Saisi par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a, le 23 septembre, censuré partiellement l’article L. 132-10-1 du code de la sécurité intérieure, qui prévoit des échanges d’informations entre, d’une part, au sein des conseils départementaux de prévention de la délinquance, l’état-major de sécurité, ou, au sein des zones de sécurité prioritaires, la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure(1) et, d’autre part, les juridictions de l’application des peines (JAP) et le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP).
Dans sa rédaction issue de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales(2), l’article attaqué prévoit entre autres que, dans le cadre de leurs attributions, l’état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle :
→ organisent les modalités du suivi et du contrôle en milieu ouvert des personnes condamnées sortant de détention, désignées par l’autorité judiciaire compte tenu de leur personnalité, de leur situation matérielle, familiale et sociale ainsi que des circonstances de la commission des faits ;
→ informent régulièrement les JAP, ainsi que le SPIP, des conditions de mise en œuvre du suivi et du contrôle de ces personnes ;
→ peuvent se voir transmettre par les juridictions de l’application des peines et le service pénitentiaire d’insertion et de probation « toute information que ceux-ci jugent utile au bon déroulement du suivi et du contrôle » de ces personnes.
Or, pour le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France – tous deux à l’origine de la QPC –, ces dispositions méconnaissent la garantie des droits proclamée à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et la liberté individuelle protégée par l’article 66 de la Constitution. A leurs yeux, en effet, en confiant à des autorités administratives une mission d’organisation des modalités de suivi et de contrôle en milieu ouvert de personnes condamnées, les dispositions contestées empiètent sur les prérogatives de l’autorité judiciaire en matière d’exécution des peines. Par ailleurs, toujours selon eux, « en prévoyant l’échange d’informations entre ces autorités administratives et l’autorité judiciaire, le législateur aurait méconnu le droit au respect de la vie privée découlant de l’article 2 de la Déclaration de 1789 ».
Au final, le Conseil constitutionnel n’aura donné aux syndicats requérants des motifs de satisfaction que sur ce dernier point.
Les sages l’admettent d’emblée dans leur décision : « les échanges d’informations entre, d’une part, l’état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure et, d’autre part, les juridictions de l’application des peines et le service pénitentiaire d’insertion et de probation, sont susceptibles de porter atteinte » au droit au respect de la vie privée. « Pour être conformes à la Constitution, ces atteintes doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et mises en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. »
Certes, souligne la Haute Juridiction, en prévoyant ces échanges d’informations, le législateur a bel et bien poursuivi un objectif d’intérêt général, car il entendait, en améliorant le suivi et le contrôle des personnes condamnées, favoriser l’exécution des peines et prévenir la récidive. Toutefois, en ne définissant pas la nature des informations concernées et en ne limitant pas leur champ, le législateur a, s’agissant de cet objectif, porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.
C’est ainsi que, en définitive, la possibilité pour l’état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle de se voir transmettre « toute information » que les JAP et le SPIP jugent utile au bon déroulement du suivi et du contrôle des personnes condamnées a été déclarée contraire à la Constitution.
(1) Au sein du conseil départemental de prévention de la délinquance et, le cas échéant, de la zone de sécurité prioritaire, l’état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure sont chargés d’animer et de coordonner, sur leur territoire, les actions conduites par l’administration pénitentiaire, les autres services de l’Etat, les collectivités territoriales, les associations et les autres personnes publiques ou privées, en vue de favoriser l’exécution des peines et de prévenir la récidive.