« Il est assez paradoxal que dans une situation où la démocratie en santé est fortement présente dans les discours ministériels et dans la planification (stratégie nationale de santé), où des avancées sont inscrites dans la loi (CDU [commissions des usagers], actions de groupe…)[1], les instances de démocratie en santé CNS [Conférence nationale de santé] et CRSA [conférences régionales de la santé et de l’autonomie] s’interrogent sur la mission qui leur est dévolue », s’inquiète la Conférence nationale de santé dans un avis adopté à l’unanimité lors de son assemblée plénière du 6 juillet et remis à la ministre de la Santé dans la foulée(2).
La CNS regrette plus particulièrement que les pouvoirs publics « ne donnent que très rarement à voir » l’impact de ses recommandations et de celles des autres instances de démocratie sanitaire dans les décisions qu’ils prennent alors qu’elles « sont censées contribuer de manière étroite à l’élaboration des politiques de santé ». « Bien souvent, tout au contraire, ils semblent donner la priorité aux intérêts catégoriels », déplore-t-elle. Pour « surmonter » cette situation, la Conférence nationale de santé juge « urgent » de « mettre plus largement la santé en débat en donnant clairement mission aux instances de dégager les voies consensuelles du possible ». Elle formule à ce titre plusieurs recommandations, dont certaines ont d’ores et déjà été retenues par Marisol Touraine.
La Conférence nationale de santé appelle tout d’abord à mettre en place une « véritable observation » du respect des droits des usagers tout en dénonçant les difficultés qu’elle-même et les CRSA rencontrent pour recueillir les données nécessaires auprès de leurs détenteurs. Selon elle, « la direction responsable de la démocratie sanitaire au sein du ministère doit assumer, en lien avec les ARS [agences régionales de santé], sur la base d’un cahier des charges établi en concertation avec les instances, la responsabilité de la collecte de ces données à partager avec les régions pour leur permettre de remplir leur mission d’évaluation annuelle ». Une requête entendue par la ministre qui a affirmé qu’« un cahier des charges sera élaboré au sein d’un groupe de travail qui réunira les acteurs concernés et l’administration ».
Marisol Touraine s’est également prononcée en faveur d’une meilleure information de la CNS sur les suites données à ses avis par les pouvoirs publics, sur les décisions prises et leur état d’avancement. La conférence nationale de santé recommande en effet de « donner de la valeur à la démocratie en santé en tenant compte de ses avis ». En particulier, elle demande aux pouvoirs publics « d’accorder plus d’importance aux avis des instances de démocratie en santé face aux différents lobbies ». Elle plaide aussi pour que l’obligation de transparence, déjà applicable s’agissant des liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique, soit étendue aux liens avec les alcooliers et l’industrie agroalimentaire « du fait de leur forte importance en tant que déterminants de santé ».
Par ailleurs, tandis que la CNS pointe « l’absence de pilotage de la démocratie en santé au sein du ministère », la ministre a fait savoir qu’elle a confié au secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales la mission de coordonner toutes les personnes impliquées dans la démocratie en santé. Une décision qui s’appuie sur un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) rendu public le 7 juillet(3). L’IGAS y constate, notamment, que l’éclatement du pilotage de la démocratie sanitaire entre les directions de l’administration centrale du ministère des Affaires sociales et de la Santé donne « un sentiment de “flou” et de manque de performance » et recommande en effet de positionner le secrétariat général comme « seul pilote opérationnel ». « L’enjeu est de préfigurer ce qui deviendra, à terme, une structure dédiée au pilotage de la démocratie en santé au sein de notre administration », a affirmé Marisol Touraine.
Enfin, tout en se considérant « totalement indépendante dans l’expression de ses avis », la CNS regrette néanmoins de n’être « pas autonome dans son fonctionnement ». Or, selon elle, les instances consultatives doivent bénéficier d’une « autonomie suffisante pour s’exprimer librement », c’est-à-dire disposer des moyens nécessaires à l’exercice de leurs missions et à leur communication. Ainsi, elle réclame des moyens « négociés et définis dans le cadre d’un budget réservé alloué en début d’exercice et librement engagé par les instances ». Marisol Touraine s’est déclarée favorable à un renforcement des moyens de la CNS sans apporter plus de précisions.
(1) Il s’agit de la loi du 26 janvier 2016 « de modernisation de notre système de santé » – Voir ASH n° 2951 du 11-03-16, p. 47.
(2) « La CNS a 20 ans : ouvrons de nouvelles perspectives – 2e partie – Faire de la démocratie en santé un pilier de la gouvernance en santé, pour un système de santé plus solidaire et plus efficient ».
(3) Evaluation du pilotage de la démocratie sanitaire au sein des ministères sociaux – Huguette Mauss – Février 2016 – Disponible sur