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Souvenirs de la « dame de Venise »

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Au départ, il y a ce qui s’annonçait comme une magnifique promenade avec un petit garçon à travers les canaux de la cité des Doges, sa place Saint-Marc, ses palais, son pont des Soupirs… Puis il y a cette rencontre au pied de la basilique Saint-Marc. Ou plutôt une vision, qui crée l’effroi et va hanter la narratrice tout au long de ce petit récit « écrit comme si cela devait permettre de sauver la vie de quelqu’un. Probablement la mienne ». Cette vision, c’est celle de ce « tas de chiffons » qu’Isabelle Desesquelles appelle « Madame » et qui « n’a pas forme humaine mais a un bras qui le prolonge, plaqué au sol, tout du long, paume ouverte vers un ciel aveugle ». Rétive à toute forme d’angélisme, avouant avoir jusqu’ici « croisé la pauvreté » sans s’y arrêter, l’auteure prend à bras le corps toute la violence qui émane de cette image d’une mendiante « crucifiée. Clouée à [son] pavé ». Une violence vécue à hauteur de cet enfant qui l’accompagne, cet enfant confronté aujourd’hui quotidiennement à la misère qui, « comme lui, va grandir », jusqu’au « moment où elle le dépassera ». Dans Les âmes et les enfants d’abord, Isabelle Desesquelles se débat avec ses propres peurs, cherche à aller au bout de ses propres contradictions, tiraillée – comme beaucoup – entre les sentiments de rage, de culpabilité, d’impuissance et de rejet, pour tenir cette promesse qu’elle avait faite, trois ans auparavant sur la place Saint-Marc, de ne pas laisser la « dame de Venise » sombrer dans l’oubli, dans l’indifférence. Notre indifférence.

Pour approcher la folie et l’inhumanité d’un monde où « une crème de beauté au caviar coûte de quoi nourrir cinquante familles obligées de remplir leur Caddie avec dix euros », Isabelle Desesquelles appelle à l’aide quelques grandes figures tutélaires, convoque tour à tour Camus, Emily Brontë, Andersen, l’univers poétique de Miyazaki ou Les misérables de Victor Hugo. Ces « misérables », dont « on dirait qu’ils font habituellement bloc avec les ténèbres […], qu’ils n’ont pas d’autres âmes que l’ombre »… Les âmes et les enfants d’abord résonne comme un long cri appelant à sortir de l’ombre les êtres recouverts de haillons qui peuplent nos trottoirs, nos rues, nos villes.

Les âmes et les enfants d’abord

Isabelle Desesquelles – Ed. Belfond – 10 €

Culture

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