Dérive dans la jungle

Fabien, Tyron, Aymeric, Rudy… A la file, le groupe de jeunes traverse une rivière au cœur de la forêt amazonienne. Certains râlent en trébuchant dans l’eau, d’autres rigolent… Le décor majestueux de ce coin de Guyane accessible uniquement en pirogue pourrait vite faire oublier la véritable raison de cette « balade » en pleine forêt tropicale. Agés de 15 à 17 ans, les huit jeunes que Virginie Bétille, la réalisatrice de La vie devant eux, a suivis durant une quinzaine de jours, ont été placés au centre éducatif renforcé de Cacao, à 70 km de Cayenne. Quatre mois et demi durant, ils vont vivre au rythme de petites formations, de travaux d’entretien du centre, d’activités sportives et de stages de découverte en entreprise. Dans un contexte de forte augmentation de la délinquance des mineurs en Guyane, ce documentaire réalisé en immersion illustre le travail difficile de l’équipe du centre pour sortir de leur passé ces adolescents en rupture. Sans voyeurisme ni complaisance, la réalisatrice a su trouver la bonne distance pour filmer ces mineurs à la dérive, rétifs à toute forme d’autorité et « qui arrivent dans des situations très dégradées », comme l’explique un des éducateurs. S’appuyant sur les variations d’une nature omniprésente pour faire écho aux changements d’humeur des jeunes, et multipliant les gros plans sur des détails marquants (tics, vêtements, coiffure…), la caméra de Virginie Bétille sait créer une réelle proximité avec ces adolescents tout en respectant les contraintes d’anonymat. Il y a les petites provocations, les stratégies maladroites pour échapper aux marches dans la forêt, les rébellions contre les sanctions que l’on ne comprend pas, l’explosion d’un jeune qu’il faut contenir physiquement, mais aussi les scènes d’apaisement. Et des moments drôles et touchants, lorsque Rudy, par exemple, écrit au juge dans un moment de découragement pour lui dire : « Là, je crois que vous êtes allé trop fort. » La vie devant eux montre également l’intérêt de ces dispositifs qui permettent aux éducateurs d’interagir au quotidien avec les jeunes, d’avoir une vision globale de leur situation et de leurs difficultés et de leur donner finalement une autre chance dans la vie.