Recevoir la newsletter

Canicule : prévenir plutôt que guérir

Article réservé aux abonnés

Dans les établissements pour personnes âgées ou handicapées, soumis depuis dix ans à l’obligation d’élaborer des « plans bleus », la prévention des risques sanitaires liés à la chaleur est désormais bien entrée dans les mœurs. Les services, eux, s’organisent de façon volontaire.

Comme chaque année depuis 2006, la direction générale de la santé a activé, le 1er juin dernier, son dispositif estival de veille saisonnière, dans le cadre du plan national « canicule »(1). Sauf conditions météorologiques particulières justifiant son maintien, la veille sera automatiquement désactivée le 31 août. Entre-temps, les établissements médico-sociaux auront dû mettre en œuvre tout un dispositif de surveillance et d’alerte (voir encadré), destiné à éviter que se reproduise l’épisode de 2003, au cours duquel environ 20 000 personnes, principalement âgées, avaient succombé sous l’effet de la chaleur.

Depuis 2013, un dispositif clair

« Depuis dix ans que le dispositif existe, les gestionnaires sont bien rodés, constate le docteur Bruno Morel, directeur délégué « veille et alerte » à l’ARS (agence régionale de santé) Auvergne-Rhône-Alpes. Au début, il a fallu élaborer tous les outils : “plans bleus”, protocoles de rappel du personnel en cas d’alerte, dossiers de liaison d’urgence, etc. Mais aujourd’hui, je n’ai pas connaissance de difficultés particulières. » Depuis 2013, le dispositif a gagné en lisibilité : les différents niveaux (veille saisonnière, avertissement chaleur, alerte canicule, mobilisation maximale) sont désormais coordonnés avec la carte de vigilance établie par Météo France (vert, jaune, orange, rouge), facilitant leur repérage par les professionnels. Sans que le déclenchement soit automatique pour autant : « Une vigilance orange qui ne dure qu’une journée ne nécessite pas forcément une alerte canicule », explique Bruno Morel.

A Marseille, la direction « hygiène et sécurité » de l’association La Chrysalide (gestionnaire de 40 établissements et services pour personnes handicapées mentales) a rédigé une trame de « plan bleu » commune aux différentes structures(2). Les préconisations sont distribuées aux professionnels de chaque établissement : « Qu’il s’agisse de la distribution de boissons à intervalles réguliers, de l’application de crème solaire ou de séjourner dans une pièce rafraîchie, la plupart relèvent du bon sens, estime Sandrine Peraldi, directrice du site Bouc – Bel-Air – Gardanne – Rousset. Mais précisément parce que cela semble évident, il est nécessaire d’effectuer des rappels. » En cas de forte chaleur, les activités sont adaptées : les travailleurs des ateliers espaces verts ou serrurerie embauchent dès 7 heures pour profiter de la fraîcheur, les sorties sont décalées ou visent plutôt des lieux climatisés, etc.

Tous les établissements ne disposent cependant pas de locaux rafraîchis. En Ile-de-France, sur les 18 établissements et services de Cap’devant ! (association spécialisée dans l’accueil de publics infirmes moteurs cérébraux), certains se contentent d’équipements mobiles, ventilateurs et brumisateurs. « Compte tenu du calendrier de fermeture estivale de notre IEM [institut d’éducation motrice], la délégation territoriale du Val-d’Oise de l’ARS Ile-de-France a refusé de financer l’installation d’un climatiseur fixe », cite Katia de Oliveira, responsable « qualité et gestion des risques ». A quelques kilomètres de là, la même dépense a pourtant été validée par la délégation des Hauts-de-Seine, également pour un IEM. « Le problème est que l’autorité qui exige l’équipement n’est pas forcément celle qui le finance », souligne Sandrine Peraldi. C’est ainsi que le conseil départemental des Bouches-du-Rhône n’a pas voulu financer la climatisation d’une ancienne clinique transformée en foyer d’hébergement, pourtant demandée par l’ARS.

L’aide à domicile au premier rang

Dans les accueils de jour, aucun cahier des charges n’impose de tels investissements. « Mais ici, par principe, on applique les mêmes règles que dans les établissements », annonce Marie-Laure Martin, directrice des accueils de jour de l’association Isatis, à Paris, destinés aux personnes âgées présentant des troubles cognitifs. L’infirmière coordinatrice de chaque structure sensibilise périodiquement l’équipe aux bonnes pratiques de prévention. Elle peut également conforter des observations et contribuer au repérage des personnes fragilisées. Mais les usagers ne fréquentent l’accueil de jour qu’une ou deux fois par semaine. L’essentiel est donc ailleurs : dans le resserrement d’un réseau d’aidants et d’intervenants, en particulier autour des situations les plus fragiles. « Nous incitons les personnes à se signaler auprès de leur mairie d’arrondissement, et les orientons vers d’autres accueils de jour pendant la période de fermeture. »

Au premier rang, se trouvent évidemment les services d’aide à domicile, tant décriés en 2003 pour leur inaction supposée. « Nous assurons une veille continue et coordonnée », affirme Nathalie Grillon, chargée de développement au Spasad (service polyvalent d’aide et de soins à domicile) AMSAV, à Paris. Attentives au moindre changement de comportement ou signe de fatigue inhabituelle, les intervenantes n’hésitent pas à alerter les soignants. En cas d’alerte de niveau 3, les services sont autorisés à débloquer des heures d’aide supplémentaires et à rajouter des passages. « Sauf que le circuit de la demande, qui doit passer par le centre d’action sociale de la Ville de Paris, ne permet pas vraiment d’intervenir en urgence », regrette un directeur.

Difficile, dans ces conditions, de savoir si la chaîne fonctionnerait réellement en cas de crise majeure. Une chose est sûre, cependant : l’instauration de mesures contraignantes pour les établissements a permis « une vraie prise de conscience des risques », estime Bruno Morel, de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes. La preuve : ces dernières années, la surveillance hebdomadaire de l’activité hospitalière n’a permis de détecter aucun phénomène inhabituel en été. Tout juste « un petit pic de surmortalité ». « Mais on est loin des niveaux de la grippe saisonnière, conclut Bruno Morel. Et évidemment plus loin encore de l’hécatombe de 2003. »

Cadre juridique

• Personnes âgées. Le décret du 7 juillet 2005 relatif aux conditions techniques minimales de fonctionnement des EHPA et EHPAD impose l’élaboration d’un plan détaillant les modalités d’organisation en cas de crise sanitaire ou climatique et l’aménagement d’un local ou d’une pièce rafraîchis. Un dossier de liaison d’urgence doit également être mis en place pour chaque résident, régulièrement mis à jour par le médecin traitant (depuis la diffusion d’un modèle par la DGCS en 2008).

• Personnes handicapées. Les établissements accueillant des personnes handicapées sont, par assimilation, soumis aux mêmes obligations depuis un courrier de la direction générale de l’action sociale du 14 juin 2007.

Témoignage : Catherine Furcy directrice de l’EHPAD La Maison des lumières, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)

« Chaque année, en mai, nous réactualisons le “plan bleu” pour y intégrer le profil des nouveaux résidents. Les 84 chambres de l’EHPAD [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] sont réservées à des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. De ce fait, par décision du médecin coordonnateur, celles-ci sont toutes jugées à risque. Les consignes de vigilance sont rappelées chaque jour, à l’occasion des transmissions entre équipes et lors du passage du cadre infirmier dans les différentes unités.

Chaque salon d’étage comporte un système de climatisation, de même que les deux salles à manger. Les personnes âgées n’apprécient pas du tout la sensation de l’air froid : il faut donc refroidir les pièces avant qu’elles s’y rendent. Le personnel de restauration enclenche la climatisation deux heures avant le service, puis l’éteint pendant le repas, et nous en profitons pour rafraîchir les salons d’étage. Dans la mesure du possible, nous proposons aussi des sorties dans le jardin. Par chance, le quartier de la Plaine-Saint-Denis est très venteux ! Partout, des points d’eau sont accessibles. Dans chaque lieu de vie, le personnel dispose de sirops et de boissons gélifiées, proposés très fréquemment. Nous ne prenons aucun risque : si nécessaire, nous demandons au médecin une prescription pour mettre en place une perfusion. Le prestataire de restauration propose des soupes, des granités, des glaces, pour adapter les menus, en concertation avec la direction et l’infirmière coordinatrice. Mais il faut veiller à ne pas trop modifier pour autant les habitudes, au risque de déstabiliser les résidents. Le soir, l’équipe de nuit (dont une infirmière) ouvre les fenêtres pour favoriser la circulation de l’air, ôte systématiquement les couvertures et peut distribuer des collations. Au-delà des équipements, la prévention repose sur la fine connaissance des résidents et sur la mobilisation de chacun, quelle que soit sa fonction. Quand il fait chaud, à chacun de lever le nez de son aspirateur ou de son ordinateur pour donner à boire si nécessaire. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2964 du 10-06-16, p. 47.

(2) Les « plans bleus » détaillent les modalités d’organisation à mettre en œuvre en cas de crise sanitaire ou météorologique.

Manager dans le social

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur