Une grande maison, un jardin luxuriant, un potager et même quelques poules. Installés au nord de Nantes, Françoise et Jean-Pierre Jan, deux retraités de 70 ans, ont toujours eu l’habitude d’accueillir du monde. Pendant une dizaine d’années, ces parents de quatre enfants, âgés aujourd’hui de 36 à 45 ans, ont notamment accueilli des étudiants étrangers venus passer une année scolaire à Nantes. Françoise est également très investie dans la vie associative. Un militantisme en faveur des plus fragiles qu’a renforcé la maladie rare (la trisomie 9) dont est atteinte depuis sa naissance l’une de leurs filles. « On s’est toujours battus pour l’inclusion de celle-ci, raconte sa mère. On a monté la première classe d’intégration à Nantes. Aujourd’hui, notre fille vit dans une structure innovante qui accueille des retraités et des adultes handicapés. »
En 2012, quand le couple apprend que l’association Aurore recherche des « familles relais » pour accueillir des personnes malades, il n’hésite pas. « C’est une manière de rencontrer des gens différents et de partager des expériences de vie », confie Françoise Jan, qui n’a pas l’impression de « concurrencer » les travailleurs sociaux. « Nous n’avons pas du tout la même relation avec les gens. Nous, on vit avec eux et on leur laisse une grande liberté. » Le couple a déjà accueilli sept personnes en quatre ans, pour des durées variables (six mois d’accueil au maximum, renouvelables une fois).
Depuis mai dernier, ils ont ouvert leur porte à Alain, 50 ans, en cours de guérison d’une hépatite C. « L’an dernier, j’ai fait un malaise sur mon lieu de travail, raconte ce plombier-chauffagiste. Je suis allé à l’hôpital où on a découvert mon hépatite. J’avais vécu avec pendant des années sans le savoir. Cela a été un vrai coup de massue. » Après plusieurs mois de traitement et un divorce, Alain s’est trouvé sans solution d’hébergement alors qu’il avait grand besoin de repos. L’assistante sociale du CHU l’a orienté vers l’association Aurore. « Etre ici m’apporte beaucoup de calme et de sérénité, confie ce père de trois enfants. C’est l’occasion de se reconstruire pour repartir sur de bonnes bases. »
En attendant de retrouver du travail et un logement, Alain participe à la vie de la maison, partage les repas et les conversations. « Il nous a réparé des tas de choses et s’occupe du jardin, apprécie Françoise Jan. Il a juste sa télévision dans sa chambre car nous n’avons pas les mêmes goûts ! » Tous les mois, le couple reçoit la visite de Claudie, coordinatrice de l’association Aurore, pour s’assurer que tout va bien et que le projet d’Alain avance. Les familles relais sont également réunies trois fois par an, et ont accès à un psychologue et des médecins spécialistes du VIH.
En quatre ans, le couple a assisté à de belles trajectoires. « Nous avons accueilli une maman africaine avec sa fille. Elle était très déprimée et sortait peu de sa chambre, témoigne Jean-Pierre Jan. A la fin du séjour, elle s’est métamorphosée et elle a trouvé un logement. On garde de temps en temps sa fille, qui nous appelle papi et mamie ! » En Afrique ou en Amérique latine, le VIH est encore tabou. « Nous avons accueilli une Africaine porteuse du virus qui avait été éjectée sur le quai d’une gare par une amie », racontent-ils, évoquant aussi le cas d’une Chilienne osant pas annoncer sa séropositivité à sa propre mère. Alain, lui, a l’impression de reprendre prise sur sa vie : « Les problèmes de foie influent sur l’humeur et j’ai longtemps été déprimé. Maintenant, dès que j’ai une baisse de moral, il suffit de me dire de positiver pour que je me reprenne. »