C’est un état des lieux édifiant des financements en faveur des initiatives pour l’égalité entre les femmes et les hommes en France que dressent, dans un rapport rendu public le 15 septembre(1), le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la Fondation des femmes, le Fonds pour les femmes en Méditerranée, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH), le Comité ONU Femmes France et W4 France (Women’s WorldWide Web). Pour eux, le budget de l’Etat n’est pas à la hauteur des ambitions qu’il se donne et les fonds privés sont aussi limités. Autant de raisons qui expliquent la situation des associations œuvrant en la matière qui ne peuvent dès lors pas s’investir sur le long terme et sont même menacées de fermeture pour certaines. Au final, déplorent les six institutions, « les inégalités reculent lentement, les disparités géographiques se creusent et le coût pour la société des inégalités femmes-hommes augmente ».
Alors que les politiques en faveur des droits des femmes se développent ces dernières années, « l’égalité femmes-hommes est loin d’être une priorité financière en France », déplore le rapport. Pour preuve, en 2016, le budget qu’y consacre l’Etat est de 26,9 millions d’euros, soit 0,0066 % du budget général, quand le seul coût des violences faites aux femmes est estimé à 2,5 milliards d’euros par an(2). Pire, illustre-t-il encore, « les institutions en charge des droits des femmes fonctionneraient en partie sur du bénévolat ». Si le responsable du Haut Conseil de la famille est indemnisé à hauteur de 4 000 €, ceux du HCEFH et du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle sont, eux, réellement bénévoles. Pourtant, s’agacent les auteurs, le « bénévolat n’est pas de mise dans des institutions similaires en matière de compétences et d’investissements requis » ! Les moyens alloués aux institutions sont également criticables. Par exemple, souligne le rapport, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes ne possède pas de budget autonome dédié et ne peut compter que sur trois salariés et deux personnes mises à disposition(3).
Pas mieux du côté du financement privé, « également limité », relève le rapport, soulignant que « les fondations d’entreprise[4] et le mécénat français sont relativement peu engagés ». En outre, regrette-t-il, « de façon générale, la culture de la philanthropie est peu développée en France » par rapport aux pays anglo-saxons : par exemple, aux Etats-Unis, les donations individuelles représentent 1,85 % du produit national brut, contre 0,32 % en France.
Le financement par les collectivités locales est, lui aussi, « souvent insuffisant et parfois même en baisse », notent les auteurs. Les structures et les associations œuvrant pour les droits des femmes « peinent [alors] à remplir leurs missions, certaines sont [même] forcées de fermer ». C’est le cas, par exemple, des antennes du Planning familial qui sont menacées de fermeture dans plusieurs départements. En outre, et c’est un comble, constatent-ils, « pour certaines associations, ne pas investir le champ de la collecte privée [elles n’en ont d’ailleurs pas les moyens humains] relève d’une stratégie : les moyens publics sont tellement rares et difficiles à sécuriser qu’elles craignent que, en développant de nouvelles sources de revenus, et donc une relative autonomie financière, elles donnent une raison supplémentaire au désengagement financier des pouvoirs publics ».
Aussi les institutions préconisent-elles en particulier d’augmenter et d’améliorer l’investissement public, qui devra se faire au profit des politiques d’égalité spécifiques et transversales. Ou encore d’« imaginer des sources de financement alternatives ». Par exemple, en 2016, plus de 5,1 millions d’euros ont été retenus sur la dotation publique des partis politiques pour non-respect de la parité, une somme reversée au budget général alors qu’elle pourrait être réaffectée au financement des programmes en faveur des droits des femmes.
Par ailleurs, les actions mises en œuvre par les associations engagées dans la défense des droits des femmes souffrent d’invisibilité, ce qui « affecte directement les donations », souligne le rapport : « les mécènes ne savent pas identifier l’utilité des fonds car l’impact social des associations est peu connu ». C’est pourquoi il recommande d’instaurer un accompagnement spécifique en leur faveur pour « renforcer leurs actions de communication et de plaidoyer ».
En outre, lorsqu’elles sont éligibles aux fonds structurels européens, les associations ne disposent pas non plus des capacités techniques et financières nécessaires pour les mobiliser. En effet, expliquent les auteurs, pour pouvoir en bénéficier, les associations doivent « avoir suffisamment de trésorerie pour avancer les fonds, le paiement de la subvention arrivant après la fin de l’action ; être en capacité de mettre en place les processus exigés par le contrôle du Fonds social européen : mise en concurrence, justification à partir du premier euro dépensé ; et trouver un cofinancement pour le projet à hauteur de 50 % ». Dans ces circonstances, estiment-ils, « il est important que l’Etat propose aux associations un accompagnement pour solliciter de tels fonds ».
Autres solutions pour recueillir des fonds évoquées par le rapport : « inciter les donations grand public » ou encore « accompagner les associations dans la révolution numérique et l’appropriation des financements innovants [qu’offrent Internet et les réseaux sociaux] ».
(1) Où est l’argent pour les droits des femmes ? – 2016 – Disponible sur
(2) Alors que les violences contre les femmes coûtent 38 € par an et par habitant, la France n’investit que 0,33 € par an et par habitant pour y mettre fin, contre 0,54 € en Espagne.
(3) En comparaison, le Québec, qui compte environ huit fois moins d’habitants que la France, consacre un budget de 2,265 millions d’euros et 25 salariés à son Conseil du statut de la femme.
(4) En France, seulement cinq grandes fondations d’entreprises sont engagées de manière visible en faveur des femmes. Toutefois, la majorité des projets qu’elles soutiennent sont tournés vers l’international : « Ainsi, sur les 197 associations soutenues en 2014 et en 2015 par ces fondations, seulement 64 mènent des actions en France », selon le rapport.