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Un rapport du Cnesco explore l’amplification des inégalités sociales à l’école

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C’est un rapport au vitriol qu’a livré, le 27 septembre, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), en pointant notamment la responsabilité de l’éducation prioritaire dans la persistance, voire l’aggravation, des inégalités sociales à l’école(1). Car, si « l’école hérite d’inégalités familiales », elle produit aussi, « en son sein, à chaque étape de la scolarité, des inégalités sociales de natures différentes qui se cumulent et se renforcent », résume l’organisme dans la synthèse de ce travail collectif mené, pour la première fois en France, par 22 équipes de chercheurs français et étrangers (sociologues, économistes, didacticiens, psychologues). Des constats à partir desquels il formule une série de préconisations.

Les effets pervers de l’éducation prioritaire

« Les inégalités sociales à l’école empruntent des formes multiples », qui les rendent moins visibles qu’il y a 50 ans mais pas moins préjudiciables : « inégalités de traitement dans les ressources d’apprentissage dont les élèves disposent réellement à l’école, inégalités dans leurs résultats scolaires, inégalités sociales dans les orientations, dans les diplômes et même dans le rendement des diplômes sur le marché du travail ».

La progression de ces inégalités n’est certes pas une découverte, elle est mise en évidence depuis 15 ans par le baromètre « PISA », publié tous les trois ans par l’Organisation de coopération et de développement économiques (2), et dont les enquêtes nationales confirment le diagnostic. Mais alors que, à l’étranger, des politiques efficaces ont été engagées pour corriger le tir, « notre pays est parti à la dérive », affirme la présidente du Cnesco, Nathalie Mons, professeure de sociologie à l’université de Cergy-Pontoise. Cependant, « les responsabilités ne sont pas toujours là où l’on pense », selon elle, puisque la dégradation du contexte économique et social aussi bien que les interventions des parents (enseignement privé, cours particuliers…) sont jugées peu responsables. Ce sont bien les politiques scolaires – et leur manque d’expérimentation et d’évaluation pour en mesurer l’efficacité avant de les reproduire dans la durée – qui sont montrées du doigt par les chercheurs et, en particulier, le rôle de l’éducation prioritaire telle qu’elle est mise en œuvre depuis 35 ans, dont les effets pervers conduisent aujourd’hui à une véritable « discrimination négative ».

Certes, des moyens supplémentaires sont octroyés aux établissements concernés, mais sans atteindre les objectifs escomptés. Les effectifs des classes sont réduits mais pas tant que ça, les enseignants sont plus novices, l’enseignement de moins bonne qualité, les temps d’apprentissage plus courts, les méthodologies moins efficaces, le climat marqué par plus d’insécurité… C’est ainsi que « le temps moyen [que les enseignants] estiment consacrer à l’instauration et au maintien d’un climat de classe favorable, au détriment du temps strictement réservé aux apprentissages des élèves, est plus élevé en éducation prioritaire (21 %) que dans les collèges publics hors éducation prioritaire (16 %) et plus encore dans le secteur privé (12 %) ». Quant à la réforme de l’éducation prioritaire adoptée en 2014 – qui a remplacé les zones d’éducation prioritaire par les réseaux d’éducation prioritaire –, d’abord « volontariste en 2014-2015 », elle « semble s’être ralentie l’année suivante, certainement du fait de la préparation concurrente de la réforme du collège », relève le rapport.

Une nécessaire « politique de déségrégation »

Par ailleurs, sont aussi passés au crible les « dispositifs ségrégatifs au collège », mis en place « dans une continuité sans faille depuis l’avènement du collège unique » pour en faire sortir un nombre croissant d’élèves, par le bas (filières technologiques, prépa-pro…) ou par le haut (classes d’excellence comme les classes européennes). Regrettant ainsi qu’« aucune politique de prévention de la ségrégation à l’école, telle que l’intégration d’un volet “mixité sociale” lors de la construction d’un établissement, n’ [ait] été promue par le ministère » de l’Education nationale, le Cnesco estime que « les années à venir devront être marquées par une politique volontariste de déségrégation à l’école, arrimée à des objectifs nationaux et se donnant les moyens d’atteindre ses objectifs ». Egalement dans le collimateur des chercheurs, le fait que « les familles les plus défavorisées n’ont pas été suffisamment accompagnées par des politiques de bourses et de fonds sociaux ambitieuses, alors que la politique fiscale soutenait les parents les plus aisés pour les cours particuliers ».

Parmi ses préconisations, le Conseil national d’évaluation du système scolaire plaide pour une évolution du modèle éducatif français qui passe, en premier lieu, par « une clarification de sa vision de la justice à l’école […] au moins dans l’enseignement obligatoire ». Car « les concepts d’équité, de discrimination positive, de socle commun au sortir du collège ne pourront pas s’imposer dans la société française sans une clarification des attentes nationales pour ce niveau d’enseignement ». Enfin, du côté de la gouvernance du système éducatif, il faut « rompre avec une logique de réformes à répétition, peu mises en œuvre dans les classes et miser sur l’expertise des acteurs de terrain (enseignants, chefs d’établissement, inspecteurs, conseillers pédagogiques…) qui accueillent au quotidien les élèves en leur donnant les moyens d’une action pédagogique efficace (formation continue obligatoire, maîtres spécialisés sédentarisés dans les écoles, outils d’évaluation à dimension nationale mis à leur disposition…) ».

Notes

(1) Rapport disponible sur www. cnesco.fr.

(2) Sur la dernière enquête « PISA », voir notre rubrique « Rencontre » parue dans les ASH n° 2841-2842 du 10-01-14, p. 24.

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