A l’occasion de la journée mondiale Alzheimer, le 21 septembre, l’association France Alzheimer et maladies apparentées a remis à Pascale Boistard, secrétaire d’Etat chargée des personnes âgées et de l’autonomie, un livre blanc intitulé « Plaidoyer pour les aidants en activité professionnelle »(1). Ils seraient aujourd’hui 4 millions dans cette situation, soit 47 % des 8,3 millions de personnes aidant un proche dépendant et 15 % des salariés en France (23 % chez les plus de 50 ans). Ce nombre sera, dans les décennies à venir, « statistiquement multiplié » en raison de divers facteurs (vieillissement de la population, prévalence accrue des maladies chroniques, probable recul de l’âge de départ à la retraite).
« Face à ces enjeux, le rôle de l’entreprise, voire même sa responsabilité, sont à reconsidérer, estime France Alzheimer. Elle apparaît désormais comme un partenaire, autant légitime qu’incontournable, des familles et des pouvoirs publics dans la politique de lutte contre la perte d’autonomie. » Les entreprises doivent ainsi se saisir de la problématique des aidants actifs, « tant pour des raisons de performance que de bien-être au travail ». Le rôle d’aidant peut en effet avoir de fortes conséquences sur l’activité professionnelle quotidienne (absentéisme, moindre implication, baisse de la productivité…). En outre, « l’accompagnement des salariés confrontés à la nécessité de cumuler vie professionnelle et rôle d’aidant participe d’une démarche de responsabilité sociale de l’entreprise ».
Or, jusqu’ici, que ce soit dans le « cadre légal et les initiatives privées », les problèmes rencontrés par les aidants actifs ne trouvent que des « réponses incomplètes », qui doivent être « renforcées ». En dépit de quelques dispositifs (congés de proche aidant et de solidarité familiale) et d’avancées, notamment dans le cadre de la loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV), la législation française en faveur des aidants est « encore trop timide ». Par ailleurs, « si légiférer sur le sujet des aidants actifs permet de garantir à ces derniers le bénéfice de réponses normées, la diversité des situations et la souplesse que nécessite la prise en compte des situations particulières imposent que, au-delà de l’application de la loi, les entreprises sachent proposer des réponses innovantes et adaptées », souligne France Alzheimer. Les employeurs peuvent ainsi mettre en œuvre des « dispositifs facilitateurs » dans la gestion quotidienne de l’activité des aidants (aménagement des horaires, conversion de jours de congé et de RTT dans le cadre du compte épargne temps…) et dans l’amélioration de leurs droits dans les cas d’interruption de leur activité professionnelle (élargissement des autorisations d’absences ponctuelles, complément de revenus dans le cadre du congé de proche aidant qui ne donne lieu à aucune rémunération…). « Tout l’enjeu pour les entreprises est d’agir sur l’ensemble des conséquences de l’interruption de travail, qu’elles soient financières, professionnelles ou sociales, et d’en atténuer les effets pour, in fine, mettre en place les conditions d’un vrai choix pour les aidants. » Le livre blanc revient également sur l’importance de la qualité de vie au travail et le fait de favoriser le bien-être de l’aidant au sein de l’entreprise. France Alzheimer donne ainsi quelques exemples d’« initiatives solidaires » repérées dans des entreprises (plate-forme de services pour aidants salariés, dons de jours de repos…).
L’association pointe, au-delà, la nécessité d’une approche globale car la thématique des aidants actifs concerne la société tout entière et s’inscrit dans un système qui doit, « dans son ensemble, faciliter la nécessaire conciliation entre rôle d’aidant et vie professionnelle ». Elle plaide dans ce cadre pour l’adoption d’une « approche décloisonnée sans laquelle il semble difficile d’apporter des réponses efficaces. En effet, comment permettre à l’aidant de prendre du temps si aucune structure de répit ne peut accueillir son proche malade ? Comment lui permettre de venir en aide à celui-ci si l’interruption de son activité professionnelle va de pair avec une suspension de ses revenus ? », illustre France Alzheimer. Elle constate que, parmi les améliorations possibles, une constante se retrouve : « la recherche d’une plus grande équité de traitement ». Par exemple, les conditions de rémunération du proche aidant sont moins restrictives dans le cadre de la prestation de compensation du handicap (PCH) que dans celui de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Des constats qui ont conduit France Alzheimer à faire des propositions autour de quatre axes. Tout d’abord, il s’agit de « mieux communiquer pour favoriser un changement de regard sur les aidants actifs » (campagne nationale, information des aidants sur leurs droits, sensibilisation des autres salariés et de la médecine du travail…). Puis, il faut « agir sur les conséquences financières d’une éventuelle suspension de travail et favoriser la continuité de carrière des aidants » en améliorant les droits à la retraite pour les périodes d’interruption de l’activité professionnelle, en encourageant les entreprises, « par des incitations fiscales, à améliorer les droits financiers des aidants » ou en rendant possible la rémunération de l’aidant par l’APA, quel que soit le lien de parenté avec la personne malade. Ensuite, « favoriser la bonne santé au travail et répondre au besoin de temps en permettant le répit de l’aidant ». Enfin, il faut encourager les entreprises à réfléchir aux moyens de mieux accompagner leurs salariés aidants via la formalisation d’accords d’entreprise ou d’accords de branche pour faciliter la mise en place de mesures de conciliation de l’activité professionnelle avec ce rôle, l’intégration de la formation des aidants dans le plan de formation de l’entreprise et la sensibilisation des cadres à ces enjeux. Autant de mesures qui ont davantage vocation à être des « pistes de réflexion », souligne Joël Jaouen, président de France Alzheimer, en préambule du livre blanc. En effet, face à la diversité des situations, l’association appelle « à réfléchir collectivement » afin de trouver des « réponses globales et innovantes » aux besoins des actifs aidants.
Dans un rapport présentant les résultats de la deuxième vague de l’enquête PATED (préférences et patrimoine face au temps et au risque dépendance), la Fondation Médéric-Alzheimer tente de mieux comprendre les comportements de souscription (et de non-souscription) à une assurance dépendance. L’un des objectifs a consisté à étudier, « davantage que dans PATED 1, les relations entre la responsabilité individuelle et la responsabilité familiale ». Les auteurs se sont intéressés au lien entre la demande d’assurance dépendance, les configurations familiales et la perception de ces solidarités familiales. L’étude montre en effet que les comportements de couverture face au risque dépendance sont étroitement liés aux ressources familiales en aide informelle et la manière dont celles-ci « sont anticipées par les individus ». Par ailleurs, « les personnes interrogées attendent davantage d’aide de leur conjoint(e) que de leurs enfants, qu’elles souhaitent préserver ».
(1) Consultable sur