Homme de convictions et de terrain, Jean Blocquaux, qui fut de tous les engagements du travail social, s’est éteint le 25 août, à l’âge de 76 ans. Avant que son parcours ne le mène dans la sphère politique, il avait embrassé, à un peu plus de 20 ans, une carrière d’éducateur spécialisé. C’est ainsi qu’il s’engage très tôt auprès des adolescents en difficulté, notamment en créant en 1962 à Paris, avec le père Jaouen, un foyer pour jeunes sortants de prison. Avec son épouse Monique, éducatrice elle aussi, il crée en 1976, dans les Yvelines, le premier service d’accueil d’urgence pour adolescents. En 1982, il commence son action administrative et politique en rejoignant le cabinet de Georgina Dufoix, secrétaire d’Etat à la famille, où il mène avec Jean-Pierre Rosenczveig, alors conseiller technique, l’opération « anti-été chaud » à la suite des émeutes de la banlieue lyonnaise de 1981. Il appuie en haut lieu l’organisation de la « marche des beurs ». « Il était sur l’ensemble des fronts, toujours avec la même rigueur et le même professionnalisme, dit de lui l’ancien juge des enfants, son vieux complice auprès des enfants malmenés par la vie. Jean avait des réflexions politiques à la hauteur de ses pratiques et des pratiques en conformité avec ses convictions. » Et rappelle, entre autres initiatives de Jean Blocquaux, « la rédaction d’un premier texte sur le RMI et le soutien aux femmes battues ».
Deux ans après être devenu le directeur de cabinet d’Hélène Dorlhac de Borne, secrétaire d’Etat chargée de la famille, auprès de qui il participe à l’élaboration de la loi de 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance, l’ancien éducateur quitte son poste sur fond de désaccord avec le gouvernement Rocard sur la politique du logement. A l’inspection générale des affaires sociales, il devient médiateur dans le conflit qui oppose en 1991 l’Etat aux assistants de service social qui réclament… la reconnaissance de leur diplôme au niveau II. Celui qui fut, en tant que militant, l’un des négociateurs de la convention collective du 15 mars 1966, rédige un rapport sur la rénovation des conditions d’exercice des professionnels de l’action sociale. « Depuis le rapport Bianco-Lamy en 1979, il n’y a pas eu de réflexion globale et politique sur le travail social. On empile les lois sans réfléchir aux ouvriers qui travaillent le produit. Comment, dans ces conditions, peut-il se réadapter aux nouvelles problématiques ? », confiait-il en 2006 aux ASH (voir ASH magazine n° 14 du 7-04-06, page 6). En 2000, ce fervent serviteur de l’Etat prend la tête de la Commission nationale consultative des gens du voyage jusqu’en 2005, date à laquelle il cosigne un rapport sur les mineurs isolés, qui prédisait déjà « la présence sans doute pérenne » de ce public sur le territoire et appelait à une « clarification des positions institutionnelles ». Egalement engagé sur les sujets de coopération internationale – il s’est personnellement investi dans l’aide aux victimes de l’agent orange au Vietnam –, il s’attelait la même année à la création d’une inspection générale des affaires sociales en Roumanie.
Malgré la maladie, l’inspecteur général honoraire des affaires sociales n’a pas baissé sa garde. Il était notamment président de Coordination Toxicomanies, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, et membre du conseil d’administration de l’association Aurore. Il avait rencontré cette dernière en lui proposant d’intégrer la structure de soins de personnes en addictions créée par Kate Barry, dans l’Aisne. « C’était quelqu’un de très engagé et de très humain. Il gardait, malgré son parcours, un regard d’éducateur avec beaucoup de recul et beaucoup d’empathie », se souvient Eric Pliez, directeur général d’Aurore.