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Le SAMU social de Paris veut mieux prendre en charge la souffrance psychique

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Une étude réalisée dans les LHSS du SAMU social de Paris en 2015 a mis en lumière le besoin de réponses aux troubles psychiques et psychiatriques des personnes accueillies. Un élément déclencheur qui a débouché sur un renforcement de la prise en charge dans ce domaine.

Une sorte de « go-between » – d’intermédiaire – entre le SAMU social et les acteurs de la psychiatrie parisienne : c’est ainsi que Gérard Massé, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, décrit son rôle au sein du service d’urgence sociale où il travaille à mi-temps depuis janvier dernier. Les résultats d’une enquête menée par l’Observatoire du SAMU social de Paris au cours de l’été 2015 et finalisée en novembre de la même année ont constitué un élément déclencheur de son recrutement. Cette enquête exploratoire réalisée à jour donné avait pour objectifs d’estimer la fréquence des troubles psychiques chez les personnes hébergées dans les lits halte soins santé (LHSS) du SAMU social, de mieux connaître la nature de ces troubles, leur mode de prise en charge actuel et les éventuels besoins en matière de suivi spécialisé(1).

Tableaux complexes

Au total, parmi les 163 patients hébergés le jour de l’enquête (le 4 août 2015) dans les 170 LHSS, « près de 60 % présentaient un problème psychiatrique et/ou neuropsychiatrique, confirmé (plus d’un patient sur trois) ou suspecté (un patient sur quatre) », tandis que « pour 10 % supplémentaires, était identifiée une souffrance psychique non qualifiée de trouble psychiatrique mais nécessitant un traitement psychotrope et/ou l’intervention de ressources spécialisées », peut-on lire dans le rapport d’enquête. « C’était quelque chose qui était subodoré mais pas objectivé, témoigne le docteur Abdon Goudjo, directeur du pôle médical et soins du SAMU social de Paris. C’est la raison pour laquelle cette enquête a été diligentée. » Plus précisément, celle-ci a révélé que « 5 % des patients présentaient des tableaux complexes associant soit démence et troubles psychotiques avérés, soit addictions et troubles psychotiques avérés ou suspectés ». Par ailleurs, des troubles neuropsychiatriques prédominaient, ou étaient suspectés, pour près d’un quart d’entre eux, 12 % présentaient des troubles psychotiques, 11 % des troubles anxieux et/ou dépressifs et 13 % souffraient d’addictions. Enfin, « 7 % des patients n’avaient pas de trouble spécifié mais nécessitaient un recours à une “équipe mobile psychiatrie précarité” et/ou un soutien par un psychologue ». Pour compléter ces données, Gérard Massé, qui a participé à l’enquête en tant que consultant, a rencontré une dizaine de patients hébergés dans des lits halte soins santé du SAMU social et a, pour chacun d’eux, rédigé une « vignette clinique ». Autant de cas illustrant « très concrètement l’intrication des troubles psychiques, des problèmes somatiques et sociaux et de la consommation d’alcool ».

Délais rédhibitoires

Lorsque les patients hébergés en LHSS présentent des troubles psychiques ou psychiatriques, ils peuvent être orientés vers d’autres structures spécialisées (centres médico-psychologiques, centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie), s’ils disposent d’une couverture maladie notamment. Si ce n’est pas le cas, « les équipes des LHSS peuvent en théorie faire appel au réseau psychiatrie et précarité, ou adresser la personne à la PASS [permanence d’accès aux soins de santé] psychiatrique, mais ces recours sont dans les faits très rares »,écrit Françoise Riou, auteure de l’étude. Ces ressources, et a fortiori d’autres encore plus spécifiques, « sont saturées, et les délais d’accès sont parfois rédhibitoires par rapport aux durées de séjour envisagées dans les LHSS ». Au final, le plus souvent, les équipes du SAMU social assurent elles-mêmes la prise en charge. « Or les médecins référents des LHSS n’ont pas de compétences spécialisées en psychiatrie ou addictologie et les ressources spécialisées auxquelles [les équipes] peuvent faire appel, en interne ou via des partenariats fonctionnels, sont actuellement une denrée rare. » En effet, au moment de la finalisation de l’enquête, un psychiatre du secteur assurait une consultation mensuelle dans le LHSS Saint-Michel où un infirmier du même secteur intervenait une fois tous les 15 jours, tandis qu’une gérontopsychiatre assurait une consultation hebdomadaire dans le LHSS Jean-Rostand. Mais les autres structures de ce type ne disposaient d’aucune ressource spécifique.

Si la méthode d’enquête choisie – réalisée sur un jour donné – surestime « très probablement » l’importance des problèmes de santé mentale dans la population accueillie en lits halte soins santé par rapport aux résultats d’une approche analysant l’ensemble des séjours d’une année, « elle permet cependant d’apprécier très concrètement leur place dans le vécu quotidien des professionnels » et le besoin de ces derniers d’être étayés dans leur pratique. C’est l’une des missions de Gérard Massé. « L’enquête a participé à la prise de conscience très nette des équipes que des besoins existaient dans ce domaine et qu’il y avait un déficit de réponses », souligne le psychiatre. Son intervention « permet d’émettre des avis utiles dans nos six centres LHSS, explique de son côté Abdon Goudjo. Il conseille les cadres responsables de ces centres et les médecins généralistes qui y tiennent des consultations, assure le suivi de personnes atteintes de pathologies psychiques ou psychiatriques cliniques, en oriente certaines vers des structures psychiatriques, notamment via le CPOA [centre psychiatrique d’orientation et d’accueil] », le service d’urgence psychiatrique régional.

Gérard Massé participe également à deux maraudes par mois et s’apprête à lancer en octobre une action de formation interne afin de permettre aux personnels du SAMU social d’acquérir une culture psychique et psychiatrique plus importante. « L’idée est de proposer une dizaine de cours, à raison d’une séance par mois, avec à chaque fois une présentation de cas cliniques et l’intervention d’un professionnel de la psychiatrie (pédopsychiatre, urgences…) », détaille le psychiatre. « Tout l’enjeu de l’intervention de Gérard Massé est d’apporter une meilleure qualité des soins aux personnes hébergées chez nous », complète Abdon Goudjo. Qui indique que le SAMU social de Paris envisage l’ouverture d’une unité Korsakoff, du nom de ce syndrome de nature neurologique se manifestant par des troubles cognitifs et qui touche essentiellement les personnes alcooliques.

Notes

(1) Enquête à télécharger sur goo.gl/Ko3Dqk.

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