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L’accompagnement par l’alimentation, une démarche à valoriser, pour le collectif Alerte

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Un groupe de travail issu de la commission « lutte contre la pauvreté et l’exclusion » de l’Uniopss formule 16 propositions pour faire évoluer l’aide alimentaire d’un rôle de simple distribution à celui de vecteur d’accès à l’autonomie.

« Engager une réflexion structurelle sur l’organisation de l’aide alimentaire afin de garantir l’efficacité de celle-ci, notamment dans l’objectif de fluidifier les parcours sociaux. » Telle était l’une des recommandations du premier rapport d’évaluation du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, remis par François Chérèque et Simon Vanackere, membres de l’inspection générale des affaires sociales, en janvier 2014. Quelques mois plus tard, la commission « lutte contre la pauvreté et l’exclusion » de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) s’est emparée du sujet en créant un groupe de travail, qui a abouti à un document de propositions du collectif Alerte(1).

« Bousculer les habitudes »

Pour la Fédération française des banques alimentaires, cette réflexion a rejoint une préoccupation de longue date. « Alors que la question de l’aide alimentaire est un sujet mal aimé, particulièrement au sein du secteur associatif, l’idée était, à travers le groupe de travail que nous avons proposé, d’étudier sa place dans les politiques de lutte contre la précarité, explique Gaëtan Lassale, chargé des relations extérieures et du plaidoyer à la fédération. Il en résulte un document de compromis interassociatif qui propose de faire évoluer l’aide alimentaire pour dépasser l’aide uniquement distributive et aller vers un accompagnement par l’alimentation des personnes qui en ont le besoin. » Si certaines associations sont déjà engagées dans cette voie, « nous avons voulu bousculer les habitudes, ajoute-t-il, et faire reconnaître que, comme le logement et l’emploi, l’alimentation est un vecteur pour mettre en place un accompagnement qui fonctionne ». Un chantier qui implique des remises en cause, en tout cas une autre manière de penser certaines interventions. « Les travaux ont été riches, et chacun a avancé avec la volonté d’avancer vers un consensus », se félicite Bruno Grouès, coordonnateur du collectif Alerte. Leur synthèse a, en effet, été adoptée par la quarantaine de membres du collectif, à l’exception d’ATD quart monde, fidèle à son objectif d’éradiquer la misère « en assurant avant tout à chacun les conditions lui permettant de vivre dignement », indique-t-on au mouvement (voir encadré ci-contre).

Le document du groupe de travail propose donc d’« ouvrir la voie à un véritable “accompagnement par l’alimentation” ». Il rappelle qu’une partie seulement des publics en situation d’insécurité alimentaire bénéficie de l’aide alimentaire, soit 3,5 millions de personnes en 2014, et estime que cette dernière « ne peut plus être l’unique réponse ». Elle a, pour ses membres, « montré ses limites » pour plusieurs raisons. Les lieux et les conditions de distribution « sont encore trop souvent indignes », outre un sentiment de stigmatisation, et la simple distribution peut générer « plus facilement l’assistanat », au sens où, au contraire de l’« assistance », elle place la personne dans une situation de dépendance et non d’accès à l’autonomie. Cette logique du « faire-pour qui ne respecte pas assez l’environnement culturel et social des personnes » peut, en outre, entraîner du gaspillage. Le document évoque d’autres travers, comme, au regard des normes à respecter, une concentration sur la logistique, au détriment de l’attention aux personnes soutenues.

En revanche, argumente le collectif Alerte, « dans le cadre des actions liées à l’alimentation, l’accompagnement est un levier qui permet à la personne de retrouver un chemin vers l’autonomie ». A condition, notamment, qu’il soit dissocié du temps de l’urgence, repose sur un climat de confiance construit dans la durée et sur un réseau de partenaires. Dans cette optique, l’alimentation « ne doit plus être la fin de l’accompagnement mais un moyen ». Avec la personne « sont étudiées les raisons de la demande d’aide alimentaire et plus spécifiquement les causes » – précarité énergétique, défaut d’accès aux droits, manque de ressources, handicap… – dont peuvent découler l’accompagnement proposé et les interlocuteurs sollicités. « Les associations et les épiceries solidaires construisent, entre autres, l’accompagnement des personnes en situation de précarité à partir des moments d’échanges liés à l’alimentation »,poursuit le groupe de travail, qui cite aussi les repas partagés, autant d’occasions de créer du lien social. « Les jardins partagés et solidaires font (re)découvrir le plaisir de consommer des légumes et des fruits de saison, d’agir ensemble, rappeler l’importance du développement durable », illustre le document.

Réseau de partenaires

Le groupe de travail, qui appelle à l’engagement de l’Etat, des collectivités territoriales, des entreprises et des associations, formule au final 16 préconisations pour construire un « accompagnement par l’alimentation ». Au-delà du rappel de plusieurs principes – assurer l’accès de tous à une alimentation saine, en qualité et en quantité suffisantes, respecter la dignité des personnes… –, il recommande de promouvoir des réseaux d’accès à l’alimentation ouverts à tous, y compris aux personnes à bas revenus, et en même temps de soutenir les associations pour développer l’accompagnement des personnes vers un retour à l’autonomie. Une logique qui conduit Alerte à demander « de passer de l’expression “aide alimentaire” à “accompagnement par l’alimentation” ». Le groupe de travail préconise de « réintroduire l’alimentation dans les politiques d’inclusion sociale » et d’inscrire « l’accompagnement par l’alimentation au sein d’un réseau de partenaires en cohérence avec les politiques locales de lutte contre la pauvreté ». Il souhaite également que soient supprimés « les lieux et modalités indignes ». Autre piste d’action proposée : « renforcer les programmes de sensibilisation, d’information et d’application des recommandations nutritionnelles notamment concernant l’équilibre alimentaire, la gestion des menus, les modes de préparations culinaires ».

Afin d’agir contre ses causes, il demande la mise en place d’« un suivi de l’état de l’insécurité alimentaire en France ». Le groupe plaide également en faveur de la création d’une délégation interministérielle « travaillant avec les acteurs majeurs de l’alimentation ». Il appelle à un « financement public de l’accompagnement social » et regrette que « l’Union européenne, en imposant la gratuité de la distribution, n’accepte pas la participation financière symbolique pratiquée notamment par les épiceries sociales : un mode de distribution qui inscrit l’accompagnement par l’alimentation dans le retour à l’inclusion sociale ».

« Se nourrir lorsqu’on est pauvre », une etude d’ATD quart monde

« L’alimentation, c’est du “je fais comme je peux… et pas comme j’en ai envie”… » Le recueil de la parole des personnes en situation de pauvreté, avec l’aide d’un cabinet de sociologie, grâce à des focus groups mensuels organisés depuis 1999 par le département « santé » d’ATD quart monde, a débouché sur une étude très détaillée(1) rassemblant les réflexions et analyses sur ce que représente l’acte de se nourrir et de nourrir les siens lorsqu’on est pauvre. La compréhension de ces difficultés à travers l’expérience des personnes concernées « permet de renouveler le sens que l’on porte à une alimentation durable et de porter un nouvel éclairage sur les barrières d’accès, soulignent les auteurs. Elle peut aider à avancer vers des solutions qui redonnent à l’alimentation son rôle d’inclusion sociale. » Les échanges qui se sont tenus montrent en effet que « se nourrir » représente un « acte non seulement vital, mais aussi un acte qui impulse des dynamiques essentielles à la personne humaine, comme la construction de l’identité individuelle, la création du lien social ou encore le positionnement dans un groupe social. »

L’étude identifie les barrières rencontrées, comme les freins financiers, les inadéquations de l’offre, les difficultés pour accéder à une alimentation équilibrée et les obstacles d’ordre matériel (absence de lieu pour cuisiner) ou culturel. Le mouvement a fait le choix « de ne pas présenter le circuit de l’aide alimentaire dans les solutions durables offertes aux personnes ». Si elle considère que l’action des associations caritatives est nécessaire, selon elle, « les mesures d’aide alimentaire se doivent de rester des mesures provisoires et d’urgence ». L’étude propose des pistes qui ont « pour point commun de permettre une transmission par la pratique des personnes elles-mêmes et la valorisation du rôle social de la nourriture ». Il en va ainsi des jardins partagés et des ateliers de cuisine. Il faut « faire attention à l’emploi du mot “accompagnement”, qui est galvaudé » et fait référence pour les familles « à l’accompagnement social et leur fait peur », souligne l’étude, qui préfère les termes de « compagnonnage, partage, échange d’expériences… ». Elle propose une « démarche qui va dans le sens de l’autonomie et du respect de la dignité de la personne, qui se veut globale », durable, qui respecte le choix des personnes et les associe, « qui permet de revenir à un rapport à la nourriture plus sain et plus naturel ». Les actions doivent « s’attaquer aux causes structurelles » de l’insécurité alimentaire, dans une démarche globale. Celle-ci inclut la nécessité d’encourager la mise en œuvre du droit à l’alimentation, mais aussi de repenser les systèmes agroalimentaires, dans le sens du développement durable.

Notes

(1) Disponible sur wwww.uniopss.asso.fr.

(1) Dossier et documents Revue Quart Monde – Editions Quart Monde – 2016 – 10 €.

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