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Crise migratoire : un rapport parlementaire plaide pour achever la réforme de l’asile

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L’entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile(1) a certes permis « de nettes améliorations », également liées « au renforcement des moyens humains qui a été apporté tant aux services des préfectures qu’à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ». Mais force est de constater que « la mise en œuvre de cette importante réforme s’effectue dans un contexte de crise migratoire » exceptionnelle, « la plus importante survenue depuis la Seconde Guerre mondiale », soulignent les députés Jeanine Dubié (RRDP, Hautes-Pyrénées) et Arnaud Richard (UDI, Yvelines), dans leur rapport d’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile rédigé pour le compte du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale(2). Résultat : « Notre système de l’asile, qui avait été redimensionné pour faire face aux besoins constatés en 2013 et 2014 et raccourcir le délai de traitement de la demande d’asile, est donc à nouveau “engorgé” sous l’afflux des situations à prendre en compte. »

Mieux répartir les efforts

Pour autant, « la loi ne nécessite pas actuellement de mesures complémentaires », mais « ses dispositions doivent être mises en œuvre totalement et avec rigueur, si l’on veut atteindre l’objectif d’une procédure de l’asile plus efficace et plus rapide, plus protectrice des personnes ayant un besoin réel de protection et aussi plus dissuasive pour les personnes qui l’instrumentalisent aux fins d’immigration », jugent les deux élus. Leurs observations portent donc davantage « sur des améliorations d’organisation et de répartition des efforts pour l’accueil des demandeurs d’asile sur le territoire national, et sur les moyens à consentir pour atteindre les objectifs fixés par la réforme » française.

C’est plutôt du côté de l’Europe qu’il faudrait apporter des changements structurels, estiment les députés, tout en précisant que leur rapport n’aborde que brièvement « les problèmes liés à l’application du droit européen […], car ils sont analysés de manière approfondie par la mission d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale tendant à évaluer l’efficacité des mécanismes européens pour prendre en charge des flux migratoires exceptionnels ». Les parlementaires formulent toutefois quelques remarques « à propos du mécanisme « Dublin » qui fonctionne très mal depuis son origine et appelle une réforme ».

Forte hausse des premières demandes

« Plus d’un million de migrants sont arrivés en 2015 en Europe, empruntant les voies maritimes de la Méditerranée », rappellent notamment Jeanine Dubié et Arnaud Richard dans leur rapport, en y dressant « un tableau de la situation actuelle de la demande d’asile et de la manière dont les services et les structures y font face ». Selon eux, les chiffres pour 2016 « ne permettent guère d’espérer un ralentissement des migrations : si l’entrée en vigueur de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, signé le 18 mars dernier[3], a contribué à diminuer le nombre de migrants empruntant la voie des Balkans, la majeure partie du flux de personnes passe désormais par la Méditerranée centrale ». Ainsi, « 112 000 personnes sont arrivées par cette voie sur les côtes italiennes depuis janvier 2016, ce qui représente déjà un flux comparable à celui qui avait été observé au cours de la totalité de l’année 2015 ».

« Nos services administratifs et nos structures d’accueil en subissent pleinement les conséquences, qui affectent aussi le déroulement des procédures d’examen de la demande d’asile », soulignent les députés, en précisant que la France a enregistré une progression de 30 % des premières demandes d’asile en 2015 et de 26 % sur les huit premiers mois de l’année 2016. Le taux de reconnaissance de la qualité de réfugié a suivi la même tendance, en passant de 16,9 % des dossiers en 2014 à 36,7 % début 2016 (22,9 % en 2015), avec une prépondérance de protections accordées aux réfugiés syriens (17 % du total). Encore balbutiante, la relocalisation de quelque 160 000 demandeurs d’asile au sein de l’Union européenne constitue, pour sa part, « un engagement ambitieux [mais] dont la mise en œuvre est complexe ». Seules 1 650 personnes en ont bénéficié en France depuis 2015 et 700 devaient être accueillies dans ce cadre en octobre 2016, sur un objectif de… 30 750 personnes.

Améliorer l’accueil aux guichets

Alors que les deux parlementaires avaient formulé, en 2014, une vingtaine de propositions pour « remédier aux dysfonctionnements d’un “système en crise” »(4), reprises aux deux tiers dans la loi du 29 juillet 2015, cette dernière a « fourni de nouveaux outils sans lesquels la gestion de l’afflux de demandes d’asile serait encore plus problématique », résume le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques dans la synthèse du rapport. Grâce à la procédure réformée, le nombre de décisions rendues par l’OFPRA est en forte progression – 80 014 en 2015 (+ 113 % depuis 2007) – et 46 785 entretiens ont été conduits par ses services, qui ont bénéficié de moyens accrus : 75 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires en 2015, 95 autres en 2016 au titre du programme européen de relocalisation et « 100 ETP supplémentaires attendus pour la fin de l’année pour résorber le stock de dossiers en cours ». Du côté de la CNDA, ce sont 35 979 décisions qui ont été rendues en 2015, rappelle le rapport, avec la création de 21 ETP supplémentaires portant les effectifs de la cour à 363 agents, 25 ETP de plus étant prévus en outre en 2016. Les efforts doivent être poursuivis en 2017 à l’OFPRA, juge le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, « pour atteindre l’objectif d’un délai moyen de traitement des demandes en trois mois », ainsi qu’à la CNDA pour atteindre cinq mois en procédure normale et cinq semaines en procédure accélérée.

Du côté de l’accueil et du pré-accueil, « le délai d’obtention d’un rendez-vous dépasse le délai légal dans plusieurs préfectures », malgré la mise en place d’au moins 34 guichets uniques. Les adaptations nécessaires passent notamment par la répartition des personnes sur le territoire et par l’ajustement éventuel de la carte des guichets. Sur la détection de la vulnérabilité, qui incombe à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII)(5), des examens médicaux devraient être supprimés « pour dégager des moyens » et les médecins de l’OFII doivent pouvoir eux-mêmes examiner les demandeurs, estiment les deux élus.

Pour ce qui est des capacités d’hébergement, enfin, les chiffres avancés par le comité font notamment état du plan de création prévu de 14 630 places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile sur la période 2015-2017, dont 8 743 devraient être ouvertes d’ici à fin 2016, auxquelles s’ajoutent 4 000 places d’accueil temporaire-service de l’asile et 9 000 places en centres d’accueil et d’orientation. Pour aller plus loin, il recommande de gagner en efficacité en réduisant le taux de présence indue, comme le ministre de l’Intérieur l’a récemment demandé aux préfets(6), ou d’encourager le recours aux particuliers(7).

Notes

(1) Voir ASH n° 2394 du 20-11-15, p. 45, n° 2936 du 4-12-15, p. 49 et n° 2937 du 11-12-15, p. 47 et n° 2938 du 18-12-15, p. 55.

(2) Rapport disponible sur www.assemblee-nationale.fr.

(3) Voir ASH n° 2953 du 25-03-16, p. 9.

(4) Voir ASH n° 2856 du 18-04-14, p. 10.

(5) L’office a rendu 1 550 avis sur le premier semestre 2016, dont 70 % favorables à un hébergement adapté.

(6) Voir ASH n° 2978 du 7-10-16, p. 55.

(7) La ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, a d’ailleurs lancé un appel à projets pour développer ce dernier – Voir ASH n° 2972 du 26-08-16, p. 7.

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