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Les services à domicile, « paillasson du médico-social » ?

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Une directrice d’un service d’aide à domicile, Dafna Mouchenik, témoigne de la complexité de la gestion quotidienne de telles structures.

« La loi 2002-2 et, plus récemment, celle relative à l’adaptation de notre société au vieillissement l’a confirmé, les services d’aide à domicile font partie intégrante du médico-social. Pas sûr que tous le voient d’un bon œil : “L’aide à domicile, service médico-social ?! Au même titre que le soin, qu’un service social ?!”, “N’est-ce pas mélanger les torchons et les serviettes” Un certain mépris inavoué envers les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) se fait souvent sentir. Sans parler des casseroles que nous nous traînons : l’image tenace du service négligent qui encaisse les plans d’aide sans les réaliser pleinement, qui malmène ses propres salariés, qui embauche du personnel ne parlant même pas français… Tout cela laisse planer sur nous une perpétuelle suspicion, l’idée que les services d’aide à domicile seraient cupides, occupés à facturer des heures sans se soucier des gens !

Il faut dire que notre positionnement n’est pas simple. La relation commerciale existant entre les personnes accomagnées et nos services complique souvent nos échanges tant avec les bénéficiaires eux-mêmes qu’avec le réseau local de proximité. Le budget de nos entreprises repose uniquement sur les heures d’aide à domicile facturées. Pourtant, nous sommes de véritables petits centres d’action sociale spécialisée et pas seulement des “prestataires de services”. Notre mission n’est pas juste de recruter les bonnes personnes et d’organiser le planning d’intervenantes (je dis “juste” mais rien que ça, c’est un véritable casse-tête). Notre travail est de rencontrer, d’analyser, d’expliquer, d’orienter, d’écouter, de décrypter, de tisser du lien, d’accompagner bénéficiaires, familles et salariés et très souvent de coordonner. Et tout ce temps repose uniquement sur les fonds propres de chaque service. Assurer un tel dispositif sans creuser le reste à charge des personnes accompagnées lorsque nous ne sommes ni tarifés ni subventionnés nécessite la réalisation d’un sacré volume d’heures ! Alors oui, dans ce contexte financier périlleux, nous tentons à chaque fois que cela peut rentrer dans les plans d’aide d’y intégrer notre travail.

Bon, on ne veut pas mélanger les torchons et les serviettes, mais dès qu’un événement survient, voilà que tous nous tombent dessus : “Comment ça se fait que le logement soit dans cet état” “Et pourquoi il n’y a rien à manger chez ce monsieur” “Et pourquoi c’est jamais le même horaire et jamais la même auxiliaire de vie” “Comment ça, vous maintenez vos interventions alors que la dame est hospitalisée”… On s’en prend “plein la gueule” tout le temps et par tout le monde. Alors, comment dire ? “Ça fait des semaines qu’on tente de contacter le tuteur qui ne nous rappelle jamais”, “la famille n’est pas sur place”, “la vieille dame refuse de nous ouvrir la porte”, “plus personne ne veut y retourner tant le monsieur est agressif !”

Relation inéquitable

Il est plutôt normal d’avoir des comptes à rendre, mais il faut voir la façon dont ils sont parfois demandés. Dans ces échanges avec les acteurs du médico-social, les SAAD ne sont pas dans une relation d’égal à égal, car de nos bonnes relations dépend notre activité. Et si la plupart des services sociaux, de soins et de tutelles font de leur mieux, comment signifier aux moins scrupuleux qu’ils nous font faire leur travail ? Pour ma part, je m’y suis risquée, mon service s’est vu tout bonnement retirer les personnes confiées…

J’ai souvent le sentiment que le domicile est le paillasson du médico-social. Ce constat est peut-être le symptôme d’un mal plus profond, une angoisse incommensurable, une dernière soupape avant l’implosion définitive du secteur social tout entier. Les difficultés du quotidien et la réalité souvent dramatique des personnes que nous accompagnons, le stress de nos métiers peut l’expliquer, mais si nous devons absorber nos propres angoisses et servir de punching-ball à ceux qui craquent, j’ai bien peur que toute la profession finisse sous Prozac !

Pourtant les regards changent malgré tout. Les liens entre l’aide, le soin, les réseaux gérontologiques, les services de polyvalence, les CLIC [centres locaux d’information et de coordination]… se tissent avec intelligence, conscients que nous sommes tous, chaque jour un peu plus, que chacun est le complément indispensable de l’autre… »

Contact : dafna.mouchenik@logivitae.fr

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