Dans un rapport sur la protection juridique des majeurs vulnérables, rendu public le 29 septembre(1), le défenseur des droits estime que la mesure de tutelle, « qui porte atteinte à la capacité juridique du majeur protégé », doit être considérée « comme une mesure d’exception », tandis que la sauvegarde de justice et la curatelle, « en tant que mesures d’accompagnement, doivent devenir les mesures de protection judiciaire privilégiées », conformément à l’esprit de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH). « Il revient au juge d’adapter la mesure en préservant, au maximum, le mode de vie habituel de la personne, en respectant ses désirs et ses vœux », et en adoptant « une approche humanisée, individualisée et proportionnée », plaide notamment Jacques Toubon.
Ce sont « près de 800 000 personnes qui, n’étant plus en situation de pourvoir à leurs intérêts en raison de l’altération de leurs facultés mentales ou corporelles, seraient bénéficiaires d’une mesure de protection », rappelle d’abord le défenseur des droits, « 360 000 étant gérées dans le cadre familial, 360 000 par des mandataires associatifs, 40 000 par des mandataires judiciaires à la protection des majeurs indépendants et 40 000 par des mandataires préposés d’établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux ». Mais ces chiffres ont été avancés par le garde des Sceaux dans le cadre des débats parlementaires sur la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, et le défenseur des droits déplore, aujourd’hui, « le peu de données disponibles afférentes au nombre exact de personnes protégées, à leur profil ainsi qu’à l’action des acteurs tutélaires ».
En outre, malgré la réforme de 2007, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, et, plus récemment, la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement(2), les réclamations concernant les majeurs protégés adressées au défenseur des droits l’ont amené à relever « un certain nombre de difficultés récurrentes ». Celles-ci concernent notamment des contestations de placementsous mesure de protection par le majeur protégé et des problèmes de gestion de la mesure de protection (retard dans le paiement des loyers et des impôts, gestion des comptes bancaires, absences de réponse du juge, contestations du montant des sommes allouées aux majeurs protégés par le curateur ou le tuteur, etc.).
Sur la base de ces constats, l’institution formule une série de « propositions d’amélioration s’agissant notamment des conditions d’exercice de la capacité juridique par la mise en œuvre d’un mécanisme de décision accompagnée et des conditions et modalités d’instruction, de mise en œuvre et de contrôle des mesures de protection ». Au fil du rapport, le défenseur revient, d’abord, sur les engagements internationaux de la France en matière de protection juridique des majeurs vulnérables – et donc, en particulier, la CIDPH, dont il est chargé par le gouvernement de suivre l’application –, avant de détailler les évolutions du régime en vigueur qu’il juge « nécessaires ».
Le premier axe de ses préconisations vise à « passer d’un système de prise de décisions substitutive (type tutelle), dans lequel la personne est privée de sa capacité juridique, à un système de prise de décisions assistée », donnant la priorité à la volonté et aux préférences de la personne, en application de l’article 12 de la CIDPH. Le rapport insiste, entre autres, sur la nécessité de rappeler la réglementation applicable « pour favoriser la pratique du mandat de représentation (différent du mandat de protection future) et rappeler les devoirs d’assistance et de représentation entre époux ». Et recommande d’assouplir les conditions de prononcé d’une mesure d’accompagnement judiciaire, de promouvoir « le recours à la sauvegarde de justice comme mesure autonome » ou encore « d’étendre la mesure d’habilitation familiale aux majeurs ayant besoin d’une assistance temporaire dans la gestion de leur patrimoine ». En outre, « afin de sécuriser le mandat de protection future, le défenseur des droits est favorable au mandat notarié », en menant cependant une réflexion sur les coûts ainsi engagés. Il préconise aussi de promouvoir ce type de mandat auprès des professionnels intervenant auprès des majeurs concernés, en citant les travailleurs sociaux. Parmi ses autres recommandations, plusieurs concernent la reconnaissance des droits fondamentaux des majeurs protégés, comme le droit de vote ou le droit au mariage et autres formes d’unions, le droit de divorcer ou de choisir son lieu de vie.
Le rapport évoque enfin « la situation particulière des majeurs protégés français hébergés dans des établissements situés en Belgique », en proposant notamment, pour améliorer leur accès aux droits sociaux, de « prévoir la modification des règles relatives à l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés afin que celle-ci ne puisse être refusée aux majeurs sous mesure de curatelle accueillis en établissement médico-social dans un pays limitrophe faute de places en France ».
(1) Disponible sur