Adoptée plus de un an après le début de son parcours parlementaire, la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant entend lever les obstacles au déploiement de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, à savoir, selon son exposé des motifs : de fortes disparités territoriales, l’absence de pilotage national, l’insuffisance de la formation des professionnels, le manque de coopération entre les secteurs d’intervention, le retard dans le développement de la prévention, la prévalence du maintien du lien familial biologique à tout prix dans les pratiques professionnelles… Elle comporte pour cela trois axes principaux : améliorer la gouvernance de la protection de l’enfance, sécuriser le parcours des enfants pris en charge et adapter le statut de l’enfant placé sur le long terme. Porté par la sénatrice (PS) Michelle Meunier – à la fois instigatrice mais aussi rapporteure du texte – et l’ancienne sénatrice (UDI-UC) Muguette Dini, le texte fait suite au rapport d’information que les deux élues ont rédigé en 2014 au nom de la commission des affaires sociales du Sénat(1). Sans surprise, il reprend donc certaines de leurs 50 propositions, telles que la création d’un Conseil national de la protection de l’enfance. Rappelons que la loi s’inscrit également dans une réforme plus large de la protection de l’enfance au travers de la feuille de route 2015-2017 du ministère de la Famille(2).
Création d’un Conseil national de la protection de l’enfance, redéfinition du périmètre de l’observation… Plusieurs mesures de la loi visent à améliorer la coordination nationale de la protection de l’enfance et à harmoniser les réponses adoptées sur l’ensemble du territoire.
La loi institue, auprès du Premier ministre, un Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) chargé de proposer au gouvernement les orientations nationales de la politique de protection de l’enfance, de formuler des avis sur toute question s’y rattachant et d’en évaluer la mise en œuvre. Afin d’améliorer la cohérence et la coordination des politiques de la protection de l’enfance, cette nouvelle instance doit également promouvoir une convergence des politiques menées au niveau local, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales (code de l’action sociale et des familles [CASF], art. L. 112-3 modifié).
« Réunissant l’ensemble des acteurs, le CNPE doit permettre de donner une impulsion nationale à la protection de l’enfance par le biais de propositions et d’avis, et d’améliorer l’évaluation des orientations ainsi définies. Il doit se substituer à deux comités qui ne se réunissent plus : le comité technique de la prévention spécialisée [CTPS](3) et le comité interministériel de l’enfance maltraitée(4) », indique la sénatrice Michelle Meunier (Rap. Sén. n° 146, Meunier, décembre 2014, page 23).
Ses missions, sa composition et ses modalités de fonctionnement seront définies par décret (CASF, art. L. 112-3 modifié).
L’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) change de nom et devient l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) (CASF, art. L. 226-3-1, L. 226-6, L. 226-9 et L. 226-10 modifiés).
L’objectif est d’« adapter la dénomination de l’Observatoire national pour la rendre plus cohérente avec le dispositif d’observation départemental », selon l’exposé des motifs de la loi. Autrement dit, « cette modification doit permettre de mieux identifier la tête de réseau des observatoires départementaux de la protection de l’enfance [ODPE] ». Elle traduit également la « volonté de dépasser la problématique de l’enfance en danger pour privilégier celle, plus large, de la protection de l’enfance », conformément aux orientations de la loi du 5 mars 2007, souligne la rapporteure (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, Annie Le Houerou (Rap. A.N. n° 2744, Le Houerou, mai 2015, page 48).
Rappelons que l’ONPE et le Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (Snated) constituent les deux entités du groupement d’intérêt public « enfance en danger ». Leurs missions, définies par l’article L. 226-6 du code de l’action sociale et des familles, ne sont pas modifiées par la loi.
La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a défini le périmètre de l’observation en protection de l’enfance en lien avec la notion d’informations préoccupantes, en prévoyant que ces dernières doivent être transmises, sous forme anonyme, aux ODPE et à l’ONED (rebaptisé ONPE). Pour mémoire, la nature et les modalités de transmission de ces informations ont été fixées par un décret du 28 février 2011(5).
Or, ce dispositif empêche « une observation exhaustive de la population visée » pour plusieurs raisons, explique Annie Le Houerou (Rap. A.N. n° 2744, Le Houerou, mai 2015, page 49) :
→ tout d’abord, « les départements font une interprétation très variable de la notion d’information préoccupante » ;
→ « un certain nombre de mesures de protection de l’enfance sont en outre mises en place en dehors du cadre posé par cette notion » ;
→ enfin, ces règles « ne permettent pas non plus de suivre le parcours des jeunes majeurs bénéficiant d’une aide au titre de la protection de l’enfance ».
Soulignant qu’« un nombre important d’enfants font l’objet en même temps ou successivement de mesures de protection de l’enfance et de mesures prévues par l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante », la rapporteure estime en outre que « l’intégration des données de prise en charge éducative dans le cadre pénal, produites par le ministère de la Justice, dans la base de données de l’ONPE, doit permettre de mieux suivre le parcours des jeunes de l’aide sociale à l’enfance » (J.O.A.N. n° 58 [C.R.] du 13 mai 2015, page 4494).
La nouvelle loi a donc élargi le périmètre de l’observation :
→ d’une part, à toute mesure de protection de l’enfance, administrative ou judiciaire, hors aides financières, et en incluant celles qui concernent les majeurs de moins de 21 ans ;
→ d’autre part, à certaines mesures prévues par l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante pour inclure les données de prise en charge éducative dans le cadre pénal.
Sans changement, les informations doivent être transmises sous forme anonyme. La nature et les modalités de leur transmission seront fixées par décret (CASF, art. L. 226-3-3 nouveau).
Doivent être transmises à l’ONPE – ainsi qu’aux ODPE – les informations relatives aux mesures suivantes dont bénéficient des mineurs ou des majeurs de moins de 21 ans (CASF, art. L. 226-3-3 nouveau) :
→ aide à domicile, en application de l’article L. 222-3 du code de l’action sociale et des familles ;
→ accueil de jour, en application de l’article L. 222-4-2 du même code ;
→ prise en charge par le service de l’ASE sur décision du président du conseil départemental, en application de l’article L. 222-5 du même code ;
→ accueil provisoire par le service de l’ASE, avant toute décision judiciaire ou accord des représentants légaux en cas d’urgence ou de danger, en application de l’article L. 223-2 du même code ;
→ maintien du mineur dans son lieu de vie habituel avec action éducative en milieu ouvert sur décision du juge, en application de l’article 375-2 du code civil ; décision judiciaire de placement, en application de l’article 375-3 du même code ;
→ mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial, en application de l’article 375-9-1 du même code ;
→ mesure judiciaire de protection des jeunes majeurs, en application de l’article 1er du décret du 18 février 1975 ;
→ mesure judiciaire d’information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents, en application de l’article 1183 du code de procédure civile.
Les informations relatives aux mesures prévues par l’ordonnance du 2 février 1945 doivent être transmises à l’ONPE uniquement. Il s’agit des informations relatives aux mesures suivantes (CASF, art. L. 226-3-3 nouveau) :
→ placement ou remise du mineur, en application de l’article 15, alinéas 2 à 5, et de l’article 16, alinéas 2 à 4 de l’ordonnance :
– aux parents, au tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance,
– dans une institution ou un établissement public ou privé, d’éducation ou de formation professionnelle, habilité,
– dans un établissement médical ou médico-pédagogique habilité,
– au service de l’assistance à l’enfance (à l’exception des mineurs âgés de plus de 13 ans) ;
→ liberté surveillée provisoire ordonnée à l’égard d’un mineur mis en examen, en application de l’alinéa 8 de l’article 8 de l’ordonnance ;
→ placement ou remise – à titre provisoire – du mineur mis en examen, le cas échéant en liberté surveillée, en application de l’article 10, alinéas5 à 11, de l’ordonnance :
– aux parents, au tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance,
– à un centre d’accueil,
– à une section d’accueil d’une institution publique ou privée habilitée à cet effet,
– au service de l’assistance à l’enfance ou à un établissement hospitalier,
– à un établissement ou à une institution d’éducation, de formation professionnelle ou de soins, de l’Etat ou d’une administration publique, habilité,
– si l’état physique ou psychique du mineur justifie une observation approfondie, à un centre d’observation institué ou agréé par le ministère de la Justice ;
→ mise sous protection judiciaire, en application de l’article 16 bis de l’ordonnance ;
→ liberté surveillée assortie d’une mesure de rééducation, en application de l’article 25 de l’ordonnance ;
→ placement, à quelque titre que ce soit, dans un centre éducatif fermé.
La loi prévoit un double encadrement de la transmission des informations relatives à ces mesures (CASF, art. L. 226-3-3 nouveau) :
→ d’une part, en indiquant explicitement que cette transmission s’effectue dans le cadre des missions dévolues à l’ONPE, à savoir le recueil et l’analyse des données concernant la protection de l’enfance ;
→ d’autre part, en précisant que l’exploitation des informations relatives à ces mesures est conditionnée à leur succession ou à leur simultanéité avec les signalements ou les mesures de protection de l’enfance qui font l’objet d’une transmission à l’ONPE et aux ODPE.
La loi prévoit explicitement que les observatoires départementaux de la protection de l’enfance doivent avoir une composition pluri-institutionnelle. Jusque-là, selon l’article L. 226-3-1 du code de l’action sociale et des familles, un ODPE devait notamment être composé de représentants des services du conseil départemental, de l’autorité judiciaire dans le département et des autres services de l’Etat ainsi que des représentants de tout service et établissement dans ce département qui participe ou apporte son concours à la protection de l’enfance, et des représentants des associations concourant à la protection de l’enfance et de la famille. Toutefois, selon la rapporteure de la loi à l’Assemblée nationale, « l’expérience des pratiques au sein de ces observatoires a montré la nécessité de préciser leur composition pour s’assurer que celle-ci soit bien pluridisciplinaire grâce à la présence des représentants des différents partenaires de la protection de l’enfance » (Rap. A.N. n° 2744, Le Houerou, mai 2015, page 46). C’est pourquoi il est désormais prévu que la composition pluri-institutionnelle des observatoires départementaux sera fixée par décret (CASF, art. L. 226-3-1 modifié). Un texte qui devra « naturellement être compatible » avec l’ancienne liste prévue par l’article L. 226-3-1, a indiqué de son côté la rapporteure au Sénat (Rap. Sén. n° 32, Meunier, octobre 2015, page 20).
Plusieurs dispositions visent à renforcer la coordination des professionnels au sein du département, à préciser le rôle des services de l’ASE en matière de coopération internationale ou encore à compléter la procédure de transmission d’informations entre les départements. La loi modifie par ailleurs les cas de recours à l’autorité judiciaire par le président du conseil départemental (voir encadré ci-contre).
Dans un contexte où le secteur médical représente une faible part des sources émettrices d’informations préoccupantes et de signalements, notamment par rapport aux autres acteurs, en particulier l’Education nationale, la loi entend faciliter des liens de travail réguliers entre les différents acteurs de la protection de l’enfance du département. Pour ce faire, elle prévoit la désignation, dans chaque département, d’un médecin référent « protection de l’enfance ». Cette désignation s’effectue au sein d’un des services du conseil départemental. La mission du médecin référent est d’organiser les modalités de travail régulier et les coordinations nécessaires entre les services départementaux et la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, d’une part, et les médicaux libéraux et hospitaliers ainsi que les médecins de santé scolaire du département, d’autre part. Ses modalités d’intervention seront précisées par décret (CASF, art. L. 221-2 modifié).
La loi prévoit la mise en place d’un protocole départemental avec les différents responsables institutionnels et associatifs en matière de prévention.
Plus précisément, ce protocole doit être établi dans chaque département par le président du conseil départemental avec les différents responsables institutionnels et associatifs amenés à mettre en place des actions de prévention en direction de l’enfant et de sa famille, notamment avec les caisses d’allocations familiales (CAF), les services de l’Etat et les communes. En lien avec le schéma d’organisation sociale et médico-sociale, il doit définir les modalités de mobilisation et de coordination de ces responsables autour de priorités partagées pour soutenir le développement des enfants et prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives. Cette mesure doit être précisée par un décret (CASF, art. L. 112-5 nouveau).
Pointant que « les départements, de même que les CAF et certaines communes, mettent en œuvre des politiques de prévention qui restent le plus souvent cloisonnées », Annie Le Houerou estime que cette mesure va « améliorer la prévention des situations de maltraitance » par le fait de « rassembler les synergies dans une démarche coordonnée de définition des priorités à l’échelle du territoire, contribuant ainsi à éviter la dispersion des projets et des financements » (Rap. A.N. n° 2744, Le Houerou, mai 2015, page 38).
Pour mémoire, la loi du 5 mars 2012 relative au suivi des enfants en danger par la transmission d’informations a prévu l’obligation pour le président du conseil départemental du département d’origine, en cas de déménagement d’une famille connue de ses services, d’informer le département d’accueil et de lui transmettre les éléments en sa possession. La loi du 14 mars 2016 renforce ce dispositif de coordination pour faciliter les échanges d’informations, et ainsi améliorer la prise en charge des mineurs par les services de l’aide sociale à l’enfance. Le président du conseil départemental d’accueil est donc autorisé à demander à son homologue du département d’origine des renseignements relatifs à un mineur et à sa famille quand ce mineur a fait l’objet par le passé, au titre de la protection de l’enfance, d’une information préoccupante, d’un signalement ou d’une prise en charge dans cet autre département. Le président du conseil départemental du département d’origine est tenu de transmettre les informations demandées (CASF, art. L. 226-3-2 modifié).
La loi du 5 mars 2012 a également autorisé le président du conseil départemental du département d’origine à saisir la caisse primaire d’assurance maladie et la caisse d’allocations familiales compétentes pour obtenir la nouvelle adresse de la famille afin de s’acquitter de son obligation de transmission d’information. La loi du 14 mars 2016 encadre désormais cette faculté par trois conditions cumulatives (CASF, art. L. 226-3-2 modifié) :
→ le mineur fait l’objet d’une information préoccupante en cours d’évaluation ou de traitement ;
→ sa famille est bénéficiaire d’une prestation d’aide sociale à l’enfance, hors aide financière, ou d’une mesure judiciaire de protection de l’enfance ;
→ le président du conseil départemental considère que ce mineur est en danger ou risque de l’être.
Plusieurs dispositions sont relatives à la transmission d’informations entre diverses autorités.
La loi prévoit que le président du conseil départemental est tenu d’informer sans délai le représentant de l’Etat dans le département de tout événement survenu dans un établissement ou service qu’il autorise, dès lors qu’il est de nature à compromettre la santé, la sécurité, l’intégrité ou le bien-être physique ou moral des enfants accueillis (CASF, art. L. 313-13 modifié).
Considérant l’absentéisme scolaire comme un indicateur d’alerte, la loi entend améliorer la coordination des acteurs de l’éducation et de ceux de la protection de l’enfance. Ainsi, les directeurs d’un établissement d’enseignement doivent informer les collectivités territoriales et les autorités concernées par la protection de l’enfance des mesures prises dans l’établissement contre l’absentéisme et le décrochage scolaire. Ils doivent être informés, en retour, du soutien dont ils peuvent bénéficier afin de mener à bien les missions d’accompagnement des personnes responsables de l’enfant et de prévention de l’absentéisme (code de l’éducation, art. L. 131-8 modifié).
Les missions qui découlent, pour les services d’aide sociale à l’enfance, des engagements internationaux souscrits par la France en matière de responsabilité parentale et de protection de l’enfant sont inscrites dans la loi. Cette mesure, a expliqué Laurence Rossignol, vise des « situations impliquant le placement d’enfants ayant un parent français à l’étranger et la sollicitation, par les autorités du pays où vit l’enfant, des services de l’aide sociale à l’enfance » (J.O. Sén. n° 109 [C.R.] du 14-10-15, page 9495).
Ainsi, la loi prévoit que le service de l’ASE doit répondre « dans les meilleurs délais » aux demandes de coopération transmises par une autorité centrale ou une autre autorité compétente en application des articles 55 et 56 du règlement européen n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement n° 1347/2000 et les articles 31 à 37 de la convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, signée à la Haye le 19 octobre 1996.
Globalement, l’article 12 de la loi confie à l’ASE la mission de veiller à la stabilité du parcours de l’enfant et à l’adaptation de son statut sur le long terme. Elle doit également veiller à ce que les liens d’attachement noués par l’enfant avec ses frères et sœurs soient maintenus, dans l’intérêt de l’enfant (CASF, art. L. 221-1 modifié). Plusieurs autres mesures de la loi visent également à sécuriser le parcours des enfants en protection de l’enfance : recentrage du projet pour l’enfant sur ses besoins, renforcement de l’accompagnement des jeunes majeurs ou encore sécurisation de l’accueil par un tiers bénévole.
La loi donne une définition plus précise du projet pour l’enfant et du rapport sur la situation de l’enfant afin de recentrer les interventions sur ses besoins et de garantir la stabilité de son parcours. Elle renforce également le caractère pluridisciplinaire de l’évaluation de la situation de l’enfant.
La loi redéfinit le projet pour l’enfant (PPE) afin de mieux tenir compte des besoins des enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance et de prévenir les ruptures de parcours. L’objectif est de faire de ce document un véritable instrument au service de l’intérêt supérieur du mineur, « ce qu’il n’est pas suffisamment aujourd’hui », selon l’exposé des motifs de la loi. Mais aussi de « rendre plus effective l’obligation d’élaborer un projet pour l’enfant », souligne Michelle Meunier (Rap. Sén. n° 32, Meunier, octobre 2015, page 11).
La loi du 14 mars 2016 maintient le caractère obligatoire du PPE qui doit être établi pour chaque mineur bénéficiant d’une prestation d’aide sociale à l’enfance, hors aide financière, ou d’une mesure de protection judiciaire (CASF, art. L. 223-1-1 nouveau). En effet, rappelons que malgré l’obligation posée par la loi du 5mars 2007 réformant la protection de l’enfance, le PPE est très inégalement mis en œuvre par les départements. Selon une enquête menée par le défenseur des droits en 2014, près d’un tiers des départements n’élaborait pas de PPE et la majorité de ceux qui mettaient en œuvre cet outil le faisait depuis moins de 3 ans(6).
En outre, soulignent les travaux parlementaires, lorsqu’il existe, « l’appropriation de cet outil par les départements s’avère très inégale » avec une présentation et un contenu qui diffèrent selon les territoires. Ainsi, tandis que « certains conseils départementaux ne l’ont mis en place que pour une ou plusieurs catégories de mesures d’accueil ou de placement, mais non leur totalité », d’autres « ont mis au point un “PPE-type”, très abouti et applicable à l’ensemble des mesures » (Rap. A.N. n° 2744, Le Houerou, mai 2015, page 68). Afin d’homogénéiser le PPE au niveau national, la loi prévoit donc que son contenu sera fixé par un référentiel approuvé par décret (CASF, art. L. 223-1-1 nouveau).
Lors de son instauration par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, le PPE visait à clarifier la place respective de la famille et du professionnel qui intervient auprès d’elle, en formalisant les objectifs et les modalités d’intervention. C’est pourquoi, « trop souvent, le PPE s’apparente à un simple document administratif, sans réflexion sur le parcours de vie de l’enfant et les actions nécessaires à son épanouissement », relève Michelle Meunier qui estime que « cet outil gagnerait donc à devenir un document de prise en charge globale, traitant de toutes les dimensions du développement de l’enfant » (Rap. Sén. n° 146, Meunier, décembre 2014, page 14).
Désormais, la loi définit donc très précisément les objectifs du PPE. Ainsi, celui-ci doit (CASF, art. L. 223-1-1 nouveau) :
→ garantir le développement physique, psychique, affectif, intellectuel et social du mineur ;
→ accompagner le mineur tout au long de son parcours au titre de la protection de l’enfance ;
→ être construit en cohérence avec les objectifs fixés dans la décision administrative ou judiciaire concernant le mineur ;
→ déterminer, dans une approche pluridisciplinaire, la nature et les objectifs des interventions menées en direction du mineur, de ses parents et de son environnement, leur délai de mise en œuvre, leur durée, le rôle du ou des parents et, le cas échéant, des tiers intervenant auprès du mineur ;
→ mentionner l’identité du référent du mineur ;
→ prendre en compte les relations personnelles entre les frères et sœurs, lorsqu’elles existent, afin d’éviter les séparations, sauf si cela n’est pas possible ou si l’intérêt de l’enfant commande une autre solution ;
→ comprendre une évaluation médicale et psychologique du mineur afin de détecter les besoins de soins qui doivent être intégrés au document.
Le projet pour l’enfant est établi par le président du conseil départemental, qui en est le garant, en concertation avec les titulaires de l’autorité parentale et, le cas échéant, avec la personne désignée en tant que tiers digne de confiance ainsi qu’avec toute personne physique ou morale qui s’implique auprès du mineur. Ce dernier doit être associé à l’établissement de ce document, selon des modalités adaptées à son âge et à sa maturité. Le projet pour l’enfant lui est remis ainsi qu’à ses représentants légaux. Il doit en outre être transmis au juge lorsque celui-ci est saisi (CASF, art. L. 223-1-1 nouveau).
Le PPE doit être mis à jour afin de tenir compte de l’évolution des besoins fondamentaux de l’enfant (CASF, art. L. 223-1-1 nouveau).
Les autres documents relatifs à la prise en charge de l’enfant, notamment le document individuel de prise en charge et le contrat d’accueil dans un établissement, doivent s’articuler avec le projet pour l’enfant (CASF, art. L. 223-1-1 nouveau).
Afin d’accroître la cohérence et le suivi des interventions, la loi renforce le caractère pluridisciplinaire de l’évaluation de l’information préoccupante et de la situation de l’enfant.
L’évaluation de la situation d’un mineur à partir d’une information préoccupante doit être réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet. A cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile doit également être évaluée (CASF, art. L. 226-3 modifié). L’objectif de cette mesure est de « donner un cadre national à l’évaluation de l’information préoccupante », a expliqué Laurence Rossignol en soulignant que « les conditions de réalisation des évaluations diffèrent encore fortement sur le territoire national » (J.O.A.N. n° 58 [2] [C.R.] du 13-05-15, page 4501). Les modalités d’application de cette dispositions seront précisées par décret.
Le président du conseil départemental doit mettre en place une commission pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle chargée d’examiner la situation des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance depuis plus de un an lorsqu’il existe un risque de délaissement parental ou lorsque le statut juridique de l’enfant paraît inadapté à ses besoins. La commission doit examiner tous les 6 mois la situation des enfants de moins de 2 ans. Pour cela, elle doit s’appuyer sur le rapport sur la situation de l’enfant établi par le service de l’ASE. Le référent éducatif de l’enfant et la personne physique qui l’accueille ou l’accompagne au quotidien doivent être associés aux travaux de la commission. Celle-ci peut formuler un avis au président du conseil départemental sur le projet pour l’enfant. Cet avis est remis à chacune des personnes morales ou physiques auxquelles le projet pour l’enfant est remis et au juge, lorsque celui-ci est saisi. Les membres de la commission sont soumis au secret professionnel. Sa composition et son fonctionnement seront fixés par décret (CASF, art. L. 223-1 modifié).
Afin d’améliorer la qualité du suivi des enfants confiés au service de l’aide sociale à l’enfance, la loi du 5 mars 2007 a prévu que l’ASE doit établir un rapport sur la situation de tout enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative. La loi du 14 mars 2016 renforce cette disposition en précisant le contenu du rapport ainsi que ses modalités d’élaboration et de transmission.
Ainsi, le rapport qui, sans changement, doit être établi après une évaluation pluridisciplinaire, doit porter sur la santé physique et psychique de l’enfant, son développement, sa scolarité, sa vie sociale et ses relations avec sa famille et les tiers intervenant dans sa vie. Il doit permettre de vérifier la bonne mise en œuvre du projet pour l’enfant et l’adéquation de ce projet aux besoins de l’enfant ainsi que, le cas échéant, l’accomplissement des objectifs fixés par la décision de justice. Son contenu et ses modalités d’élaboration seront fixés par un référentiel approuvé par décret (CASF, art. L. 223-5 modifié).
Le rapport doit être élaboré tous les 6 mois pour les enfants âgés de moins de 2 ans et au moins une fois par an pour les autres enfants (CASF, art. L. 223-5 modifié).
Il doit être transmis au juge qui a confié l’enfant aux services de l’ASE annuellement ou tous les 6 mois pour les enfants de moins de 2 ans (CASF, art. L. 223-5 modifié et C. civ., art. 375 modifié).
Le contenu et les conclusions de ce rapport doivent être portés à la connaissance du père, de la mère, de toute autre personne exerçant l’autorité parentale, du tuteur et du mineur, en fonction de son âge et de sa maturité, la loi précisant désormais que cette communication doit être préalable à la transmission du rapport au juge (CASF, art. L. 223-5 modifié).
Lorsque le retour de l’enfant dans son milieu familial est impossible, la loi entend favoriser des solutions d’accueil qui lui apportent « une stabilité affective durable, indispensable à son éducation et à son développement », indique son exposé des motifs. A ce titre, elle prévoit en particulier de développer l’accueil par un tiers bénévole et d’éviter les changements fréquents de famille d’accueil.
La loi retouche le dispositif de l’accueil par un tiers pour, d’une part, développer cet accueil lorsque la décision résulte du président du conseil départemental et, d’autre part, mieux encadrer sa durée lorsque la décision est prise par le juge.
Afin de la sécuriser juridiquement, la pratique de l’accueil par un tiers bénévole – c’est-à-dire lorsque le président du conseil départemental décide de confier l’enfant non pas à une structure ou une famille d’accueil rémunérée par le département, mais à un tiers qui le connaît déjà et qui, souvent, est de sa famille (grand-parent, oncle ou tante, cousin…) – est inscrite dans la loi.
Cette mention explicite donne une base légale à l’accueil par un tiers bénévole pour lui permettre de se développer. En effet, « en l’absence de disposition claire, cette solution [était] trop souvent regardée avec une prudence excessive par les services départementaux », selon Michelle Meunier (Rap. Sén. n° 32, Meunier, octobre 2015, page 30). Certains enfants « ont déjà des liens qui préexistaient à leur prise en charge par l’aide sociale à l’enfance », a de son côté souligné la députée (PS) Françoise Dumas au cours des débats parlementaires. La mesure vise donc à « permettre à ces enfants de continuer à avoir des liens avec ces personnes qui les accueillent et à rendre ces liens plus significatifs, dans le cadre d’une relation durable » (J.O.A.N. n° 58 [2] [C.R.] du 13-05-15, page 4507).
Ainsi, le code de l’action sociale et des familles prévoit désormais que, lorsqu’un enfant est pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance sur un autre fondement que l’assistance éducative, le président du conseil départemental peut décider, si tel est l’intérêt de l’enfant et après évaluation de la situation, de le confier à un tiers, dans le cadre d’un accueil durable et bénévole. Le service de l’aide sociale à l’enfance est chargé d’informer, d’accompagner et de contrôler le tiers à qui l’enfant est confié. Un référent désigné par le service est chargé de ce suivi et de la mise en œuvre du projet pour l’enfant. Les conditions d’application de cette disposition seront précisées par décret (CASF, art. L. 221-2-1 nouveau).
Jusqu’à présent, seules les mesures d’assistance éducative exercées par un service ou une institution étaient limitées dans le temps, à savoir 2 ans au maximum. L’accueil par un proche ou un tiers digne de confiance ne l’était pas. Une situation « qui ne favoris [ait] ni la surveillance de la qualité de l’accueil par le juge ni l’élaboration d’un projet de vie plus pérenne pour l’enfant » (Rap. A.N. n° 2744, Le Houerou, mai 2015, page 88). Par conséquent, la loi étend cette limitation de la durée de l’accueil – durée fixée par le juge dans sa décision – aux placements auprès de personnes physiques, c’est-à-dire à l’autre parent, à un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance (code civil [C. civ.], art. 375 modifié).
La loi entend mieux encadrer les changements de lieu d’accueil d’un enfant confié à l’ASE par décision judiciaire afin d’éviter les ruptures injustifiées de prise en charge, également désignées comme des « parcours chaotiques ». Autrement dit, il s’agit d’éviter les changements fréquents de famille d’accueil qui sont décidés par les services de l’ASE par « crainte d’un attachement affectif trop fort entre l’enfant et les personnes accueillantes », explique Michelle Meunier (Rap. Sén. n° 146, Meunier, décembre 2014, page 33). Ainsi, lorsque le service de l’ASE envisage de modifier le lieu de placement d’un enfant confié par le juge des enfants, il doit l’en informer au moins un mois avant la mise en œuvre de sa décision (CASF, art. L. 223-3 modifié). A charge pour le magistrat – en vertu de son pouvoir de se saisir d’office prévu à l’article 375 du code civil –, « de signifier son désaccord avec la mesure envisagée et d’ordonner le maintien de l’enfant dans son lieu d’accueil », indique encore la rapporteure (Rap. Sén. n° 146, Meunier, décembre 2014, page 33).
Cette mesure n’est toutefois pas applicable (CASF, art. L. 223-3 modifié) :
→ en cas d’urgence ;
→ pour l’enfant de 2 ans révolus confié à une même personne ou à un même établissement pendant moins de 2 années, en cas de modification prévue dans le projet pour l’enfant.
Garantir la stabilité nécessaire au développement personnel de l’enfant en lui évitant un parcours chaotique, caractérisé par des changements fréquents de lieux de placements, sans qu’une situation stable ne lui soit jamais proposée. C’est l’objectif de la loi qui confie à l’ASE la mission de rechercher la solution la plus à même de garantir la continuité des conditions de vie de l’enfant qui lui a été confié par décision de justice. Plus précisément, lorsque la durée du placement excédera un seuil fixé par décret selon l’âge de l’enfant, l’ASE devra examiner l’opportunité de mettre en œuvre d’autres mesures susceptibles de garantir la stabilité des conditions de vie de l’enfant afin de lui permettre de bénéficier d’une continuité relationnelle, affective, éducative et géographique dans un lieu de vie adapté à ses besoins. Le service devra alors en informer le juge des enfants qui suit le placement et lui présenter les raisons qui l’amènent à retenir ou exclure les mesures envisageables (CASF, art. L. 227-2-1 nouveau).
Tandis que le code de l’action sociale et des familles prévoit que les interventions d’aide sociale à l’enfance peuvent être mises en œuvre en faveur des jeunes majeurs de moins de 21 ans, dans les faits, ces interventions sont limitées par la situation financière des conseils départementaux. Ainsi, « la sortie des dispositifs de prise en charge à l’âge de 18 ans constitue bien souvent une rupture importante qui rend difficile leur insertion sociale et professionnelle », soulignent les travaux parlementaires (Rap. Sén. n° 32, Meunier, octobre 2015, page 15). Plusieurs mesures de la loi visent donc à améliorer l’accompagnement des jeunes majeurs sortant des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance.
Un an avant sa majorité, le mineur doit bénéficier d’un entretien, organisé par le président du conseil départemental, pour faire le bilan de son parcours et envisager les conditions de son accompagnement vers l’autonomie. Un projet d’accès à l’autonomie doit être élaboré à cette occasion, en associant les institutions et les organismes concourant à construire une réponse globale adaptée à ses besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources (CASF, art. L. 222-5-1 nouveau).
(A noter) L’entretien peut être exceptionnellement renouvelé afin de tenir compte de l’évolution des besoins des jeunes concernés (CASF, art. L. 222-5-1 nouveau).
Un accompagnement doit être proposé, au-delà du terme de leur mesure, pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée (CASF, art. L. 222-5 modifié) :
→ aux mineurs, qui sont pris en charge parce qu’ils ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel et parce que leur situation requiert un accueil à temps complet ou partiel, ou parce qu’ils rencontrent des difficultés particulières nécessitant un accueil spécialisé, familial ou dans un établissement ou service à caractère expérimental, une fois qu’ils sont devenus majeurs ;
→ aux jeunes majeurs de moins de 21 ans qui sont pris en charge à titre temporaire par les services de l’aide sociale à l’enfance.
Un protocole doit être conclu par le président du conseil départemental, conjointement avec le représentant de l’Etat dans le département et le président du conseil régional et avec le concours de l’ensemble des institutions et des organismes concernés, afin de préparer et de mieux accompagner l’accès à l’autonomie des jeunes pris en charge ou sortant des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce protocole organise le partenariat entre les acteurs afin d’offrir aux jeunes de 16 à 21 ans une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources (CASF, art. L. 222-5-2 nouveau).
Doter les jeunes majeurs, à leur sortie de l’ASE, d’un pécule afin de faciliter leur entrée dans la vie d’adulte. C’est l’objectif de la mesure qui prévoit que l’allocation de rentrée scolaire (ARS) ou l’allocation différentielle d’ARS due au titre d’un enfant confié à l’aide sociale à l’enfance soit versée à la Caisse des dépôts et consignations. Celle-ci est chargée d’en assurer la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant ou, le cas échéant, son émancipation. Le pécule est reversé à l’enfant à cette date (code de la sécurité sociale [CSS], art. L. 543-3 nouveau).
Cette mesure est applicable à compter de la rentrée scolaire 2016 (art. 19, III de la loi).
(A noter) L’ARS est attribuée à la famille dont les ressources ne dépassent pas un plafond variable en fonction du nombre d’enfants à charge. Pour l’application de cette condition de ressources, la situation de la famille continue d’être appréciée en tenant compte à la fois des enfants présents au foyer et du ou des enfants confiés au service de l’aide sociale à l’enfance (CSS, art. L. 543-3 nouveau).
Afin de développer des alternatives aux placements longs pour les enfants qui sont durablement voire définitivement éloignés de leur famille d’origine, la loi entend promouvoir l’adoption comme une véritable mesure de protection de l’enfance, tout en sécurisant son usage.
La loi entend « lever certains freins juridiques au développement » de l’adoption simple « qui mérite d’être davantage utilisée comme mesure de protection de l’enfance », estime le gouvernement dans l’exposé des motifs. Plusieurs rapports – du rapport « Colombani » de 2008 au rapport « Gouttenoire » de 2014 – ont en effet recommandé de faciliter le recours à l’adoption simple afin de sécuriser les parcours des enfants confiés à l’ASE dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative ou d’une délégation d’autorité parentale.
Actuellement, l’adoption simple concerne en grande majorité des personnes majeures et est prononcée dans un cadre intrafamilial, avec l’adoption de l’enfant du conjoint dans la plupart des cas, a souligné la rapporteure (PS) pour avis à l’Assemblée nationale, Marie-Anne Chapdelaine. Au contraire de l’adoption plénière, qui est construite sur le modèle de la filiation biologique, l’adoption simple n’a pas pour conséquence de rompre les liens de l’enfant avec sa famille d’origine, fait coexister des liens de parenté de natures différentes et demeure révocable. Or cette révocabilité serait une des principales causes de sa faible utilisation en protection de l’enfance (Avis n° 2743, Chapdelaine, mai 2015, page 27).
La loi prévoit donc désormais que l’adoption simple est irrévocable durant la minorité de l’adopté, sauf sur demande du ministère public (C. civ., art. 370 modifié). Ainsi, tant que l’adopté est mineur, les père et mère par le sang ou, à leur défaut, un membre de la famille d’origine jusqu’au degré de cousin germain inclus, ne peuvent plus demander la révocation. De même, l’adoptant ne peut plus demander la révocation lorsque l’adopté est âgé de plus de 15 ans.
En outre, la révocation de l’adoption simple pour cause de « motifs graves » n’est désormais possible que lorsque l’adopté est majeur. Elle peut être demandée par l’adopté ou l’adoptant (C. civ., art. 370 modifié).
Selon la rapporteure de la loi à l’Assemblée nationale, « l’adoption n’est pas le projet de vie le plus pertinent pour certains enfants, notamment lorsqu’ils ne sont pas adoptables pour des raisons psychologiques. [Mais] le fait qu’il n’y ait pas de projet d’adoption envisageable ne doit pas constituer un frein pour l’admission en qualité de pupille de l’Etat » (Rap. A.N. n° 2744, Le Houerou, mai 2015, page 97). C’est pourquoi la loi prévoit de rompre avec une disposition qui laisse entendre que l’adoption des pupilles de l’Etat constitue la solution à privilégier et entend par ce biais – encore une fois – sécuriser le parcours du mineur. Ainsi, le projet d’adoption, dont doivent faire l’objet les enfants admis en qualité de pupille de l’Etat, est remplacé par un projet de vie qui peut être une adoption, s’il tel est l’intérêt de l’enfant. Ce projet de vie est défini par le tuteur avec l’accord du conseil de famille. Il doit être établi dans les meilleurs délais et s’articuler avec le projet pour l’enfant (CASF, art. L. 225-1 modifié).
Afin d’améliorer la prise en compte de l’intérêt de l’enfant dans les procédures d’adoption, la loi prévoit l’audition systématique du mineur au cours de la procédure. Pour cela, elle modifie l’article 353 du code civil qui fixe les conditions du jugement autorisant l’adoption plénière. En application de l’article 361 du même code, l’article 353 est également applicable à l’adoption simple.
Ainsi, le mineur capable de discernement doit être entendu par le tribunal ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le tribunal à cet effet. Cette audition doit être réalisée selon des modalités adaptées à son âge et à son degré de maturité (C. civ., art. 353 modifié).
Le mineur peut être entendu seul, avec un avocat ou avec une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à son intérêt, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne (C. civ., art. 353 modifié).
Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus (C. civ., art. 353 modifié).
La loi réforme la déclaration judiciaire d’abandon, rebaptisée « déclaration judiciaire de délaissement parental ». L’idée est de fonder cette procédure « non plus sur la notion de “désintérêt manifeste” des parents, jugée trop floue, mais sur celle de “délaissement parental manifeste”, définie comme des carences dans l’exercice des responsabilités parentales qui compromettent le développement de l’enfant », selon l’exposé des motifs de la loi. Plus précisément, explique le sénateur (LR) du Cher, François Pillet, l’objectif est de « recentrer la procédure de déclaration judiciaire d’abandon sur l’enfant et d’en faire un outil efficace de protection, pour pouvoir lui proposer un véritable projet de vie lui permettant de se construire dans un environnement éducatif et affectif stable et, le cas échéant, permettre son adoption ». « En pratique, poursuit le rapporteur pour avis, la procédure de déclaration judiciaire d’abandon serait peu utilisée pour plusieurs raisons […], comme les réticences des services sociaux et des magistrats, formés à donner la priorité au maintien des relations avec les parents quels que soient les obstacles rencontrés, ou la difficulté de rapporter la preuve du caractère volontaire du désintérêt des parents pour leur enfant » (Avis n° 718, Pillet, septembre 2015, page 37).
La loi abroge donc l’article 350 du code civil relatif à la déclaration judiciaire d’abandon, qu’elle remplace par une section entièrement dédiée à la déclaration judiciaire de délaissement parental composée des articles 381-1 et 381-2.
Auparavant, en application de l’article 350 du code civil, l’enfant était déclaré abandonné après que ses parents se sont manifestement désintéressés de lui pendant un an avant l’introduction de la demande en déclaration d’abandon, le désintérêt manifeste étant caractérisé par le fait pour les parents de ne pas avoir entretenu avec leur enfant les relations nécessaires au maintien de liens affectifs. Une « rédaction ambiguë », selon Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure pour avis de la loi à l’Assemblée nationale. Pour elle, la notion de « désintérêt manifeste » a « pour conséquence l’hésitation des services sociaux à déposer une requête qui risquerait d’être rejetée par les magistrats. La jurisprudence de la Cour de cassation a en effet retenu une conception subjective de l’abandon et exige que le manque d’intérêt des parents présente un caractère volontaire. Or, il n’est pas toujours aisé d’établir cette volonté des parents et les appréciations des juridictions sont parfois divergentes (telle juridiction juge ainsi que le délaissement par le parent consommateur de stupéfiants n’est pas volontaire tandis que telle autre considère que l’alcoolisme des parents, qui a provoqué le délaissement de l’enfant, relève bien de leur volonté). » D’où une nouvelle définition « qui vise à “objectiver” cette notion » (Avis n° 2743, Chapdelaine, mai 2015, page 47).
Ainsi, la loi prévoit désormais qu’un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en déclaration judiciaire de délaissement parental. Sans toutefois rompre avec le caractère volontaire, puisqu’elle prévoit aussi que les parents ne doivent pas en avoir été empêchés par quelque cause que ce soit (C. civ, art. 381-1 nouveau). Une précision qui doit permettre de « prendre en compte le cas du parent involontairement empêché d’accomplir les actes contribuant au développement et à l’éducation de son enfant en raison de circonstances exceptionnelles », justifie François Pillet en citant le cas des parents atteints de maladie mentale, de dépression sévère, dans le coma ou encore expulsés du territoire (Avis n° 139, Pillet, décembre 2014, page 56).
La déclaration judiciaire de délaissement parental relève de la compétence du tribunal de grande instance (C. civ., art. 381-2 nouveau).
La demande en déclaration de délaissement parental doit être obligatoirement transmise, à l’expiration du délai de un an prévu au nouvel article 381-1 du code civil, par la personne, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant, après que des mesures appropriées de soutien aux parents leur ont été proposées (C. civ., art. 381-2 nouveau).
La demande peut également être présentée par le ministère public agissant d’office ou, le cas échéant, sur proposition du juge des enfants (C. civ., art. 381-2 nouveau).
La simple rétractation du consentement à l’adoption, la demande de nouvelles ou l’intention exprimée mais non suivie d’effet de reprendre l’enfant ne constituent pas un acte suffisant pour rejeter de plein droit une demande en déclaration de délaissement parental et n’interrompent pas le délai de un an mentionné ci-dessus (C. civ., art. 381-2 nouveau).
Le délaissement parental ne peut pas être déclaré si, au cours de ce délai, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l’enfant et si cette demande est jugée conforme à l’intérêt de ce dernier (C. civ., art. 381-2 nouveau).
Le délaissement parental peut être déclaré à l’égard des deux parents ou d’un seul (C. civ., art. 381-2 nouveau).
Lorsqu’il déclare l’enfant délaissé, le tribunal de grande instance délègue par la même décision l’autorité parentale sur l’enfant à la personne, à l’établissement ou au service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou à qui ce dernier a été confié (C. civ., art. 381-2 nouveau).
Comme la déclaration judiciaire d’abandon, la déclaration judiciaire de délaissement parental constitue l’une des voies d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’Etat et ouvre la possibilité d’une adoption (CASF, art. L. 224-4 modifié et C. civ., art. 347 modifié).
Afin de balayer l’ensemble du champ de la protection des enfants, la loi comporte des mesures en matière de prévention, de droit de visite et d’autorité parentale. Elle se penche également sur le sort des mineurs isolés étrangers en sécurisant le dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation. Elle réinscrit par ailleurs l’inceste dans le code pénal.
Dans le domaine de la prévention, la loi entend renforcer l’accompagnement précoce auprès des enfants et de leurs parents.
La loi donne une reconnaissance légale aux centres parentaux qui, le plus souvent à titre expérimental, accompagnent des familles en situation de vulnérabilité sociale et psychique en offrant, aux côtés de la mère, une place au père de l’enfant né ou à naître(7). Ainsi, le nouvel article L. 222-5-3 du code de l’action sociale et des familles dispose que les centres parentaux peuvent prendre en charge, au titre de la protection de l’enfance, les enfants de moins de 3 ans accompagnés de leurs parents quand ceux-ci ont besoin d’un soutien éducatif dans l’exercice de leur fonction parentale. Ces centres peuvent également accueillir, dans le même objectif, les deux futurs parents pour préparer la naissance de l’enfant.
Afin de renforcer l’accompagnement des futures mères et de sortir le suivi des grossesses de l’angle exclusivement médical, la loi du 5 mars 2007 a instauré, parmi les missions de la protection maternelle et infantile, un entretien systématique psychosocial réalisé au cours du 4e mois de grossesse. Néanmoins, « cet entretien est encore insuffisamment répandu [en raison du] caractère stigmatisant du terme “psychosocial”, tant aux yeux des personnels médicaux que des personnes qui pourraient bénéficier de cet entretien » (Rap. Sén. n° 32, Meunier, octobre 2015, page 47). Aussi la loi du 14 mars 2016 le rebaptise-t-elle en « entretien prénatal précoce ». Il doit être proposé systématiquement et réalisé à partir du quatrième mois de grossesse. Son objet, est-il désormais précisé, est de permettre au médecin ou à la sage-femme d’évaluer avec la femme enceinte ses besoins en termes d’accompagnement au cours de la grossesse (code de la santé publique [CSP], art. L. 2112-2 et L. 2122-1 modifiés).
La loi instaure un accompagnement médical, psychologique, éducatif et social du parent et de l’enfant, en cas de restitution à ses parents d’un enfant né sous le secret ou d’un enfant pupille de l’Etat. Il est réalisé pendant une durée de 3 ans suivant la restitution de l’enfant. L’objectif est de garantir l’établissement des relations nécessaires au développement physique et psychologique de l’enfant ainsi que sa stabilité affective. L’accompagnement est proposé par le président du conseil départemental (CASF, art. L. 223-7 et L. 224-6 modifié). Cet accompagnement n’est donc pas obligatoire, un tel caractère étant « susceptible d’entrer en contradiction avec le droit au respect à la vie privée et familiale et d’induire des effets pervers s’il était interprété comme une “mise sous tutelle” de l’autorité parentale » (Rap. A.N. n° 2744, Le Houerou, mai 2015, page 95).
Au terme de l’accueil d’un enfant par le service de l’aide sociale à l’enfance, le président du conseil départemental doit s’assurer qu’un accompagnement permet le retour et le suivi de l’enfant dans sa famille dans les meilleures conditions (CASF, art. L. 223-3-2 nouveau). L’idée est d’homogénéiser la situation dans les départements, car cet accompagnement n’est pas systématique, et de veiller à la façon dont se reconstruisent les liens familiaux, a plaidé Laurence Rossignol au cours des débats parlementaires pour justifier cette mesure introduite par voie d’amendement gouvernemental. Selon l’exposé des motifs du texte, un « étayage » du lien parents-enfant peut se révéler nécessaire et être mis en œuvre selon différentes modalités (suivi par la protection maternelle et infantile, accompagnement social, décision d’aide à domicile).
Le régime du droit de visite des parents est retouché. Principale modification : la loi prévoit que les décisions du juge fixant les modalités du droit de visite doivent être « spécialement motivées ».
Lorsque le juge désigne un espace de rencontre pour l’exercice du droit de visite du parent qui n’a pas la garde de l’enfant, cette décision doit être spécialement motivée (C. civ., art. 373-2-9 modifié). L’idée est que « le juge précise, à l’intention des parties concernées et du service de l’aide sociale à l’enfance, les raisons qui la sous-tendent. En effet, la médiatisation de la visite peut avoir pour objectif de protéger l’enfant contre la violence potentielle du parent, de protéger l’autre parent, ou encore d’accompagner le parent dans la construction d’une relation de parentalité », explique Michelle Meunier (Rap. Sén. n° 32, Meunier, octobre 2015, page 39).
S’il a été nécessaire de confier l’enfant, ses parents conservent un droit de correspondance ainsi qu’un droit de visite et d’hébergement. Dans ce cadre, rappelons que le juge peut décider que le droit de visite du ou des parents ne peut être exercé qu’en présence d’un tiers. C’est la visite médiatisée pour laquelle, désormais, la loi impose au juge de prendre une « décision spécialement motivée ». En outre, elle étend la possibilité de la visite médiatisée lorsque l’enfant est confié à une personne. Dans ce cas, le tiers est désign