Quelles sont les incidences des contraintes budgétaires, couplées à la hausse de la demande sociale, sur les centres communaux et intercommunaux d’action sociale (CCAS et CIAS) ? Le sujet a été confié par l’Unccas (Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale) à quatre élèves administrateurs territoriaux de l’INET (Institut national des études territoriales), dont le rapport(1) a été rendu public le 29 septembre, à l’occasion du congrès de l’organisation.
Si la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales concerne l’ensemble de leurs domaines de compétences, y compris l’action sociale, « il est important de noter que la majorité des CCAS-CIAS interrogés indiquent ne pas encore subir entièrement l’impact » de cette diminution, indiquent les auteurs. Pour tous, néanmoins, les questions « des économies, de la rationalisation de leur action et de l’optimisation » de la dépense sont « devenues centrales ». D’autant que cette tension budgétaire pèse aussi sur l’action des partenaires des CCAS et CIAS. « En effet, les associations et autres acteurs sociaux bénéficiant [de leur] participation financière peuvent pâtir de la réduction des moyens des collectivités. » Les coupes budgétaires peuvent aussi entraîner la réduction du périmètre d’intervention d’autres acteurs, qui conduit dans ce cas à un report potentiel des bénéficiaires vers les CCAS et CIAS. Face à ces différents paramètres, la « situation financière globale des CCAS/CIAS qui semble se maintenir apparaît donc comme un trompe-l’œil », insistent les auteurs. Même inégalement touchées dans leurs budgets, les structures « s’efforcent en réalité de couvrir, à moyens constants, une population de plus en plus large et des situations de précarité qui se diversifient ». Ce qui les pousse à entrer « dans une logique de négociation, argumentée et difficile », sans compter les retards de subvention qui les obligent à puiser dans leur trésorerie. La situation les amène parfois à recourir à des modes de financement « alternatifs », tels le mécénat ou les appels à projets.
Dans ce contexte, la nécessité de « pouvoir adapter les dispositifs aux besoins réels de la population d’un territoire » s’impose, défend l’étude, soulignant que l’« analyse des besoins sociaux [ABS] est un outil de pilotage essentiel à l’accomplissement de la mission de prévention et de développement social local » dévolue aux CCAS et CIAS. Tout en rappelant que, contrairement aux propositions portées par l’Unccas, un décret de juin 2016 est revenu sur l’obligation annuelle de réaliser une ABS(2), les auteurs suggèrent que celle-ci puisse être portée par l’intercommunalité, voire animée à l’échelle départementale.
Au-delà, la situation sociale et budgétaire « rend obligatoire une réflexion sur la façon d’appréhender cet effet ciseaux qui ne fera que croître » pour les CCAS et CIAS. L’étude décrit les mutations à l’œuvre, tout en insistant sur l’importance de l’action des CCAS et CIAS dans l’animation et la cohérence de l’intervention sociale à l’échelle communale et intercommunale. La spécificité de leurs interventions résidant dans leur caractère facultatif au sens du code de l’action sociale et des familles, elles sont dès lors soumises aux « possibilités d’arbitrages financiers », mais permettent aussi une « certaine agilité et souplesse » dans l’adaptation aux évolutions de la demande, considèrent les auteurs. Entre la suppression pure et simple de dispositifs – une épicerie solidaire, par exemple – et l’absence totale de changement, ils identifient plusieurs leviers. Selon leurs observations, les options peuvent consister à modifier des actions pour les rendre moins coûteuses (revoir la périodicité de certaines activités destinées aux seniors), à accroître les efforts de gestion (fonctions support et achats) ou à optimiser les dépenses, y compris de personnel.
Même si elles sont encore insuffisamment développées, certaines pratiques témoignent aussi de la possibilité, pour les CCAS, de se renouveler « pour affronter les défis liés à la contrainte budgétaire », relève l’étude. En premier lieu, « agir dans une logique de réseau peut permettre de garantir un niveau de prise en charge équivalent tout en renforçant la territorialisation de l’action des CCAS-CIAS », invite-t-elle, donnant notamment pour exemple des cas de coopération ou de mutualisation entre structures. Elle préconise de développer les projets sociaux pluriannuels coportés par des CCAS et des CIAS, de renforcer les coopérations via les unions départementales, en lien avec l’ensemble des acteurs institutionnels et associatifs, mais aussi de « renforcer le recours à l’innovation sociale ». Autre recommandation : développer « l’évaluation partagée des politiques publiques, pour apprécier l’impact des décisions prises (mise en place de nouvelles actions, recalibrage de dispositifs existants, arrêts de dispositifs), en lien avec les acteurs concernés (villes, intercommunalités, départements, CAF, Etat…) ». Alors que les agents et les travailleurs sociaux risquent de se retrouver « face à une redéfinition de leurs missions ainsi qu’à des injonctions contradictoires », les auteurs jugent que « le renforcement de la fonction managériale des encadrants, notamment intermédiaires, apparaît nécessaire pour accompagner le changement ». La « capacité à évoluer, à s’adapter et à innover » permettra aux CCAS et aux CIAS d’opérer les mutations induites par un contexte en tension, en préservant l’intérêt des bénéficiaires et les missions des agents, conclut l’étude en substance.
(1) Disponible sur