Le village des enfants abandonnés

En 1911, Camille Genet, femme de chambre célibataire, confie Jean, son fils de 6 mois, à l’Assistance publique. Celui-ci est placé chez les Régnier, à Alligny-en-Morvan (Nièvre). Vers l’âge de 10 ans, il commence à voler puis à fuguer. A 12 ans, il est envoyé dans une école de typographie, dont il s’enfuit. En 1926, à seulement 15 ans, il est placé à la colonie pénitentiaire de Mettray (Indre-et-Loire). Ainsi commencent les jeunes années de celui qui deviendra le célèbre poète et auteur des Bonnes. Son histoire est racontée sur l’un des tableaux du musée des Nourrices et des enfants de l’Assistance publique d’Alligny-en-Morvan, inauguré en juin dernier.

Pour rendre compte de ce pan de l’histoire de l’Assistance publique, une succession de petites maisons, de tailles et de formes variées, s’ouvre aux visiteurs. Chacune aborde un thème particulier. On chemine dans l’exposition comme à l’intérieur d’un village, dans un parcours où s’entremêlent données historiques et témoignages sonores et visuels plus intimes. Pourquoi ouvrir un tel musée dans le Morvan ? Parce que l’histoire des nourrices et des enfants placés a façonné l’identité du territoire : depuis la fin du XVIII^e siècle, elle a concerné plusieurs dizaines de milliers d’enfants. L’activité nourricière représentait pour les familles une source de revenus complémentaire à l’agriculture. Celles qu’on appelait alors les « nourrices sur place » accueillent des enfants placés par leurs parents, mais aussi les enfants des hospices régionaux et parisiens. En parallèle, de nombreuses jeunes mères partent dans des familles bourgeoises se placer comme « nourrices sur lieu ». Raconter cette histoire aujourd’hui, c’est prendre en compte la complexité d’un phénomène qui implique de nombreux acteurs : l’Etat et les collectivités territoriales à travers l’administration publique, les familles d’origine, les familles d’accueil, les nourrices, et enfin les enfants. En toile de fond, se dessinent les évolutions de la société sur la parentalité, l’abandon, les mœurs…

L’écomusée d’Alligny-en-Morvan est un lieu de mémoire, mais aussi un lieu ressources pour les professionnels de l’enfance et les particuliers souhaitant effectuer des recherches généalogiques.