Définitivement adoptée le 21 juillet dernier par le Parlement et validée le 4 août dans sa quasi-intégralité par le Conseil constitutionnel, la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels – dite aussi loi « travail » – comporte une série de mesures en faveur des personnes handicapées en situation de travail, dont certaines sont spécifiques à celles qui sont accueillies en établissement et service d’aide par le travail (ESAT). Cela va ainsi de la création d’un dispositif d’emploi accompagné à la mise en œuvre dans les ESAT du compte personnel de formation, en passant notamment par l’extension de la prime d’activité aux travailleurs handicapés, l’élargissement des modalités de recrutement en ESAT ou encore la possibilité pour un employeur d’accorder un repos supplémentaire en cas de majoration du temps de trajet du salarié du fait de son handicap. Cet ensemble de mesures a été salué, en particulier, par la Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles (Fegapei), la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE) et l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei)(1).
(A noter) Les autres volets de la loi, relatifs notamment à la négociation collective, à la représentation du personnel, à la durée du travail, à la protection des salariés, à la sécurisation des parcours professionnels et à l’emploi feront l’objet de dossiers ultérieurs dans les ASH.
La loi « travail » inscrit dans le code de l’action sociale et des familles (CASF) le principe selon lequel les personnes handicapées nécessitant un accompagnement médico-social pour s’insérer durablement dans le marché du travail, en particulier les travailleurs handicapés accueillis dans un ESAT ayant un projet d’insertion en milieu ordinaire de travail, peuvent bénéficier d’un dispositif d’emploi accompagné (CASF, art. L. 243-1 nouveau). Ce faisant, elle donne un cadre légal à l’emploi accompagné qui se développe actuellement de façon balbutiante et expérimentale(2).
Cette disposition s’inscrit dans la ligne des préconisations formulées par la députée (PS) Annie Le Houérou dans son rapport sur l’emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire(3) ainsi que celle des arbitrages rendus par le président de la République à l’issue de la conférence nationale du handicap du 19 mai 2016(4). Actuellement, malgré les possibilités de passerelles existant entre le secteur protégé et le secteur ordinaire, notamment la mise à disposition par les ESAT de travailleurs handicapés en entreprise ordinaire, « les orientations de personnes travaillant en ESAT vers l’emploi en milieu ordinaire restent quantitativement peu nombreuses. Ainsi, la fluidité des parcours entre milieu protégé et milieu ordinaire est faible […], les départs vers le milieu ordinaire représentant annuellement environ 1 à 2 % de l’effectif des ESAT », rappellent les rapporteurs de la loi au Sénat, qui expliquent pourquoi : « Les dispositifs d’insertion sont peu utilisés du fait du risque auquel ils exposent les personnes handicapées comme les entreprises. Du côté des travailleurs en ESAT qui sont concernés par une sortie, la signature d’un contrat de travail dans une entreprise ordinaire est souvent associée à une prise de risque pouvant être jugée trop importante par rapport à la sécurité que confère le milieu protégé. Du côté des employeurs potentiels, la crainte de ne pas être suffisamment appuyés lors de l’intégration d’un travailleur handicapé puis tout au long de l’exercice de son activité professionnelle les pousse à délaisser l’emploi direct au profit d’autres réponses. Ils préfèrent ainsi conclure des contrats de sous-traitance avec des ESAT, qui leur permettent de remplir leurs obligations légales et apparaissent moins contraignants » (Rap. Sén. n° 661, juin 2016, Lemoyne, Gabouty et Forissier, page 300). Afin de corriger les limites actuelles de l’accompagnement des travailleurs handicapés vers l’emploi ordinaire, la loi du 8 août 2016 prévoit donc qu’ils peuvent bénéficier d’un dispositif d’emploi accompagné dont les modalités de mise en œuvre sont, elles, inscrites dans le code du travail (C. trav.).
Le dispositif d’emploi accompagné comporte un accompagnement médico-social et un soutien à l’insertion professionnelle, en vue de permettre aux travailleurs handicapés d’accéder et de se maintenir dans l’emploi rémunéré sur le marché du travail (C. trav., art. L. 5213-2-1, I nouveau).
Sa mise en œuvre comprend un soutien et un accompagnement du salarié, ainsi que de l’employeur, assurés par une personne morale qui respecte les conditions d’un cahier des charges qui sera fixé par décret (C. trav., art. L. 5213-2-1, I nouveau).
Le dispositif peut être sollicité tout au long du parcours professionnel par le travailleur handicapé et, lorsque celui-ci occupe un emploi, par l’employeur, en complément des services, aides et prestations existants (C. trav., art. L. 5213-2-1, I nouveau). Il est mis en œuvre sur décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la maison départementale des personnes handicapées, en complément d’une décision d’orientation, le cas échéant sur proposition d’un Cap emploi, de Pôle emploi ou d’une mission locale. La CDAPH désigne, après accord de l’intéressé ou de ses représentants légaux, un dispositif d’emploi accompagné. Une convention individuelle d’accompagnement conclue entre la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné, la personne accompagnée ou son représentant légal et son employeur, précise entre autres les modalités d’accompagnement et de soutien du travailleur handicapé et de l’employeur, notamment sur le lieu de travail (C. trav., art. L. 5213-2-1, II nouveau).
La personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné doit en outre conclure une convention de gestion (C. trav., art. L. 5213-2-1, III nouveau) :
→ d’une part, avec un Cap emploi, une agence Pôle emploi ou une mission locale ;
→ et, d’autre part, lorsqu’il ne s’agit pas d’un ESAT, d’un établissement ou service de réadaptation, de préorientation et de rééducation professionnelle ou d’un établissement ou service accueillant des personnes handicapées, avec au moins une personne morale gestionnaire d’un de ces établissements ou services.
Un décret précisera notamment les modalités de mise en œuvre du dispositif d’emploi accompagné, de contractualisation entre le salarié, l’employeur et la personne morale gestionnaire du dispositif, les financements pouvant être mobilisés dans ce cadre, ainsi que les conditions dans lesquelles la personne morale gestionnaire du dispositif ou, le cas échéant, la personne morale gestionnaire d’un établissement ou service conclut avec le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) une convention de financement ou un avenant à son contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. Le modèle de ces conventions sera fixé par arrêté (C. trav., art. L. 5213-2-1, IV nouveau).
La loi du 8 août 2016 comporte quelques dispositions spécifiques en faveur des travailleurs handicapés du secteur protégé et adapté, c’est-à-dire ceux qui travaillent en établissement et service d’aide par le travail ou dans une entreprise adaptée (EA).
La loi définit les modalités de mise en œuvre du compte personnel de formation (CPF) dans les établissements et services d’aide par le travail.
Pour mémoire, instauré par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, le CPF permet, depuis le 1er janvier 2015, à toute personne en emploi et aux demandeurs d’emploi d’accumuler et d’utiliser des droits à la formation tout au long de leur carrière(5). Un décret devait venir fixer les mesures d’adaptation nécessaires à sa mise en œuvre pour les personnes handicapées accueillies en ESAT. Or ce texte n’est jamais paru. La loi « travail » abroge donc la disposition de la loi du 5 mars 2014 prévoyant la publication de ce décret et fixe directement les modalités d’alimentation, de mobilisation et de financement du CPF dans les ESAT.
Le compte personnel de formation du bénéficiaire d’un contrat de soutien et d’aide par le travail (équivalent du contrat de séjour dans les ESAT) est alimenté en heures de formation à la fin de chaque année et mobilisé par le titulaire ou son représentant légal afin qu’il puisse suivre, à son initiative, une formation. Le compte ne peut être mobilisé qu’avec l’accord exprès de son titulaire ou de son représentant légal (C. trav., art. L. 6323-33 nouveau).
L’alimentation du compte se fait à hauteur de 24 heures par année d’admission à temps plein ou à temps partiel dans un ESAT jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures, puis de 12 heures par année d’admission à temps plein ou à temps partiel, dans la limite d’un plafond total de 150 heures. Les heures ainsi inscrites sur le compte permettent à son titulaire de financer une formation éligible au CPF(6) (C. trav., art. L. 6323-34 nouveau).
La période d’absence de la personne handicapée pour un congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, d’adoption, de présence parentale, de soutien familial ou un congé parental d’éducation ou bien pour une maladie professionnelle ou un accident du travail est intégralement prise en compte pour le calcul de ces heures (C. trav., art. L. 6323-35 nouveau).
Lorsque la durée de la formation est supérieure au nombre d’heures inscrites sur le compte, celui-ci peut faire l’objet, à la demande de son titulaire ou de son représentant légal, d’abondements en heures complémentaires pour assurer le financement de cette formation. Ces heures complémentaires peuvent être financées par (C. trav., art. L. 6323-37 nouveau) :
→ un organisme collecteur paritaire agréé (OPCA) ;
→ les régions, lorsque la formation suivie par la personne handicapée est organisée avec leur concours financier ;
→ les entreprises, dans le cadre d’une mise à disposition par l’ESAT ;
→ Pôle emploi ;
→ l’Agefiph (Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées).
Les heures complémentaires mobilisées à l’appui d’un projet de formation sont mentionnées dans le compte sans y être inscrites. Elles ne sont pas prises en compte pour le calcul du plafond de 150 heures (C. trav., art. L. 6323-38 nouveau).
Lorsque la formation financée dans le cadre du compte personnel de formation est suivie pendant le temps d’exercice d’une activité à caractère professionnel au sein de l’ESAT, le travailleur handicapé doit demander l’accord préalable de l’établissement ou du service sur le contenu et le calendrier de la formation (C. trav., art. L. 6323-39 nouveau).
En cas d’acceptation par l’ESAT, le travailleur handicapé bénéficie pendant la durée de la formation du maintien de sa rémunération garantie et du régime de sécurité sociale en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles (C. trav., art. L. 6323-40 nouveau).
Les frais de formation sont pris en charge par l’OPCA dont relève l’ESAT(C. trav., art. L. 6323-41 nouveau).
Afin de financer les actions de formations suivies par les travailleurs handicapés dans le cadre de leur CPF, l’établissement ou le service d’aide par le travail doit verser à l’OPCA dont il relève une contribution égale à 0,2 % d’une partie forfaitaire de la rémunération garantie versée aux travailleurs handicapés concernés, dont le montant sera défini par décret (C. trav., art. L. 6323-36 nouveau).
L’Etat assure toutefois la compensation de cette contribution, compensation qui est calculée sur la base d’une assiette forfaitaire égale à l’aide au poste que reçoit l’ESAT (CASF, art. L. 243-6 modifié).
Mesure phare de la loi « travail », le compte personnel d’activité – qui regroupera, à compter de 2017, le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité(7) ainsi que le compte d’engagement citoyen que crée la loi(8) – sera ouvert pour toute personne d’au moins 16 ans accueillie dans un établissement et service d’aide par le travail (C. trav., art. L. 5151-2, 3° nouveau).
La loi « travail » élargit les cas dans lesquels une personne accueillie en ESAT qui conclut un contrat de travail peut bénéficier d’une convention passée entre son employeur, l’ESAT et un service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS), convention qui définit les conditions dans lesquelles le travailleur handicapé et son employeur reçoivent une aide de la part de l’ESAT et du SAVS pendant le déroulement de son contrat de travail.
Jusqu’à présent, ce conventionnement était possible uniquement si le travailleur handicapé était recruté en contrat à durée déterminée (CDD), en contrat d’accompagnement dans l’emploi ou en contrat initiative-emploi. Désormais, une convention peut être également conclue si le travailleur handicapé est embauché en (CASF, art. L. 344-2-5 modifié) :
→ contrat à durée indéterminée ;
→ contrat de travail temporaire ;
→ contrat d’apprentissage ;
→ contrat de professionnalisation.
En étendant à tout type de contrat de travail le bénéfice d’une convention tripartite entre l’ESAT, le travailleur handicapé et le SAVS, la loi « met fin à une rédaction peu adéquate, qui limitait ce suivi aux seuls travailleurs d’ESAT signataires d’un CDD ou d’un contrat aidé », soulignent les rapporteurs de la loi au Sénat (Rap. Sén. n° 661, juin 2016, Lemoyne, Gabouty et Forissier, page 446).
A titre expérimental, dans les branches dans lesquelles l’emploi saisonnier est particulièrement développé – déterminées par arrêté du ministre chargé du travail –, les entreprises adaptées peuvent, jusqu’au 31 décembre 2019, conclure un contrat de travail intermittent pour des emplois saisonniers même si aucune convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ou aucun accord de branche ne le prévoit (art. 87 de la loi). En principe, en effet, en vertu de l’article L. 3123-33 du code du travail, cette possibilité n’est ouverte que dans les entreprises couvertes par un de ces accords collectifs.
Le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel doivent avoir été informés de la conclusion de ces contrats de travail intermittents qui doivent indiquer que la rémunération versée mensuellement au salarié est indépendante de l’horaire réel et est lissée sur l’année (art. 87 de la loi).
Evoqué par le président de la République lors de la conférence nationale du handicap du 19 mai dernier(9), le regroupement des services chargés du placement et du maintien en emploi des personnes handicapées est inscrit dans la loi « travail » et entrera en vigueur le 1er janvier 2018.
Le texte étend ainsi la liste des missions des organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées, connus sous l’appellation « Cap emploi », au maintien dans l’emploi, en plus de l’accompagnement et du suivi durable des personnes handicapées dans l’emploi (C. trav., art. L. 5214-3 modifié).
Cet élargissement des compétences des Cap emploi « doit permettre le décloisonnement des dispositifs et des structures chargés de l’accompagnement dans l’emploi des personnes handicapées », explique le rapporteur (PS) de la loi à l’Assemblée nationale Christophe Sirugue. En effet, ces missions sont actuellement assumées par deux opérateurs différents :
→ les Cap emploi, composante du service public de l’emploi, principalement chargés des recherches d’emploi et de l’insertion des personnes handicapées ;
→ les services d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (Sameth), prestataires privés titulaires d’une délégation de service public, quant à eux chargés d’assurer le maintien dans l’emploi.
En unifiant ces compétences autour des Cap emploi, la loi « tend à rassembler sous une même instance une compétence déjà largement partagée dans les faits. Elle devrait ainsi faciliter les démarches des personnes handicapées, comme celles des entreprises », assure Christophe Sirugue (Rap. A.N. n° 3909, juin 2016, Sirugue, page 302).
(A noter) Corrélativement à l’extension des missions des Cap emploi, la loi complète l’article L. 5214-3 du code du travail relatif à l’affectation des ressources de l’Agefiph. Ainsi, à compter du 1er janvier 2018, les ressources de l’Agefiph seront affectées, notamment, à des mesures nécessaires à l’insertion professionnelle, au suivi durable et – ce qui est nouveau – au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés « dans l’objectif de favoriser la sécurisation de leurs parcours professionnels ».
La loi prévoit que, à compter du 1er janvier 2017 au plus tard, le salarié qui déclarera, lors de la visite d’information et de prévention organisée par le service de santé au travail, être considéré comme travailleur handicapé reconnu comme tel par la CDAPH ou être titulaire d’une pension d’invalidité, devra être orienté sans délai vers le médecin du travail et bénéficier d’un suivi individuel adapté à son état de santé(C. trav., art. L. 4624-1, al. 5 modifié).
(A noter) La visite d’information et de prévention remplacera l’actuelle visite médicale effectuée par le médecin du travail que doit subir chaque salarié avant son embauche ou dans les jours qui suivent. Elle devra être organisée après l’embauche du salarié, dans un délai qui doit encore être fixé par décret. Elle ne sera pas forcément pratiquée par le médecin du travail, mais pourra être réalisée par n’importe lequel des professionnels de santé membres de l’équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail (infirmier, internes en médecine du travail…) (C. trav., art. L. 4624-1 modifié).
Depuis le 10 août 2016, un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut majorer la durée des congés payés en raison du handicap des salariés (C. trav., art. L. 3141-10 modifié). Jusque-là, une majoration pouvait être prévue uniquement en raison de l’âge et de l’ancienneté des salariés.
La loi « travail » enrichit les missions du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) des entreprises afin de mieux prendre en compte la problématique des travailleurs handicapés.
Auparavant, l’article L. 4612-1 du code du travail énonçait que le rôle du CHSCT était de contribuer, d’une part, à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale et à la sécurité des travailleurs et, d’autre part, à l’amélioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliter l’accès des femmes à tous les emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité. Même si l’énoncé de ces missions couvre tous les salariés, et donc y compris ceux en situation de handicap, le législateur a, compte tenu de l’enjeu que représente l’emploi des personnes handicapées, souhaité prévoir expressément dans le code du travail que le CHSCT est chargé de « contribuer à l’adaptation et à l’aménagement des postes de travail afin de faciliter l’accès des personnes handicapées à tous les emplois et de favoriser leur maintien dans l’emploi au cours de leur vie professionnelle » (C. trav., art. L. 4612-1 modifié).
L’article L. 5213-6 du code du travail actuellement en vigueur prévoit l’obligation pour l’employeur de prendre « les mesures appropriées » pour permettre aux travailleurs handicapés « d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée ». Cette obligation vise à garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés. La loi du 8 août 2016 « complète cette obligation générale de l’employeur par une disposition consacrée à l’enjeu spécifique des logiciels installés sur le poste de travail », explique le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 3909, juin 2016, Sirugue, page 210).
Ainsi, à l’avenir, chaque employeur va devoir s’assurer que (C. trav. art. L. 5213-6 modifié) :
→ les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles ;
→ le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail.
Cette mesure entrera en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard 3 ans après la promulgation de la loi du 8 août 2016, soit au plus tard le 9 août 2019 (art. 56, II de la loi).
La loi « travail » ouvre la possibilité pour l’employeur d’accorder à un salarié une contrepartie sous forme de repos si le temps de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail est majoré du fait d’un handicap (C. trav., art. L. 3121-5 modifié).
L’objectif est de prendre en compte la situation spécifique des personnes handicapées pour lesquelles les temps de trajet entre leur domicile et leur lieu de travail peuvent être plus longs du fait des difficultés rencontrées dans la chaîne de déplacement, ce qui constitue un obstacle à une pleine intégration professionnelle.
La loi concrétise l’annonce faite par le gouvernement en début d’année : les personnes handicapées percevant l’allocation aux adultes handicapés (AAH) qui exercent une activité professionnelle en milieu protégé ou ordinaire peuvent bénéficier de la prime d’activité. Il en est de même des titulaires d’une rente d’accident du travail ou d’une pension d’invalidité qui travaillent.
Pour mémoire, la prime d’activité remplace, depuis le 1er janvier 2016, la prime pour l’emploi et le volet « activité » du revenu de solidarité active, et vise à compléter les ressources des travailleurs aux revenus modestes(10). Jusqu’à présent, n’étant pas considérées comme des revenus à caractère professionnel, l’AAH, la pension d’accident du travail et la pension d’invalidité n’étaient pas prises en compte dans le calcul de la prime d’activité. Et leur montant était même retranché de celui de la prime, écartant ainsi du dispositif de nombreux travailleurs handicapés.
La loi « travail » remédie à ce problème en prévoyant que, pour la détermination du droit à la prime d’activité des travailleurs handicapés, des invalides et des victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle atteints d’une incapacité permanente de travail, sont pris en compte en tant que revenus professionnels (code de la sécurité sociale [CSS], art. L. 842-8, I nouveau) :
→ l’allocation aux adultes handicapés ;
→ les pensions et rentes d’invalidité, ainsi que les pensions de retraite à jouissance immédiate liquidées à la suite d’accidents, d’infirmités ou de réforme, servies au titre d’un régime de base légalement obligatoire de sécurité sociale ;
→ les pensions d’invalidité servies au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre ;
→ la rente allouée aux personnes victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles.
Pour bénéficier de cette mesure, l’intéressé doit en outre avoir des revenus professionnels mensuels – hors prise en compte de l’AAH ou des pensions et rentes – s’élevant au moins à 29 fois le SMIC horaire (soit 280,43 € en 2016) (CSS, art. L. 842-8, II nouveau). Ainsi, deux situations sont à distinguer :
→ pour les personnes percevant des revenus d’activité inférieurs à 280,43€, l’AAH, la pension ou la rente continue d’être prise en compte comme prestation, et est donc déduite en totalité du montant de la prime d’activité ;
→ pour les personnes dont les revenus d’activité sont supérieurs à 280,43 €, l’AAH, la pension ou la rente est prise en compte comme revenu d’activité.
Selon le gouvernement, ce mécanisme doit permettre à la plupart des travailleurs handicapés de percevoir la prime d’activité.
Ces dispositions seront applicables à compter du 1er octobre 2016, sauf pour les allocataires de l’AAH pour lesquels l’entrée en vigueur est fixée rétroactivement au 1er janvier 2016 dès lors qu’ils déposent leur demande de prime d’activité avant le 1er octobre (CSS, art. L. 842-8, III et IV nouveaux).
(A noter) La loi prévoit que l’octroi de la prime d’activité aux travailleurs handicapés, aux personnes invalides et aux personnes victimes d’accidents du travail est aussi applicable à Mayotte depuis le 1er juillet 2016, selon des modalités spécifiques à ce département d’outre-mer. Par exemple, les intéressés devront justifier percevoir un montant de revenus professionnels au moins égal à 14 fois et demie le montant du salaire horaire minimum interprofessionnel garanti applicable à Mayotte (au lieu de 29 fois le SMIC horaire) (art. 99, II de la loi).
La loi du 8 août 2016 exclut la prime d’activité des ressources que les travailleurs handicapés doivent reverser, au titre des frais d’hébergement et d’entretien, à l’établissement ou au service qui les accueillent. Sont concernés les travailleurs handicapés hébergés dans un établissement ou service pour personnes handicapées (y compris un foyer d’accueil médicalisé) ou bien dans une structure de réadaptation, de préorientation et de rééducation professionnelle, à l’exception de ceux qui sont accueillis dans les établissements ou services destinés à recevoir les adultes handicapés n’ayant pu acquérir un minimum d’autonomie et dont l’état nécessite une surveillance médicale et des soins constants (CASF, art. L. 344-5 modifié).
Les frais d’hébergement et d’entretien de la personne handicapée accueillie dans une de ces structures sont en effet à sa charge, à titre principal(11). Cette contribution qui lui est réclamée ne peut toutefois faire descendre ses ressources au-dessous d’un minimum fixé par décret et par référence à l’AAH, différent selon qu’elle travaille ou non(12). Jusqu’à présent, à ce minimum, étaient ajoutés, le cas échéant, le montant des rentes viagères ou des intérêts versés à la personne handicapée en vertu d’un contrat d’assurance visé à l’article 199 septies du code général des impôts. Désormais, la prime d’activité vient aussi majorer le montant minimal de ressources laissé à la personne handicapée hébergée dans un établissement ou un service.
Emploi accompagné. Les personnes handicapées nécessitant un accompagnement médico-social pour s’insérer durablement dans le marché du travail, en particulier les travailleurs handicapés en ESAT ayant un projet d’insertion en milieu ordinaire de travail, peuvent, sur décision de la CDAPH, bénéficier d’un dispositif d’emploi qui comprend un soutien du salarié et de l’employeur assuré par une personne morale qui respecte les conditions d’un cahier des charges qui sera fixé par décret.
ESAT. La loi précise les modalités de mise en œuvre, dans les ESAT, du compte personnel de formation et ouvre aux personnes handicapées qu’ils accueillent le compte personnel d’activité qui regroupera, à partir du 1er janvier 2017, le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte d’engagement citoyen. Par ailleurs, elle élargit les cas dans lesquels une personne accueillie en ESAT peut bénéficier d’une aide assurée par un service d’accompagnement à la vie sociale.
Salariés handicapés. Plusieurs dispositions renforcent les droits des salariés handicapés comme, notamment, la mise en place d’un suivi médical spécifique, l’allongement de la durée de leurs congés payés par accord collectif ou encore la possibilité pour les employeurs d’accorder des repos supplémentaires si leur temps de trajet est majoré du fait d’un handicap.
Prime d’activité. Les travailleurs handicapés percevant l’AAH, une rente d’accident du travail ou une pension d’invalidité peuvent bénéficier de la prime d’activité dès lors que le montant mensuel de leurs revenus professionnels est au moins égal à 29 fois le SMIC horaire (280,43 €).
A titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2017, les demandeurs d’emploi qui disposent d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, notamment les moins qualifiés et les plus éloignés du marché du travail, peuvent conclure un contrat de professionnalisation en vue d’acquérir des qualifications autres que celles pour lesquelles un contrat de professionnalisation est en principe conclu (qualifications enregistrées dans le répertoire national des certifications professionnelles, reconnues dans les classifications d’une convention collective nationale de branche ou ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle de branche ou interbranche).
Il s’agit de permettre aux travailleurs handicapés au chômage d’acquérir « les compétences professionnelles identifiées par le salarié et l’employeur sans que celles-ci correspondent nécessairement aux qualifications professionnelles du contrat de professionnalisation » (Rap. A.N. n° 3909, juin 2016, Sirugue, page 277).
(2) Sur ce sujet, voir l’expérimentation menée par la Fegapei dans notre décryptage « “Emploi accompagné” : le retard français bientôt comblé ? », paru dans les ASH n° 2887 du 12-12-14, p. 32.
(5) Sur le compte personnel de formation, voir ASH n° 2907 du 24-04-15, p. 47.
(6) Les listes des formations éligibles sont disponibles sur
(7) Sur le compte « pénibilité », voir en dernier lieu ASH n° 2967 du 1-07-16, p. 39.
(8) Le compte d’engagement citoyen va permettre à tout un chacun de recenser ses activités bénévoles ou de volontariat pour acquérir des heures à inscrire sur son CPF ou de bénéficier de jours de congé destinés à l’exercice de ces activités.
(10) Sur la prime d’activité, voir ASH n° 2962 du 27-05-16, p. 55.
(11) Le surplus éventuel des frais d’hébergement et d’entretien est pris en charge par l’aide sociale.
(12) Ce montant minimal est fixé à 30 % de l’AAH si la personne handicapée ne travaille pas (soit 242,54 € depuis le 1er avril 2016) et à 50 % de l’AAH si elle travaille (soit 404,23 € depuis le 1er avril 2016).