Mères en herbe

Sur l’un des clichés, Stacy s’entretient avec son assistante sociale au Dahlia, l’accueil mère et enfant de l’EPDSAE (Etablissement public départemental pour soutenir, accompagner, éduquer) de la banlieue lilloise. Sur une autre photo, c’est Laurine et son petit Thimeo que l’on aperçoit en train d’attendre devant les bureaux de la protection maternelle et infantile de Fourmies (Nord). Tatouées, maquillées, les jeunes filles ont l’air fatiguées, usées. Pourtant, même accompagnées d’un bébé, leur jeune âge saute aux yeux. Le reportage de Viviane Dalles a déjà fait l’objet de parutions dans les magazines Elle et VSD ainsi que dans Vanity Fair en Italie. Il a aussi permis à la professionnelle de l’image de remporter le prix Canon 2014 de la femme photojournaliste. « Devenir “mère ado” » est aujourd’hui présenté à la galerie Fait & Cause, un lieu d’exposition qui s’est donné pour mission de favoriser la prise de conscience des problèmes sociaux.

Viviane Dalles a passé neuf mois dans le nord de la France, plus précisément dans la région de la Thiérache – dont certaines communes ont été surnommées « villes poussettes ». Elle a photographié Laurine et Stacy, mais aussi Amélie et Melissa, toutes tombées enceintes alors qu’elles n’avaient que 14, 15 ou 16 ans. Elles ont gardé leur bébé et sont devenues mères adolescentes, comme 5 000 autres jeunes filles en France. La situation est assez préoccupante pour que les acteurs sociaux décident de multiplier leurs interventions dans les collèges et lycées afin d’apporter soutiens et réponses à des jeunes femmes enceintes, et pour que le planning familial décide, en 2013, d’ouvrir une antenne à Fourmies, petite ville de 13 000 habitants. La Thiérache est aujourd’hui fortement touchée par le chômage. Difficile pour les adolescents de la région de se projeter dans l’avenir. Ainsi, pour ces mères précoces, avoir un enfant devient un projet de vie. Accompagnées ou non du père, aucune ne semble regretter sa décision, même si elles se retrouvent à vivre les unes dans des foyers, les autres dans des HLM, sans avoir profité de leur jeunesse. Viviane Dalles a voulu exposer leur quotidien car elle trouvait que ces jeunes filles recevaient « trop de regards méprisants et accusateurs ». Et démontrer qu’une même volonté les anime : « devenir une bonne mère ado ».