« La grande désillusion » : tout est dit dans le titre de l’analyse publiée le 24 août par Autisme France à propos des pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE). Leur création avait été annoncée officiellement lors du comité national autisme du 21 avril dernier par la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Ségolène Neuville(1). L’un des objectifs de ces PCPE, dont le développement s’inscrit dans le cadre de la démarche « Une réponse accompagnée pour tous », est de financer l’intervention de professionnels libéraux (principalement des psychologues et des éducateurs spécialisés), dont le coût reste actuellement à la charge des familles. Un dispositif qui répond à une revendication « ancienne » des familles, rappelle Autisme France, et dont la mise en œuvre a logiquement suscité beaucoup d’espoirs. Malheureusement en partie douchés à la lecture de la circulaire du 12 avril 2016 qui détaille le cahier des charges des PCPE(2). « Cette circulaire est une caricature », dénonce Danièle Langloys, présidente d’Autisme France. Principal grief de l’association : selon les termes de l’instruction, les appels à candidatures pour la mise en œuvre de ces pôles de compétences font la part belle au secteur médico-social et aux grosses associations gestionnaires généralistes qui ne sont pas, selon Autisme France, compétentes en matière d’autisme. Elle pointe ainsi l’écueil de voir naître des pôles adossés à des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) : « ce n’est pas ce que veulent les familles », écrit Danièle Langloys dans l’analyse rédigée au nom d’Autisme France, expliquant que ces dernières se tournent vers des intervenants libéraux parce qu’elles ne trouvent pas de réponse adaptée dans les ESMS. Et rappelle que les associations n’ont « jamais demandé que les pôles de compétences soient des compléments au médico-social », mais au contraire qu’ils constituent une réponse autonome. « Nous souhaitions que le pôle de compétences puisse devenir un vrai choix, pérenne, pour les familles, qui ne dépende que d’elles. » Or il est prévu que l’accès de ces pôles se fasse par le biais d’une notification de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Ce « verrouillage par la MDPH est le contraire de ce que nous avons demandé », déplore l’organisation. Celle-ci attendait au contraire « que les associations de familles aient l’initiative de ces pôles, spécifiques autisme, pour choisir les professionnels libéraux déjà recrutés par les familles, comme l’affirmait la ministre ». Sans compter qu’avec l’obligation de solliciter la MDPH, « les familles devront attendre des mois avant d’avoir une réponse très partielle et non pérenne, si elles en obtiennent une ».
Si les PCPE n’ont jamais eu vocation à cibler en priorité les personnes autistes, Danièle Langloys souligne que le manque de réponses adaptées concerne principalement ce public. Elle pointe par ailleurs le « couac » gouvernemental sur ce dossier : « Il ne fallait pas faire cette annonce lors du comité autisme. Les familles ont pensé que la solution serait apportée par ces pôles, que leurs frais d’intervenants seraient remboursés, c’est un immense malentendu. » Avant de souligner que l’instruction de la direction générale de la cohésion sociale était prête avant même la tenue du comité…
Autre sujet de déception : à ce jour, seules trois agences régionales de santé (ARS) ont lancé des appels à candidatures pour la constitution de PCPE(3), sur la base du cahier des charges défini dans la circulaire. « Et il n’y a que celle d’Auvergne-Rhône-Alpes qui a eu l’idée d’ouvrir un pôle de compétences dédié à l’autisme », glisse Danièle Langloys. Son association émet également des critiques sur le financement des PCPE, la circulaire évoquant notamment, en plus d’une partie des 15 millions d’euros alloués au titre de la prévention des départs en Belgique, « des reliquats non pérennes non affectés aux groupes d’entraide mutuelle et aux MAIA [méthodes pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie] ». « Nous sommes sidérés d’apprendre, alors que la situation sur le terrain reste insupportable, qu’il y a des reliquats du plan autisme à utiliser : où sont ces reliquats ? Sur quel axe du plan ? Pourquoi ? En tout état de cause, ces reliquats ne sont pas évoqués dans les cahiers des charges des trois appels à candidatures existants », s’insurge France Autisme.
« Rien ne garantit que les professionnels choisis par les familles seront financés par les pôles », écrit-elle en conclusion de l’analyse qu’elle a adressée aux pouvoirs publics, Ségolène Neuville en tête. Avec d’autres questions en suspens : « Qui va assurer la mission de régulation des pôles ? Qui les familles mécontentes pourront-elles joindre ? Qui fera l’évaluation prévue ? » Au final, il s’agit d’une « occasion manquée », déplore Danièle Langloys.
(3) Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne et Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.