« Il y a un intérêt à accompagner les jeunes aussi dans la “rue numérique” »

Elle fait écho à un concept né en Suède il y a une dizaine d’années, repris en 2012 par la CAF et le conseil départemental de la Manche, puis, en 2014, par la CAF du Cher, en lien avec le conseil départemental et la direction départementale de la cohésion sociale. Elle a, depuis, également été mise en œuvre dans le Morbihan et en Ardèche. Nous avons partagé le constat qu’il y avait un intérêt pour les professionnels travaillant avec les jeunes à les accompagner aussi dans la « rue numérique », où les adultes sont peu présents. Par cette présence éducative dans les espaces fréquentés par les jeunes – réseaux sociaux, forums, blogs… –, ils élargissent leur territoire d’intervention en prévenant d’éventuels risques, notamment liés à la protection de la vie privée, en favorisant les échanges, en répondant à leurs sollicitations, en les informant sur des activités ou sur la possibilité de les aider dans la réalisation de leur projet. Les jeunes demandent souvent aux éducateurs ou aux animateurs d’être leurs « amis » sur Facebook. Il est important que ces derniers puissent nouer cette relation dans le cadre de leurs missions. Ils proposent ainsi de nouvelles modalités d’accompagnement, en phase avec les préoccupations et les besoins des jeunes.

Le professionnel s’identifie avec son nom et celui de la structure. En rentrant en relation avec le jeune, avec qui il peut devenir « ami » sur les réseaux sociaux, il poursuit son action éducative, sur la base d’une relation de confiance, du respect de la volonté du jeune d’aller vers lui et de la confidentialité des échanges. Au-delà d’informations partagées, tout ce qui relève de la relation individuelle fait l’objet de messages privés ou d’entretiens. Nous avons d’ailleurs pu observer que l’écran fait médiation : les jeunes parfois envoient un signal ou font des confidences en message privé sur des sujets qu’ils n’auraient pas osé aborder en face-à-face. Sans être dans le contrôle social, les professionnels ont, sur les réseaux sociaux, exactement les mêmes obligations qu’ailleurs, dans le cadre de leurs missions, notamment pour signaler des situations préoccupantes(2).

La gouvernance – qui associe dans le Cher la CAF, l’Etat et le département – est importante. Nous avons pour notre part confié le copilotage des Promeneurs du Net à l’Association pour les clubs et équipes de prévention, qui a recruté une coordinatrice pour animer le réseau et accompagner le développement du projet. Celui-ci dispose d’un espace collaboratif sur Internet(3). Dans le Cher, les structures parties prenantes – équipes de prévention spécialisée, centres sociaux, maisons des jeunes et de la culture, espaces jeunes, foyers de jeunes travailleurs, missions locales, maisons des adolescents, et depuis peu un ITEP, un IME et l’EPIDE [établissement pour l’insertion dans l’emploi]… – ont reçu 2 500 € d’aide pour permettre à deux de leurs professionnels de dégager au moins deux heures par semaine sur leur temps de travail et d’aller en formation sur les questions éthiques et de maîtrise de la communication numérique. Nous avons élaboré une charte éthique et le dispositif est accompagné en analyse des pratiques.

L’arrivée de Promeneurs du Net issus du médico-social, mais aussi les réflexions de la PJJ et de l’ASE, qui s’intéressent au dispositif, font l’objet d’un groupe de travail sur les spécificités liées à leur secteur, de même que le sujet de la parentalité sur les réseaux sociaux. La question pose, plus globalement, celle de l’utilisation du numérique par l’ensemble du travail social.