L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) peut être placé en rétention ou assigné à résidence à l’expiration du délai de départ volontaire ou dès la notification de l’OQTF si aucun délai de départ ne lui a été accordé. Rétention administrative et assignation à résidence apparaissent ainsi comme les deux moyens alternatifs à disposition de l’administration pour préparer l’éloignement forcé d’une personne. L’article L. 513-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) prévoit en effet l’exécution d’office de la mesure d’éloignement sitôt le délai de recours expiré ou la confirmation de la décision par le juge administratif s’il a été saisi et n’a pas annulé l’OQTF. Cependant, a expliqué le rapporteur (LR) de la loi au Sénat, François-Noël Buffet, « la rédaction du Ceseda et plus encore la pratique témoignent d’une priorité accordée à la rétention administrative sur l’assignation à résidence ». « De fait, les statistiques montrent la part congrue de l’assignation à résidence dans les mesures décidées par les préfectures » (Rap. Sén. n° 716, septembre 2015, Buffet, page 136). Or la directive « retour »(1) encadre le recours à la rétention en en faisant l’ultime modalité d’éloignement en cas d’insuffisance d’autres mesures moins coercitives.
Le législateur a ainsi voulu rapprocher le droit français de l’esprit de cette directive, en faisant de l’assignation à résidence le principe et la rétention l’exception. Deux articles du Ceseda – devant être lus de façon combinée – ont été réécrits en ce sens : l’article L. 551-1 – relatif au placement en rétention – et l’article L. 561-2 – relatif à l’assignation à résidence de courte durée.
Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 551-1 indique que, « à moins qu’il ne soit assigné à résidence, l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention […] », tandis que l’article L. 561-2 procède par renvoi à l’article L. 551-1. Ce qui donne à penser qu’il existe une hiérarchisation entre ces deux mesures, le Ceseda privilégiant la rétention sur l’assignation à résidence. La nouvelle loi inverse la logique rédactionnelle de ces deux articles, en inscrivant les détails de la procédure dans la disposition relative à l’assignation à résidence et en procédant par renvoi pour la définition de la rétention. Ces dispositions n’entreront toutefois en vigueur qu’à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er novembre 2016.
Profitant de cette réécriture, le législateur a également opéré quelques retouches tant autour du régime de la rétention que de celui de l’assignation à résidence : réduction de la durée de placement en rétention administrative, interdiction de la rétention des mineurs accompagnants, modification du régime de l’assignation à résidence en cas de report d’éloignement et de celui de l’assignation à résidence ordonnée par le juge des libertés et de la détention, mise en place d’une information juridique pour les personnes assignées à résidence… Là encore, ces dispositions n’entreront en vigueur qu’à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er novembre 2016.
Autre nouveauté avec la même date d’entrée en vigueur différée : pour permettre un éloignement effectif des personnes assignées à résidence, la loi du 7 mars 2016 confère aux autorités en charge de préparer et de mettre en œuvre le départ contraint de nouveaux moyens, tels que la faculté de requérir la force publique pour escorter ces personnes auprès des autorités consulaires et celle de pénétrer à leur domicile pour procéder à l’éloignement. De nouveaux outils qui ont pour but de permettre à l’autorité administrative de pallier le défaut de coopération d’une personne assignée à résidence qui utiliserait l’inviolabilité du domicile pour faire échec à son éloignement, que ce soit lors des préparatifs à l’éloignement ou lors de l’exécution proprement dite de la mesure.
L’article L. 551-1 du Ceseda est modifié pour faire du placement en rétention administrative une mesure subsidiaire à l’assignation à résidence, et non le mécanisme auquel recourent prioritairement les préfectures à l’heure actuelle. Ainsi, l’énumération des cas dans lesquels peut être prononcée une mesure de rétention ou d’assignation à résidence est transférée de l’article L. 551-1 prévoyant la rétention à l’article L. 561-2 relatif à l’assignation à résidence, lui aussi réécrit par la loi (voir page 51). Inversement, le critère permettant au préfet de distinguer la mesure la plus adaptée aux circonstances, c’est-à-dire le risque de soustraction à l’éloignement, est déplacé de l’article L. 561-2 à l’article L. 551-1. Ces dispositions n’entreront toutefois en vigueur qu’à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er novembre 2016.
En clair, à l’avenir, l’article L. 551-1 du Ceseda indiquera ainsi que, dans les cas prévus aux 1° à 7° de l’article L. 561-2, c’est-à-dire les cas dans lesquels l’autorité administrative pourra prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure « une perspective raisonnable » (voir page 51), l’étranger qui ne présentera pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de fuite pourra être placé en rétention par l’autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.
Les parlementaires ont profité de la réécriture de l’article L. 551-1 du Ceseda pour ramener de 5 jours à 48 heures la durée du placement en rétention décidée par l’autorité administrative (Ceseda, art. L. 551-1 modifié). Au-delà de ce délai en effet, il reviendra au juge des libertés et de la détention (JLD) d’autoriser la prolongation de la mesure de rétention(2).
Le législateur a explicité une disposition – qui figurait auparavant au 8° de l’article L. 551-1 – limitant le renouvellement de la mesure de placement en rétention, afin d’éviter le détournement de la durée légale de la rétention par une succession ininterrompue de rétentions d’un même individu. Il est précisé plus clairement que, à l’avenir, une décision de placement en rétention ne pourra être prise avant l’expiration d’un délai de 7 jours à compter du terme d’un précédent placement prononcé en vue de l’exécution de la même mesure d’éloignement. Une exception est toutefois prévue en cas d’évasion de l’étranger : si le précédent placement en rétention a pris fin après que l’étranger s’était soustrait aux mesures de surveillance dont il faisait l’objet, l’autorité administrative pourra décider d’un nouveau placement en rétention avant l’expiration du délai de 7 jours (Ceseda, art. L. 551-1 modifié).
Les parlementaires ont introduit un principe d’interdiction de la rétention des mineurs accompagnants … admettant toutefois trois exceptions. A partir d’une date fixée par décret, et au plus tard le 1er novembre 2016, le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur sera ainsi possible dans les cas suivants (Ceseda, art. L. 551-1 modifié) :
→ si l’étranger n’a pas respecté l’une des prescriptions d’une précédente mesure d’assignation à résidence ;
→ si, à l’occasion de la mise en œuvre de la mesure d’éloignement, il a pris la fuite ou opposé un refus ;
→ si, en considération de l’intérêt du mineur, le placement en rétention de l’étranger dans les 48 heures précédant le départ programmé préserve l’intéressé et le mineur qui l’accompagne des contraintes liées aux nécessités de transfert.
Dans ces trois situations, la durée du placement en rétention devra être « la plus brève possible, eu égard au temps strictement nécessaire à l’organisation du départ ». Et, dans tous les cas, précise encore la nouvelle loi, le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur ne sera possible que dans un lieu de rétention administrative « bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l’accueil des familles » (Ceseda, art. L. 551-1 modifié).
Enfin, plus globalement, « l’intérêt supérieur de l’enfant [devra] être une considération primordiale » pour l’application de l’article L. 551-1 tel qu’il est réécrit par la loi du 7 mars 2016.
L’article L. 561-2 du Ceseda, tel qu’il est réécrit par la loi du 7mars 2016, reprend – en la complétant – l’énumération des cas dans lesquels peut être prononcée une mesure de rétention ou d’assignation à résidence, qui figurait jusqu’à présent à l’article L. 551-1. Inversement, le critère permettant au préfet de décider laquelle de ces deux mesures est la plus adaptée au cas d’espèce – l’existence ou non d’un risque que l’étranger se soustraie à la mesure d’éloignement – est replacé au sein de l’article L. 551-1 (voir page 50).
L’article L. 561-2 du Ceseda indique ainsi que, au plus tard le 1er novembre prochain, l’autorité administrative pourra prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de « l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable », lorsque cet étranger :
→ doit être remis aux autorités compétentes d’un Etat membre de l’Union européenne (UE) en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ;
→ est un demandeur d’asile qui, en application du règlement de Dublin, doit être transféré dans un autre pays de l’UE pour voir examinée sa demande d’asile ;
→ fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ;
→ doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction judiciaire du territoire prise en application du deuxième alinéa de l’article L. 531-3 du Ceseda ;
→ fait l’objet d’une OQTF prise moins de 1 an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n’a pas été accordé ;
→ doit être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire français, d’une interdiction de circulation sur le territoire français ou d’une interdiction administrative du territoire ;
→ ayant fait l’objet d’une décision d’assignation à résidence ou de placement en rétention administrative, n’a pas déféré à la mesure d’éloignement dont il fait l’objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire.
S’il apparaît qu’un étranger ainsi assigné à résidence ne présente plus de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite – notamment parce qu’il n’a pas respecté les prescriptions liées à l’assignation à résidence ou que, à l’occasion de la mise en œuvre de la mesure d’éloignement, il a pris la fuite ou opposé un refus –, il pourra alors faire l’objet d’un placement en rétention (Ceseda, art. L. 561-2 modifié).
Selon François-Noël Buffet, la principale faiblesse du dispositif de l’assignation à résidence consistait, jusqu’à présent, « en l’absence de moyens de contrainte à disposition de l’autorité administrative pour mettre en œuvre la mesure d’éloignement » (Rap. Sén. n° 716, septembre 2015, Buffet, page 159). Et le sénateur de citer l’étude d’impact jointe au projet de loi initial : « dans de nombreuses hypothèses, la personne assignée qui entend empêcher [la] préparation de l’éloignement ne va pas quitter le lieu de résidence qui lui a été désigné. […] Elle peut […] utiliser l’inviolabilité du domicile pour s’opposer à toute procédure administrative : la notification d’une mesure de placement en rétention qui peut être mise en œuvre dans un tel cas d’obstruction manifeste est alors empêchée. »
Pour remédier à cette « difficulté », le législateur permet à l’autorité administrative de demander au juge des libertés et de la détention de l’autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu’ils visitent le domicile d’un étranger assigné à résidence. Il pourra plus précisément, à l’avenir – à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er novembre 2016 – le faire « en cas d’impossibilité d’exécution d’office de la mesure d’éloignement résultant de l’obstruction volontaire » de celui-ci. En outre, la mesure ne pourra être utilisée que pour (Ceseda, art. L. 561-2 modifié) :
→ s’assurer de la présence au domicile de l’étranger et le reconduire à la frontière ;
→ lui notifier une décision de placement en rétention si le départ n’est pas possible immédiatement.
La procédure instituée s’inspire largement des dispositions du code de procédure pénale relatives aux perquisitions et saisies.
Saisi par requête, le JLD statuera dans un délai de 24 heures. A peine de nullité, sa décision devra être motivée. Le juge devra en outre s’assurer « du caractère exécutoire de la décision d’éloignement que la mesure vise à exécuter et de l’obstruction volontaire de l’étranger à ladite exécution, dûment constatée par l’autorité administrative, résultant notamment de l’absence de réponse de l’étranger à sa demande de présentation pour les nécessités de son exécution ». La décision devra mentionner l’adresse des lieux dans lesquels les opérations de visite peuvent être effectuées (Ceseda, art. L. 561-2 modifié).
L’ordonnance ayant autorisé la visite sera exécutoire pendant 96 heures. Elle sera notifiée sur place à l’étranger dans une langue qu’il comprend ou, à défaut, à l’occupant des lieux, qui en recevra copie intégrale contre récépissé. L’acte de notification devra mentionner les voies de recours (Ceseda, art. L. 561-2 modifié).
Les opérations de visite seront effectuées sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, qui pourra se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales. Ces opérations ne pourront être commencées avant 6 heures ni après 21 heures. Elles ne pourront, à peine de nullité, avoir un autre objet que l’exécution de la mesure d’éloignement visée dans la décision du juge des libertés et de la détention (Ceseda, art. L. 561-2 modifié).
Il sera dressé un procès-verbal mentionnant les dates et heures de début et de fin des opérations et les conditions de leur déroulement. Ce procès-verbal sera présenté à la signature de l’étranger ou, à défaut, de l’occupant des lieux. En cas de refus, mention sera faite de ce refus et de ses motifs déclarés. Le procès-verbal sera transmis au JLD, copie en ayant été remise à l’étranger ou, à défaut, à l’occupant des lieux (Ceseda, art. L. 561-2 modifié).
Les ordonnances du juge seront susceptibles d’appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué. Le magistrat pourra être saisi sans forme et devra statuer dans un délai de 48 heures à compter de sa saisine. L’appel ne sera pas suspensif. Le premier président de la cour d’appel ou son délégué pourra, par ordonnance motivée et sans avoir préalablement convoqué les parties, rejeter les déclarations d’appel manifestement irrecevables (Ceseda, art. L. 561-2 modifié).
(A noter) La condition d’impossibilité d’exécution d’office de la mesure d’éloignement résultant de l’obstruction volontaire de l’étranger (voir ci-dessus) ne sera pas requise si l’étranger fait l’objet d’un arrêté d’expulsion, d’une interdiction judiciaire du territoire français ou d’une interdiction administrative du territoire français (Ceseda, art. L. 561-2 modifié).
La loi du 7 mars 2016 modifie sur certains points l’article L. 561-1 du Ceseda relatif à l’assignation à résidence en cas de report de l’éloignement – modifications qui n’entreront toutefois en vigueur qu’à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er novembre 2016. Cette mesure concerne des étrangers qui sont dans l’impossibilité de quitter le territoire français ou ne peuvent ni regagner leur pays d’origine ni se rendre dans aucun autre pays. Ils se voient, en conséquence, remettre une autorisation de maintien provisoire sur le territoire assortie d’une restriction de leur liberté de circulation. Ce type d’assignation se distingue ainsi de celle de l’article L. 561-2 – mesure alternative à la rétention administrative – qui s’applique à l’étranger dont le départ demeure une perspective raisonnable (voir page 51).
La nouveauté, c’est que la loi remédie à une lacune de cet article, qui ne prévoit actuellement pas de limite dans le temps à l’assignation à résidence, se bornant à indiquer qu’elle peut être prononcée pour une durée maximale de 6 mois renouvelable « une fois ou plus » dans la même limite de durée. Or « cette absence de limite dans le temps posée à une mesure restrictive de liberté, sans que soit prévu un réexamen périodique de sa nécessité et de sa proportionnalité, est contraire aux grands principes de notre droit », a expliqué François-Noël Buffet (Rap. Sén. n° 716, septembre 2015, Buffet, page 155). La loi pallie donc cette lacune en inscrivant que la décision d’assignation à résidence ne peut en principe être prise que pour une durée maximale de 6 mois renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision motivée. Par exception, cette durée de 6 mois ne sera pas applicable dans deux hypothèses (Ceseda, art. L. 561-1 modifié) :
→ en cas d’interdiction de retour ou d’interdiction de circulation, la mesure d’assignation de 6 mois au maximum est renouvelable tant que l’interdiction est exécutoire, soit dans la limite fixée par l’autorité administrative elle-même au moment de la prise de décision d’une telle interdiction ;
→ en cas d’interdiction judiciaire du territoire en application de l’article 131-30 du code de procédure pénale, ou lorsque l’étranger fait l’objet d’un arrêté d’expulsion en application des articles L. 523-3 à L. 523-5 du Ceseda, il n’est prévu aucune limitation de durée.
Au passage, la loi ajoute à la liste des prescriptions liées à l’assignation à résidence l’obligation pour l’étranger de se présenter, lorsque l’autorité administrative le lui demandera, aux autorités consulaires en vue de la délivrance d’un document de voyage (Ceseda, art. L. 561-1 modifié). L’absence d’une telle précision aurait privé d’effet utile le dispositif d’escorte créé par la nouvelle loi (voir ci-contre).
Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 552-4 du Ceseda prévoit que, lorsqu’il est saisi d’une première demande de prolongation d’une mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention peut, « à titre exceptionnel », substituer à cette mesure l’assignation à résidence de l’étranger à condition que ce dernier dispose de garanties de représentation effectives et remette à un service de police ou à une unité de gendarmerie l’original de son passeport ou de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé portant mention de la mesure d’éloignement en instance d’exécution.
Par cohérence avec l’ensemble du dispositif de la nouvelle loi visant à faire de l’assignation à résidence la règle et la rétention l’exception, le législateur a supprimé les mots « à titre exceptionnel » de l’article (Ceseda, art. L. 552-4 modifié). La mesure entrera en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er novembre 2016.
La loi offre à l’autorité administrative – à partir d’une date qui sera fixée par décret, et au plus tard le 1er novembre 2016 – la faculté de requérir la force publique pour escorter, devant des autorités consulaires, un étranger assigné à résidence qui n’aurait pas déféré à une précédente convocation sans motif légitime. « Cohérente avec la volonté de faire désormais prévaloir l’assignation à résidence sur le placement en rétention administrative, cette disposition est nécessaire à son efficacité puisque, en son absence, il suffirait à la personne concernée de refuser d’accomplir les formalités consulaires pour faire échec à l’éloignement », explique le rapporteur (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, Erwann Binet (Rap. A.N. n° 3423, janvier 2016, Binet, page 117).
La mesure concerne tout étranger assigné à résidence, qu’il s’agisse d’une assignation décidée par le préfet de façon alternative à la rétention, d’une assignation de longue durée, d’une assignation décidée par le juge des libertés et de la détention ou bien encore d’une assignation consécutive à un arrêté d’expulsion.
Concrètement, à l’avenir, si un étranger assigné à résidence n’a pas déféré, sans motif légitime, à unedemande de présentation aux autorités consulaires du pays dont il est raisonnable de penser qu’il a la nationalité, en vue de la délivrance d’un document de voyage, l’autorité administrative pourra le faire conduire auprès de ces autorités par les forces de l’ordre en vue de cette démarche. Précision importante : cette faculté ne pourra être mise en œuvre que « dans les conditions strictement nécessaires » à cette démarche (Ceseda, art. L. 513-5 nouveau).
En cas d’impossibilité de faire conduire l’étranger auprès des autorités consulaires résultant d’une obstruction volontaire de sa part, l’autorité administrative pourra demander au juge des libertés et de la détention de l’autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu’ils visitent le domicile de l’étranger afin de s’assurer de sa présence et de le conduire auprès des autorités consulaires et, si les conditions en sont remplies, de lui notifier une décision de placement en rétention.
Le JLD devra statuer dans les 24 heures. A peine de nullité, sa décision devra être motivée. Il devra s’assurer de l’obstruction volontaire de l’étranger à la demande de présentation aux autorités consulaires, dûment constatée par l’autorité administrative, résultant de la non-présentation, sans motif légitime, aux autorités consulaires en vue de préparer l’exécution d’une décision d’éloignement. La décision du JLD devra mentionner l’adresse des lieux dans lesquels les opérations de visite pourront être effectuées. L’ordonnance du juge des libertés et de la détention sera exécutoire dans les conditions fixées à l’article L. 561-2, II du Ceseda (voir page 52) (Ceseda, art. L. 513-5 modifié).
(A noter) Suivant les mêmes modalités, la loi permet à l’autorité administrative confrontée à un étranger présent sur le territoire français malgré une interdiction administrative du territoire de demander au juge des libertés et de la détention de l’autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu’ils visitent le domicile de l’étranger afin de s’assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ n’est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision de placement en rétention (Ceseda, art. L. 214-4 modifié).
C’est le gouvernement qui en a soufflé l’idée, arguant de difficultés dans l’application de la loi portant réforme du droit d’asile du 29 juillet 2015(3) : les parlementaires ont adapté aux demandeurs d’asile assignés à résidence sur le fondement de l’article L. 742-2 du Ceseda – c’est-à-dire pendant la procédure de détermination de l’Etat responsable de l’examen de leur demande – le nouveau dispositif d’escorte par la force publique.
Ainsi, à partir d’une date qui sera fixée par décret, et au plus tard le 1er novembre 2016, si le demandeur d’asile astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés n’a pas déféré, sans motif légitime, aux convocations de l’autorité administrative et aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure de détermination de l’Etat responsable de sa demande, l’autorité administrative pourra le faire conduire par les services de police ou les unités de gendarmerie en vue de cette démarche, dans les conditions et pour le temps strictement nécessaires à celle-ci (Ceseda, art. L. 742-2 modifié).
En cas d’impossibilité de faire conduire le demandeur résultant d’une obstruction volontaire de sa part, l’autorité administrative pourra demander au juge des libertés et de la détention de l’autoriser à requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour qu’ils visitent le domicile du demandeur afin de s’assurer de sa présence, de le conduire pour assurer les présentations nécessaires à la poursuite de la procédure de détermination de l’Etat responsable de la demande d’asile et, si les conditions en sont remplies, de lui notifier une décision de transfert à destination de l’Etat responsable de sa demande ainsi que, le cas échéant, une décision d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2 (voir page 51) ou une décision de placement en rétention. Les opérations de visite ne pourront, à peine de nullité, avoir d’autres finalités (Ceseda, art. L. 742-2 modifié).
Le JLD devra statuer dans les 24 heures. Sa décision devra être motivée, sous peine de nullité. Le juge devra s’assurer de l’obstruction volontaire du demandeur aux demandes de présentation qui lui sont faites dans le cadre de la procédure de détermination de l’Etat responsable de la demande d’asile, dûment constatée par l’autorité administrative. La décision devra mentionner l’adresse des lieux dans lesquels les opérations de visite peuvent être effectuées (Ceseda, art. L. 742-2 modifié).
La nouvelle loi met en place, à partir d’une date qui sera fixée par décret, et au plus tard le 1er novembre 2016, une information juridique pour les personnes assignées à résidence.
Les sénateurs Eliane Assassi et François-Noël Buffet l’avaient pointé il y a 2 ans dans leur rapport d’information sur les centres de rétention administrative(4) : on se trouve « confronté à ce paradoxe d’une rétention qui garantit davantage l’accès au droit du fait de la présence des associations dans les centres de rétention que l’assignation à résidence qui laisse les personnes livrées à elles-mêmes ». Une des propositions du rapport recommandait ainsi la mise en place d’un dispositif d’information, « en s’appuyant notamment sur les points d’accès au droit ou les maisons de la justice, par exemple en incluant cette prestation dans la convention qui lie le ministère de l’Intérieur avec les cinq associations en charge de l’assistance juridique en rétention ».
La loi n’est pas aussi précise, mais dispose que les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 – relatif à l’assignation à résidence par le JLD (voir page 53) – et L. 562-1 – relatif à l’assignation à résidence de courte durée (voir page 51) – du Ceseda se verront « remettre une information sur les modalités d’exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d’une aide au retour » (Ceseda, art. L. 561-2-1 nouveau).
La nouvelle loi comporte, au-delà, diverses dispositions : reconnaissance légale d’un accès, pour les journalistes, aux zones d’attente et lieux de rétention ; ouverture d’un droit d’accès aux zones d’attente pour les associations d’aide aux étrangers ; création d’une sanction pénale en cas de refus de la part de certains étrangers de se soumettre à la prise d’empreintes digitales ou d’une photographie ; création d’une sanction en cas de fuite d’une zone d’attente ou d’un lieu de rétention.
La loi a introduit dans le Ceseda le principe de l’accès des journalistes aux zones d’attente et aux lieux de rétention.
Jusqu’à récemment, aucune règle de droit ne régissait cet accès. « En l’absence de règle, les décisions en la matière étaient à la discrétion de l’administration », a expliqué le rapporteur de la loi au Sénat, François Noël Buffet. « L’accès des journalistes dans des lieux de rétention a ainsi été autorisé à plusieurs reprises soit par le ministère, soit par le préfet de tutelle du centre de rétention, voire même par la direction centrale de la police aux frontières, en accompagnement de parlementaires ou du défenseur des droits notamment » (Rap. Sén. n° 716, septembre 2015, Buffet, page 165). Un cadre juridique a été posé l’an dernier avec la loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse, qui a modifié l’article 719 du code de procédure pénale (CPP) pour autoriser les journalistes à accompagner des députés, sénateurs et représentants au Parlement européen élus en France dans les centres de rétention et les zones d’attente dans des conditions fixées par un décret. Ce dernier n’est toutefois toujours pas paru.
C’est ainsi en parallèle de cette procédure – qui n’a donc toujours pas été traduite au plan réglementaire – que la loi a créé une autre voie d’accès aux lieux de rétention et aux zones d’attente pour les journalistes, ne nécessitant pas la présence de parlementaires.
Deux articles aux dispositions symétriques ont ainsi été introduits dans le texte : l’un relatif à l’accès des journalistes aux zones d’attente (art. L. 221-6 nouveau) et l’autre à leur accès aux « lieux de rétention » (art. L. 553-7 nouveau), terme qui englobe les centres comme les locaux de rétention administrative.
Chacun de ces deux articles ouvre aux journalistes titulaires de la carte de presse la faculté d’accéder aux zones d’attente pour l’un et aux lieux de rétention pour l’autre, sous la double réserve de ne pas porter atteinte (Ceseda, art. L. 221-6 et L. 553-7 nouveaux) :
→ à la dignité des personnes ;
→ aux exigences de sécurité et de bon fonctionnement de ces lieux.
La loi renvoie à un décret le soin de fixer les conditions dans lesquelles les journalistes pourront agir. Le texte devrait ainsi, selon François-Noël Buffet, préciser la procédure d’autorisation et les motifs de refus de celle-ci (Rap. Sén. n° 716, septembre 2015, Buffet, page 165).
Tirant par ailleurs les conséquences de ce nouvel accès des journalistes, le législateur a précisé le régime du droit à l’image des personnes évoluant en zone d’attente et dans les lieux de rétention. Ainsi, les prises d’images et de son des étrangers, des personnels et des intervenants dans ces lieux, de même que leur diffusion ne seront autorisées qu’avec leur accord préalable. En outre, la loi impose que les prises d’images et de son se déroulent « dans le respect de l’anonymat patronymique et physique des mineurs et, sauf accord contraire exprès, des majeurs » (Ceseda, art. L. 221-6 et L. 553-7 nouveaux). « Ce dispositif, protecteur de la dignité des personnes et respectueux de leur vie privée, s’articule avec le droit commun du droit à l’image dont on rappellera qu’il se déduit du droit au respect de la vie privée posé à l’article 9 du code civil permettant à toute personne de s’opposer à la diffusion, sans son autorisation expresse, de son image, attribut de sa personnalité », explique François-Noël Buffet (Rap. Sén. n° 716, septembre 2015, Buffet, page 166).
(A noter) Les sénateurs ont tenté de supprimer la procédure d’accompagnement des parlementaires par les journalistes, la considérant inutile dès lors que ces derniers pourront accéder seuls, à l’avenir, aux lieux de rétention et aux zones d’attente. Mais les députés ont préféré la conserver. A leurs yeux, en effet, le fait que des journalistes accèdent seuls aux lieux de rétention, sur autorisation, dans des conditions respectant le bon fonctionnement de ces lieux et les exigences de sécurité, ne doit pas signifier qu’ils ne puissent plus se joindre aux visites sans préavis que peuvent effectuer les parlementaires. Seule modification apportée au final à l’article 719 du code de procédure pénale : la procédure d’accompagnement ne se limite plus, au-delà des zones d’attente, aux seuls centres de rétention mais concerne tous les « lieux de rétention administrative » (CPP, art. 719 modifié).
Sous l’impulsion des sénateurs, le Parlement a été tout prêt de prévoir la conclusion de conventions entre le ministre de l’Intérieur et des organismes associatifs pour offrir une assistance juridique aux étrangers placés en zone d’attente, sur le modèle des partenariats signés en application de l’article L. 553-6 du Ceseda pour les étrangers placés en rétention administrative. Lequel renvoie à un décret le soin de définir les modalités selon lesquelles les étrangers maintenus en rétention bénéficient d’actions d’accueil, d’information et de soutien, pour permettre l’exercice effectif de leurs droits et préparer leur départ.
Afin de limiter l’impact financier d’une telle disposition – les organismes habilités à apporter un soutien juridique aux étrangers en centre de rétention sur le fondement de l’article L. 553-6 du Ceseda bénéficient en effet d’un financement public –, le gouvernement a fait adopter un amendement visant à substituer à la signature d’une convention le simple octroi d’un droit d’accès aux associations concernées. Cet amendement a modifié pour cela l’article L. 223-1 du Ceseda, lequel renvoie à un décret – attendu au plus tard le 1er novembre 2016 – le soin de déterminer les conditions d’accès aux zones d’attente des associations ayant pour objet d’aider les étrangers à exercer leurs droits (5).
Pour rappel, l’article L. 221-4 du Ceseda détaille les droits en question. Il dispose notamment que « l’étranger maintenu en zone d’attente est informé, dans les meilleurs délais, qu’il peut demander l’assistance d’un interprète et d’un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix et quitter à tout moment la zone d’attente pour toute destination située hors de France ». Il doit être également informé, dans une langue qu’il comprend, « des droits qu’il est susceptible d’exercer en matière de demande d’asile ».
La loi « Cazeneuve » introduit dans le Ceseda une sanction pénale en cas de refus pour un étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement ou ne remplissant pas les conditions d’entrée dans l’espace Schengen de se conformer à l’obligation de se soumettre à la prise d’empreintes digitales ou d’une photographie.
Pour rappel, l’article L. 611-3 du Ceseda prévoit que peuvent être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé les empreintes digitales et la photographie de ces catégories d’étrangers. Cette disposition, explique le sénateur François-Noël Buffet, « vise à permettre l’identification des personnes afin de favoriser la lutte contre l’immigration irrégulière. Elle est l’une des bases légales du traitement automatisé AGDREF 2 (Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France) » (Rap. Sén. n° 716, septembre 2015, Buffet, page 168).
Avant la dépénalisation du séjour irrégulier sous l’influence de la jurisprudence européenne, le refus de se soumettre à ces relevés était poursuivi sur le fondement de l’article 55-1 du code de procédure pénale. Ce dernier prévoit en effet une peine de 1 an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende en cas de refus, par une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, de se soumettre aux opérations de prélèvement, notamment de prise d’empreintes digitales, palmaires ou de photographies nécessaires à l’alimentation et à la consultation des fichiers de police. Mais le séjour irrégulier ne constituant plus une infraction pénale, il n’est dès lors plus possible de se référer à cette disposition.
C’est ainsi que, jusqu’à présent, le refus de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales ou à la prise de sa photographie ne faisait l’objet d’aucune sanction pénale. Une « lacune » – selon les mots de François-Noël Buffet – à laquelle remédie donc la nouvelle loi. Depuis le 9 mars 2016 – la mesure est en effet d’application immédiate –, le refus de se soumettre à ces opérations est puni de 1 an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende (Ceseda, art. L. 611-3 modifié).
Dans sa rédaction antérieure, l’article L. 624-1 du Ceseda sanctionnait trois comportements liés à une présence en situation irrégulière sur le territoire :
→ le fait de s’être maintenu sur le territoire malgré une mesure de placement en rétention ou d’assignation à résidence préparatoire à un éloignement finalement non exécuté, réprimé de 1 an d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ;
→ le recours à des manœuvres pour se soustraire à une mesure d’éloignement du territoire ou pour y revenir, malgré une mesure l’interdisant, punie de 3 ans d’emprisonnement ;
→ le fait de ne pas présenter des documents de voyage permettant l’exécution d’une mesure d’éloignement, de n’avoir pas fourni d’informations permettant de le faire ou d’avoir fourni des renseignements erronés, également puni de 3 ans d’emprisonnement.
La loi change la donne à travers la création, au sein du Ceseda, d’un article L. 624-1-1, entré en vigueur sans qu’il soit besoin d’attendre un texte d’application. Ce nouvel article regroupe les deux dernières dispositions de l’article L. 624-1 (la soustraction frauduleuse à une mesure d’éloignement et le fait de ne pas fournir ses documents de voyage), lequel ne comprend plus désormais que le seul délit de maintien irrégulier sur le territoire (Ceseda, art. L. 624-1-1 nouveau).
Le nouvel article prévoit, par ailleurs, une disposition sanctionnant la fuite d’une zone d’attente ou d’un lieu de rétention. Ainsi, l’étranger maintenu en zone d’attente ou en rétention administrative qui se soustrait ou tente de se soustraire à la mesure de surveillance dont il fait l’objet est puni d’une peine de 3 ans d’emprisonnement. La peine est portée à 5 ans d’emprisonnement lorsque les faits sont commis par violence, effraction ou corruption et à 7 ans d’emprisonnement lorsque les faits sont commis en réunion ou sous la menace d’une arme ou d’une substance explosive, incendiaire ou toxique. Les mêmes peines sont applicables à toute personne qui sciemment, par aide ou par assistance, facilite la préparation ou la commission de ces infractions (Ceseda, art. L. 624-1-1 nouveau).
Assignation à résidence. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est réécrit pour favoriser l’assignation à résidence et faire du placement en rétention administrative une mesure subsidiaire à cette dernière. De nouveaux moyens sont par ailleurs donnés aux autorités chargées de préparer un départ contraint, avec la faculté de requérir la force publique pour escorter des personnes assignées à résidence auprès des autorités consulaires et celle de pénétrer dans le domicile des intéressés pour procéder à l’éloignement.
Rétention administrative. La durée du placement en rétention décidée par l’autorité administrative sera, à l’avenir, ramenée de 5 jours à 48 heures. Le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur sera par ailleurs proscrit, à trois exceptions près : non-respect d’une précédente mesure d’assignation à résidence, fuite ou refus à l’occasion de la mise en œuvre d’une mesure d’éloignement, placement en rétention préférable en considération de l’intérêt du mineur avant un départ programmé.
Accès aux zones d’attente et lieux de rétention. La loi « Cazeneuve » crée une nouvelle voie d’accès aux lieux de rétention et aux zones d’attente pour les journalistes, ne nécessitant pas la présence de parlementaires. Elle octroie également un droit d’accès aux zones d’attente aux associations ayant pour objet d’aider les étrangers à y exercer leurs droits.
Dans notre numéro 2967 du 1er juillet 2016, page 45
I. OQTF et interdiction de territoire
II. Contestation d’une décision d’éloignement
Dans ce numéro
III. Rétention administrative et assignation à résidence
A. La rétention administrative
B. L’assignation à résidence
IV. Dispositions diverses
A. L’accès des journalistes aux zones d’attente et lieux de rétention
B. L’accès aux zones d’attente des associations d’aide aux étrangers
C. Une sanction en cas de refus d’une prise d’empreintes ou d’une photographie
D. Un délit de fuite d’une zone d’attente ou d’un lieu de rétention
La loi prévoit que, « lorsqu’il est mis fin à la rétention pour une raison autre que l’annulation, l’abrogation ou le retrait de la mesure d’éloignement », un rappel de l’obligation de quitter le territoire français doit être adressé à l’étranger par le juge des libertés et de la détention ou par l’autorité administrative (étant entendu que, si cela n’est pas fait, cela reste sans conséquence sur la régularité et le bien-fondé de procédures ultérieures d’éloignement et de rétention). Et elle précise que l’article L. 561-2 du Ceseda – relatif à l’assignation à résidence de courte durée (voir page 51) – est applicable (Ceseda, art. L. 554-3 modifié).
Cela revient, en clair à permettre l’assignation à résidence d’un étranger dont la rétention a pris fin soit sur décision du juge des libertés et de la détention, soit à l’expiration du délai légal de rétention. A contrario et sans changement, un étranger dont la rétention aurait pris fin à la suite de l’annulation de sa mesure d’éloignement ne saurait être assigné à résidence.
L’article L. 554-3 ainsi modifié est d’ores et déjà entré en vigueur.
Information du Parlement sur l’assignation à résidence (art. 42). La loi du 7 mars 2016 ajoute « le nombre de personnes ayant fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence » à la liste des données statistiques contenues dans le rapport annuel sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration que le gouvernement doit transmettre au Parlement (Ceseda, art. L. 111-10 modifié).
Procédure de « réadmission » (art. 30). Dans un article qui n’entrera en vigueur qu’à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er novembre 2016, la loi précise les conditions applicables à la procédure dite de « réadmission ». En application d’accords bilatéraux, cette procédure permet à un Etat de renvoyer un étranger en séjour irrégulier vers le territoire de l’Etat l’ayant initialement autorisé à entrer sur son territoire ou à y séjourner, qui procédera alors, le cas échéant, à son éloignement. La France a passé ce type d’accords avec de nombreux pays, membres ou non de l’Union européenne. Problème : l’application de cette procédure entre Etats membres de l’Union européenne est contradictoire avec la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dite directive « retour », qui prévoit que l’Etat membre doit prendre en principe une mesure d’éloignement à l’encontre de ressortissants d’Etats tiers en séjour irrégulier sur son territoire. La directive « retour » précise toutefois que, en cas d’accords ou d’arrangements bilatéraux existant à la date d’entrée en vigueur de la directive avec des Etats membres de l’Union européenne, l’Etat peut ne pas prendre de décision de retour à l’égard du ressortissant en séjour irrégulier mais mettre en œuvre cette procédure de réadmission. C’est l’Etat membre vers lequel le ressortissant a été réadmis qui devra alors procéder à son éloignement. Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 531-1 du Ceseda prévoit cette possibilité de réadmission… sans préciser cependant, comme le prévoit la directive, que cette procédure alternative n’est possible qu’en vertu d’accords ou d’arrangements bilatéraux existant à la date d’entrée en vigueur de la directive, soit le 13 janvier 2009. Un oubli réparé par la nouvelle loi.
Choix du pays de destination (art. 32). Dans un souci de conformité à la directive « retour », la loi a modifié les dispositions de l’article L. 513-2 du Ceseda relatives à la détermination du pays vers lequel l’Etat peut éloigner un ressortissant étranger. D’application immédiate, le nouvel article L. 531-2 prévoit les trois possibilités de renvoi suivantes :
• vers le pays dont l’étranger a la nationalité, sauf si le statut de réfugié ou de protection subsidiaire lui a été accordée, ou si sa demande est toujours en cours d’instruction (sans changement) ;
• vers le pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité (procédure dite de « réadmission »), ce – et c’est une nouveauté – « en application d’un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral » ;
• vers un autre pays où il est légalement admissible sous réserve – c’est une autre nouveauté – que l’étranger ait donné son accord. Dit autrement, l’éloignement à destination d’un pays tiers, qui n’est ni le pays de la nationalité de l’étranger, ni le pays ayant délivré un document de voyage valide, ne peut se faire qu’avec l’accord de l’étranger.
Recours suspensif contre une OQTF prononcée outre-mer (art. 29). Le législateur a modifié l’article L. 514-1 du Ceseda qui, jusqu’à présent, établissait le régime contentieux de l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) sans délai de départ volontaire à Mayotte, en Guyane et à Saint-Martin (ainsi que, par un jeu de renvoi et pour une période transitoire courant jusqu’à la fin du mois de juin 2016, en Guadeloupe et à Saint-Barthélemy). Désormais applicable, sans limitation de durée, en Guyane, Guadeloupe, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, cette disposition prévoit que l’OQTF ne peut, dans ces territoires, faire l’objet d’une exécution d’office, si l’étranger a saisi le tribunal administratif d’un recours en référé, avant que le juge des référés ait informé les parties de la tenue ou non d’une audience publique ni, si les parties ont été informées d’une telle audience, avant que le juge ait statué sur la demande (Ceseda, art. L. 514-1 modifié).
(1) Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
(3) Lorsque l’examen d’une demande d’asile relève d’un autre pays européen, la loi du 29 juillet 2015 permet l’assignation à résidence du demandeur d’asile aux fins de mise en œuvre de la procédure de détermination de l’Etat responsable – Voir ASH n° 2934 du 20-11-15, p. 52.
(5) Jusqu’à présent, la loi renvoyait simplement à un décret le soin de déterminer les conditions d’accès aux zones d’attente du délégué du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou de ses représentants ainsi que des associations humanitaires.