« Les fonctionnaires de notre pays doivent être à l’image de sa population », a réagi Manuel Valls, le 12 juillet, à la remise d’un rapport d’évaluation sur l’égalité d’accès aux emplois publics(1). Commandé en mai 2015 à Yannick L’Horty(2), enseignant-chercheur et spécialiste de la question discriminatoire dans la fonction publique, ce rapport est le premier à se pencher sur les risques de discrimination dans le recrutement de la fonction publique.
Pour mener à bien sa mission, Yannick L’Horty s’est appuyé sur l’exploitation systématique de bases de données de concours externes de la fonction publique de l’Etat et la réalisation de test de discrimination dans le domaine de l’accès à l’emploi public et à l’information sur les offres d’emploi. A ces données, se sont ajoutés des entretiens auprès de recruteurs. Concernant l’accès à l’emploi, les tests ont porté sur l’envoi de 3 258 candidatures en réponse à 1 086 offres d’emploi réelles concernant cinq professions dans les trois versants de la fonction publique. Ces tests montrent que les candidats d’origine maghrébine et ceux qui vivent dans un quartier relevant de la politique de la ville sont pénalisés dans l’accès aux fonctions publiques hospitalière et territoriale, où les modes de recrutement sont « très décentralisés et très peu organisés », proches de ceux du privé. En revanche, les tests ne révèlent pas de différence de traitement dans la fonction publique de l’Etat, où des actions en faveur de l’égalité ont été déployées depuis dix ans (label diversité, parité et pluralité des jurys…), très variables cependant d’un ministère à l’autre, souligne le rapport. S’agissant des concours, une analyse des résultats sur plusieurs années montre que les femmes et les personnes nées hors de France métropolitaine ou résidant dans les quartiers populaires ont moins de chance de réussir les écrits.
« En créant un décalage incompréhensible entre la promesse républicaine d’égalité, de méritocratie, et la réalité, ces pratiques ébranlent ce qui fonde notre cohésion nationale », a souligné le Premier ministre dans un communiqué. Pour Manuel Valls, « une exigence d’exemplarité s’impose aux employeurs publics ». Aussi a-t-il demandé à la ministre de la Fonction publique, Annick Girardin, de faire de la lutte contre les discriminations sa priorité, en révisant totalement les pratiques pour assurer à tous les même chances d’accès à la fonction publique. Le chef du gouvernement souhaite notamment sensibiliser les services d’orientation aux carrières de la fonction publique. Ensuite, pour donner à tous un égal accès aux concours, Manuel Valls rappelle notamment le doublement (passage de 500 à 1 000 places) du nombre de places dans les classes préparatoires intégrées, réservées aux candidats d’origine modeste. Il insiste aussi sur la formation systématique des jurys et de l’ensemble des recruteurs à la prévention des discriminations. En outre, une méthode de suivi et de contrôle des risques de discrimination sera mise en place, avec des campagnes de testing régulières, a-t-il indiqué. Par ailleurs, le projet de loi « égalité et citoyenneté », en cours de discussion au Parlement, prévoit d’ouvrir de nouvelles voies d’accès à la fonction publique, a indiqué Annick Girardin le 13 juillet en conseil des ministres. Il est ainsi prévu d’étendre les conditions d’accès au troisième concours en prenant en compte tout type d’activité (asssociative, privée, apprentissage). Il est aussi question de créer un nouveau contrat de droit public en alternance, ouvert aux chômeurs de moins de 28 ans résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, une zone de revitalisation rurale ou un département d’outre-mer.
(1) Rapport disponible sur