difficile à mesurer tant les indicateurs de performance sont lacunaires, estiment-ils.

Des évaluations insuffisantes

Au vu des multiples acteurs intervenant dans les aides à l’accès des jeunes à l’emploi, dépendant fortement des financements locaux et régionaux, souvent dans des situations de « concurrence dommageable », la cour suggère de mettre en place, au niveau du bassin d’emploi, une instance partenariale unique qui, « à l’image de celle existant pour la seule garantie jeunes, serait chargée de statuer sur l’admission et le suivi des jeunes dans l’ensemble des dispositifs ». « La coordination des dispositifs est certes indispensable, a modéré la ministre du Travail, mais il est tout aussi nécessaire de disposer d’outils diversifiés pour répondre à l’hétérogénéité des profils des jeunes. »

La France pâtit d’un déficit de pilotage dans ce domaine d’intervention publique, conclut le rapport. « Au-delà de la multiplicité des financeurs et des opérateurs qui, s’ils se coordonnent, ne parviennent que rarement à organiser en commun leurs initiatives, une des défaillances majeures du dispositif réside dans la trop faible prise en compte des résultats : les besoins sont insuffisamment quantifiés ; l’évaluation de l’efficacité des mesures existantes n’est que rarement un préalable pour en lancer de nouvelles ; les effets des interactions entre les multiples dispositifs sont mal connus ; enfin, les financements ne sont que faiblement corrélés à la performance. »

Ce rapport, assorti de sept cahiers territoriaux (Est-Ensemble, Le Creusot-Montceau-les-Mines, Limoux, Saint-Etienne, Seine-Eure/Haute-Normandie, Thiers et Toulouse), cite enfin, pour étayer son propos, de nombreux exemples de formations locales comme celle des compagnons bâtisseurs de Thiers (projet pour des jeunes très éloignés de l’emploi et peu motivés) ou le programme Booster d’Unis-Cité (alternance pour de jeunes décrocheurs entre le service civique et une formation au sein d’un établissement scolaire).

Notes

(1) L’accès des jeunes à l’emploi. Construire des parcours, adapter les aides - Disponible sur www.ccomptes.fr.

(2) Voir ASH n° 2946 du 5-02-16, p. 35.

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